Est-il autorisé de piloter un drone avec une liaison 4G ou 5G ? Les réponses de l’ARCEP
A l’occasion de la sortie de l’Anafi AI de Parrot en 2021, un drone disposant d’un mode de pilotage en 4G, j’avais entrepris de poser une question assez simple : « est-il autorisé de piloter un drone via une liaison mobile, en 4G » ?
En l’absence de réponse claire chez Parrot et d’autres constructeurs, j’avais posé la question à l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques, des Postes et de la distribution de la presse (ARCEP). J’avais obtenu des informations intéressantes sur la technologie, sur les études en cours, mais pas de citation possible : « il est trop tôt pour en parler officiellement ».
A quoi ça sert, une liaison mobile sur un drone ?
L’usage de communications sur un réseau mobile permet de conserver une liaison quelle que soit la distance entre le pilote et le drone. De quoi envisager des vols derrière des obstacles, des vols très longue distance, voire des vols où le pilote et son drone se trouvent à des endroits totalement différents.
Pour qui ?
Les liaisons mobiles en drone sont principalement destinées à des usages industriels, les vols de longue élongation, par exemple pour la surveillance du réseau de chemin de fer ou les lignes à haute tension.
Et pour le grand public ? L’obligation de vol en vue directe en catégorie Ouverte n’est pas vraiment compatible avec la liberté offerte par les liaisons mobiles. En tous cas pas en Europe. Pour le loisir, l’usage des communications 4G pour piloter et profiter d’un retour vidéo restera sans doute pour assez longtemps encore une initiative de passionnés. C’est le cas de modifications de l’aile Disco de Parrot avec un module 4G, celle-ci d’UAVPal par exemple. Des expériences fonctionnelle et très excitantes, mais évidemment hors des clous réglementaires en termes de liaison radio, de vue directe, de hauteur de vol…
Existe-t-il des drones équipés par leur constructeur en 4G ou 5G ?
Il y en a encore peu… On peut citer ceux de Nokia Drone Networks en 4G et 5G pour des usages industriels. En 4G, il y a l’Anafi AI de Parrot et des accessoires pour les Mavic 3 de DJI, le X8 Pro de Fimi et le Evo Max 4T de Autel Robotics. Mais ces accessoires ne sont pas commercialisés en Europe. Ceux de DJI achetés en Chine et importés en Europe ne sont pas opérationnels. Lorsque j’ai demandé la raison aux responsables de DJI, la réponse était très claire : « nous n’offrons pas de service 4G dans les pays où la réglementation ne l’autorise pas ».
Y a-t-il du nouveau ?
Un article de Asia Nikkei indique que le gouvernement japonais va bientôt procéder à une révision de la réglementation pour permettre l’usage de la 5G pour les drones. L’occasion pour moi de poser à nouveau la question à l’ARCEP pour connaitre la situation en France. Mon interlocuteur est Patrick Lagrange, chef de l’unité Fréquences et Technologies de l’ARCEP.
Helicomicro : Ma première question est toute simple. Est-il autorisé de piloter un drone en 4G, en 5G ?
Patrick Lagrange : La réponse est non, il n’est pas possible de prendre un abonnement acheté auprès d’un opérateur, de mettre une carte SIM dans un drone et de le piloter ainsi. Ce n’est pas autorisé dans un cadre pérenne sur le territoire français.
HM : Pas du tout ?
PL : Les seules possibilités qui existent et pour lesquelles, en toute honnêteté, nous n’avons pas eu beaucoup de demandes, consistent à faire appel à une expérimentation. Si un fabricant de drones veut tester ses solutions en amont, que l’opérateur est d’accord, une demande peut être adressée à l’ARCEP pour faire mener une expérimentation. Son but est de s’assurer que le terminal qui sera opéré sur le drone respecte bien les conditions techniques.
HM : Quelles sont les raisons pour lesquelles ce n’est pas autorisé ?
PL : Par définition, un drone évolue plutôt dans les airs. Mais les réseaux mobiles n’ont pas été pensés pour cela. Cela dit, derrière cette interdiction, il y a tout de même une bonne nouvelle ! Il y a eu depuis plusieurs années toute une réflexion technique, notamment au sein de l’Institut Européen des Normes de Télécommunications (ETSI), pour définir des conditions techniques qui permettront l’usage de ces drones dans des bonnes conditions sans perturber les réseaux. Ces travaux, rapports et décisions ont permis d’affirmer que, oui, il est tout à fait possible de piloter un drone par les réseaux mobiles. Mais il faut pour cela des conditions radio particulières.
HM : C’est-à-dire ?
PL : Il faut une possibilité de discriminer un terminal classique, un smartphone ou autre, d’un terminal qui serait un drone en vol. Et donc que le réseau reconnaisse ce type de terminal pour s’assurer qu’il n’y aura pas de brouillage par le drone des autres mobiles.
HM : D’autres raisons ?
PL : ll y a certaines bandes de fréquences qui vont potentiellement faire l’objet de zones de non-transmission. Ce ne seront pas de zones de non-vol mais des zones où, si la liaison occupe une fréquence interdite, elle doit basculer sur une autre fréquence pour poursuivre l’exploitation du drone.
HM : Pourquoi ces zones de non-transmission ?
PL : Le but est d’éviter les problèmes autour de certains radars utilisés par l’aviation civile et par la météo. Ces zones peuvent protéger des sites sensibles, comme celui où se trouve un célèbre observatoire de radioastronomie dans le centre de la France.
HM : Donc il faudra opérer une distinction entre un drone 4G et un smartphone ?
PL : Oui, il y aura un besoin d’identification qui devra être faire partie des standards. Un drone aura probablement un tag spécifique qui sera reconnu par le réseau, avec un mécanisme de sécurité pour éviter les fausses déclarations.
HM : Est-ce que cela signifie que la 4G et la 5G sur les drones sont encore bien loin ?
PL : Concernant la 5G, le sujet est complexe, j’y reviendrai. Mais pour la 4G, constatant que le sujet avançait trop peu rapidement en Europe, y compris en France, la Commission Européenne a mandaté la Conférence Européenne des Postes de Télécommunications (CEPT), pour réaliser une étude technique. Elle doit aboutir à une décision d’harmonisation d’utilisation des fréquences pour les drones, à l’échelle européenne. Le point positif, c’est que cette étude est déjà en partie réalisée.
HM : On peut avancer des dates ?
PL : Le rapport de la CEPT est prévu pour le 1er trimestre 2025. Généralement après un rapport de la CEPT mandaté par la Commission Européenne, il y a une décision prise dans les 6 mois, et une date d’application qui peut encore prendre quelques mois. Cela nous mène à fin 2025 ou début 2026 pour avoir la possibilité d’utiliser des drones sur les réseaux mobiles sans devoir être dans un cadre expérimental.
HM : Et la 5G ?
PL : La 5G utilise plusieurs bandes, mais on va dire le coeur de la 5G est autour de 3,4 et 3,8 GHz, avec des systèmes d’antennes actives, donc des antennes à faisceau, qui sont très directionnelles.
HM : Une liaison directionnelle optimisée pour une réception au sol n’est effectivement pas adaptée à des drones en vol.
PL : Oui, il y a encore besoin de travaux techniques à approfondir, ils viendront après ceux qui sont faits sur les bandes de la 4G. Par ailleurs, on parle aussi, dans le futur, de réseaux privés qui pourraient potentiellement opérer en 5G, pas forcément avec des opérateurs mobiles, par exemple sur des campus industriels, etc. Il faudra donc un peu plus de temps pour la 5G.
En europe, Inmarsat exploite le réseau EAN qui est une conbinaison d’antennes « 4G » qui pointent vers le ciel et de satélittes de leur flotte GX (global express). Au niveau des avions de ligne, il y a une antenne GX sur le « toit » de l’avion et une antenne EAN(4G) sous l’avion. Si cela vous intéresse, la page qui explique la techno 🙂 (j’ai travaillé dessus dans une autre vie ^^) : https://www.europeanaviationnetwork.com/en/index.html
OK, donc tous les acteurs savent ce qu’il faut mettre en place pour des liaisons 4G ou 5G sécurisées, mais personne ne fait rien : simple tableau encore repeint de la France sous la Réglementation Européenne : on ne fait rien car c’est trop compliqué ou trop dangereux, même si on nous donne des solutions. Et comme cela, comme pour la volonté absurde de mettre un pilote dans un Evtol Autonome, on plombe le marché et l’évolution technologique de l’europe, et nos pépites s’en vont à l’etranger….Pauvre France !
Une liaison 4G / 5G peut tout à fait être utile en vol à vue et servir de backup en environnement complexe (canyon urbain etc) …
Merci Fred pour cet éclairage..
Je retients surtout c’est que la 4G est loin d’être enterrée!.. pour le reste vue la période il est sage d’attendre!
@ sophie : Exactement ! 🙂
@JPH utile oui, mais à partir du moment ou tu ne peux pas garantir que la laison sera fonctionnelle à chaque instant, c’est très dangereux comme lien pour du control directe.
Mais il y a des solutions sur le marché, les radio type Herelink utilise de la LTE point a point. C’est pas autant de portée que si on utilisé le réseau existant mais c’est possible