Prison d’Orléans-Saran : y a-t-il eu vraiment survol par deux drones ?

La réponse ? On ne sait pas ! Le syndicat Force Ouvrière du Centre Pénitentiaire Orléans-Saran rapporte que « deux drones ont survolé pendant plus de deux heures la prison d’Orléans-Saran (Loiret), dans la nuit du 23 au 24 mars ». Les appareils semblent avoir survolé plusieurs bâtiments de la prison. Sans volonté de se cacher, « en stationnement tous feux allumé». Il est très probable que les signalements des agents en poste fassent suite à des survols réels. Mais ce n’est pas certain. La bonne question est posée par le communiqué du syndicat ! « Où en sont les dispositifs de protection contre ces intrusions aériennes ? »

Oui, où sont-ils ?

Souvenons-nous qu’en fin 2014, lors d’une surenchère de signalements de survols de drones au-dessus de centrales nucléaires, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve avait expliqué disposer des outils pour réagir. Voici ce qu’il avait affirmé sur l’antenne de France Info : « Il y a des dispositifs de neutralisation qui existent. Ces dispositifs, je ne m’étendrai pas sur leurs modalités parce que je n’ai pas à le faire » (voir ici, à 9’45). Six ans après, non seulement les sites sensibles que sont les prisons ne sont toujours pas équipés pour neutraliser les drones, mais pas même pour les détecter !

La loi de 2016

La réponse de l’état face aux survols illégaux a été matérialisée par la loi dite « drones » de 2016. Elle impose depuis décembre 2020 un enregistrement et une balise de signalement électronique à distance pour les appareils de plus de 800 grammes. A ce jour, je n’ai connaissance d’aucun équipement de lecture des balises sur le terrain par les forces de l’ordre. Un appel d’offres du ministère de l’Intérieur, en avril 2020, mentionnait 300 passerelles de réception wifi (voir ici). 300 pièces, ce n’est pas suffisant pour couvrir les sites sensibles français. Rappelons qu’il y a sur le territoire français plus de 80 maisons d’arrêt, plus de 80 centrales nucléaires, plus de 120 aéroports, près de 100 sites Seveso…

Et quand bien même…

Imaginons que la prison d’Orléans-Saran soit équipée d’un dispositif de détection de balises de signalement électronique à distance. Quelles sont les possibilités ?

  • Un drone de plus de 800 grammes pratique un vol autorisé au-dessus de la prison, et il est équipé de sa balise. Avec le signalement électronique, les forces de l’ordre obtiennent l’identité de son propriétaire, peuvent le contacter rapidement et suivre le vol en temps réel. Mention « improbable » : si un drone doit survoler une prison pour une mission légale, le personnel est mis au courant au préalable.
  • Pas de drone au-dessus de la prison : il s’agit d’un faux-positif comme ce fut le cas à la prison de Fresnes en 2017 (voir ici). Mention « va savoir » : l’absence de détection de signalement électronique ne permet aucune levée de doute.
  • Un drone de plus de 800 grammes pratique un vol illégal au-dessus de la prison et il est équipé de sa balise. Avec le signalement électronique, les forces de l’ordre le détectent, obtiennent l’identité de son propriétaire, et se basent sur le suivi en temps réel pour aller cueillir le pilote en flagrant délit. Mention « je crois aux licornes » : un malfaiteur qui désire survoler la prison utilisera un drone sans y installer ou configurer une balise de signalement. Evidemment.
  • Un drone de moins de 800 grammes pratique un vol au-dessus de la prison. Peu importe qu’il soit autorisé ou illégal, il n’aura pas de balise à bord. Par conséquent, avec le signalement électronique, les forces de l’ordre ne détecteront rien. Mention « il n’y a rien voir » : l’absence de signalement électronique ne permet aucune levée de doute.

Résultat ? Le signalement électronique à distance est un outil totalement inutile dans le cas du survol d’une prison. En supposant que le personnel soit équipé, il n’en tirerait aucune information pertinente. Rappelons pourtant que ce dispositif est imposé à tous les pilotes de drones de plus de 800 grammes, avec un surcoût à partir de 40 € (voir ici). Une sorte de bracelet électronique imposé aux pilotes… qui montrent leur intention de voler de manière légale !

Les solutions ?

Les outils de signalement électronique basés sur la coopération du pilote sont décrits comme « une obligation nationale de sûreté publique » (c.f. le point 4.4 du guide Catégorie Ouverte). Dans le cas des prisons, leur pertinence est proche du néant. Et cela vaut aussi pour la plupart des autres zones sensibles. La solution, ce sont les outils de détection qui ne reposent pas sur la coopération du pilote. Ils sont basés sur la détection des signatures radio, sonores, thermiques, sur la radiogoniométrie, en multipliant les sources pour augmenter la fiabilité. Il y par exemple les outils de Cerbair, ceux de Kaspersky, le projet européen Knox. Les prisons seront-elles équipées un jour ? Il faudra sans doute un incident majeur pour débloquer les crédits… Et on ne parle là que de la détection. La neutralisation des drones est encore autre chose !

Sources : Force Ouvrière du Centre Pénitentiaire Orléans-Saran

3 commentaires sur “Prison d’Orléans-Saran : y a-t-il eu vraiment survol par deux drones ?

  1. Un beau résultat cette loi, grâce à nos politiques experts … Allo églantine, ici mirabelle ! …

  2. Deux drones pendant plus de deux heures ??? De qui se moque t on ? Il faut un bon jeux d’accus pour assurer ce temps de vol. Puis deux heures sans intervention ?‍♂️? ?
    Pas sérieux tout cela ?

  3. From what I heard, French prisons purchased a Cerbair system but they were unhappy of it. I don’t the reason of that.

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