Sites interdits de prises de vues en drone, les explications

Vous avez été nombreux à me poser des questions suite à des publications de BFMTV, Lyon Mag, Europe 1, Sud-Ouest, Le Figaro, et bien d’autres, concernant les sites interdits aux prises de vues aériennes. Toutes reprennent une dépêche de l’AFP, verbatim. On y lit notamment que « auparavant, cette liste était classée « confidentiel défense » et ne faisait donc pas l’objet d’une publication » – ce qui n’est pas exact. Nous en avions déjà parlé ici, en janvier 2017, puis avec plusieurs autres arrêtés, mais des précisions sont nécessaires pour mieux comprendre. Il faut notamment distinguer les « sites interdits de prises de vues » et les « zones interdites de survol »…

Les zones interdites de survol

On ne peut pas voler au-dessus, mais on peut voler à proximité, il faut simplement se trouver en dehors de la zone. Cela n’implique pas une interdiction de prises de vues. Ce sont les emprises de zones de décollage et atterrissage (aéroports, aérodrome, bases ULM, héliports, etc.), les zones P (interdites), R (réglementées), D (dangereuses), ZIT (interdites temporaires), ZRT (réglementées temporaires), TSA (ségrégation temporaire), CBA (transfrontalières), parcs nationaux, réserves naturelles, VOLTAC et RTBA (vols militaires)… Les interdictions et limitations sont mises en place par les arrêtés publiés fin 2015 (ici et ).

Les sites interdits de prises de vues

Il sont au nombre de 247 (289 mi-2019). L’interdiction ne concerne pas le survol, mais les prises de vues en vol. Attention : même si on se trouve à bonne distance du site, il est interdit de réaliser des prises de vues aériennes, par exemple avec un zoom. Ces sites sont indiqués par l’arrêté du 1er mars 2019 (à consulter ici).

A savoir !

Les sites interdits de prises de vues sont très souvent les mêmes que les zones interdites de survol. Mais pas toujours ! Un exemple au hasard ? La zone 112, « Muneville Le Bingard », est indiquée comme autorisée à voler jusqu’à une hauteur de 50 mètres par Geoportail. Mach 7 Drone le confirme, avec une limitation à 57 mètres (emprise de l’aérodrome de Lessay) et une autre de 50 mètres (SETBA du secteur Selune), donc au final une hauteur maxi de 50 mètres. A cet endroit se trouve une grande antenne destinée à la radionavigation, que l’on voit bien sur Google Maps version images satellite ou StreetView. Cette antenne n’est plus opérationnelle depuis le 31 décembre 2015 si l’on en croit Wikimanche.

Matérialisation graphique ?

Le site de Muneville-le-Bingard,
dans l’arrêté du 27 octobre 2017.

La liste des sites interdits de prises de vues n’apparaît PAS de manière graphique sur les cartes de Geoportail ni de Mach 7 Drone. Edit : Mach 7 Drone propose désormais la matérialisation des sites (voir ici). Geoportail aussi (voir ici). Pourquoi ? Parce que justement ces sites n’interdisent pas les vols, uniquement les prises de vues.

Comment savoir où se trouvent ces sites ?

La matérialisation graphique de la zone 112
interdite de prises de vues.

La seule source à ce jour est la liste disponible ici, sur Legifrance, suite à sa publication au Journal Officiel. Problème : les emplacements sont notés en degrés minutes secondes sur la latitude (Nord ou Sud) et la longitude (Est ou Ouest), avec plusieurs coordonnées qui forment des polygones, parfois des cercles. Des données inutilisables pour le commun des mortels, même armé d’un convertisseur degrés minutes secondes vers un point matérialisé sur une carte. Les noms des communes concernées figurent aussi sur la liste, mais ce n’est pas un moyen efficace pour effectuer une recherche. Reste le bon sens : avant de voler à un endroit, il est recommandé de se renseigner sur la présence d’une base militaire, d’une usine, d’un dépôt sensible, d’une propriété de l’état ou de l’armée, d’une prison, d’un centre de retraitement de déchets, etc.

A savoir

Le site 112 est mentionné comme autorisé
de survol à moins de 50 mètres par Geoportail.

L’arrêté ne concerne pas que les drones, il est aussi valable pour tous les appareils volants qui font usage d’un outil de « prise de vue aérienne par appareil photographique, cinématographique ou tout autre capteur ». Notez que la présence d’un appareil de prises de vues à bord d’un drone n’interdit pas le survol de ces sites ! C’est l’usage de l’appareil qui est interdit. Le vol en immersion (sans stockage des images) est-il considéré comme une prise de vues ? Ce n’est pas mentionné explicitement dans le texte, il y a donc matière à interprétation. Mais dans la mesure où la confidentialité de ces sites est primordiale, le retour vidéo sera probablement considéré comme prise de vues.

La punition ?

Que se passe-t-il si vous êtes déclaré coupable d’avoir photographié ou filmé des sites interdits ? L’article L6232-8 du Code des transports renvoie vers l’article L6232-4 (à consulter ici) pour indiquer la peine maximale encourue en cas d’infraction : elle est de 1 an de prison et 75000 euros d’amende.

Un peu d’histoire ?

Le site 112 est mentionné comme autorisé
de survol à moins de 50 mètres par Mach 7 Drone.

La liste des sites interdits aux prises de vues aériennes était classée confidentielle jusqu’en janvier 2017. Avant cette date, il fallait déposer une demande en préfecture avant une séance de prises de vues. C’est elle qui signifiait l’autorisation de prises de vues aériennes ou leur interdiction, sans besoin de la motiver. Depuis le 27 janvier 2017, notamment en raison de l’augmentation du nombre de drones de prises de vues (loisirs et professionnels), une liste de 157 sites a été publiée au Journal Officiel, perdant de fait son caractère confidentiel. Elle a été modifiée le 31 octobre 2017 avec 90 sites supplémentaires…

13 commentaires sur “Sites interdits de prises de vues en drone, les explications

  1. Bonjour Fred. Un petit truc m’échappe dans ton exposé au chapitre « matérialisation graphique « : la liste des sites interdits de vol n’apparaissent pas sur les cartes car ces sites n’interdisent pas les vols mais les prises de vues??? Heu. .. je craque!

  2. @ FPV_67 : La liste est tout simplement inutilisable ! Personne, dans le grand public, n’est en mesure de convertir une liste de coordonnées GPS…

  3. Et les satellites qui photographie à outrance ces sites sensibles, ils comptent faire quoi nos très chère €€€ députés ?

  4. @Kaelvin
    C’est instantanément ce qui m’est venu à l’esprit !!
    Entre cette évidence même et l’usine à gaz législatif et technique, c’est juste… Ubuesque !
    Vive la France dans son plus parfait portrait.
    Je retourne à mes lego fpv.

  5. Très bon article Fred 🙂
    Avant 2017, il me semble bien que c’était tout le territoire national qui était interdit de prises de vues (sans liste particulière). La loi tolérait cependant les prises de vues ne représentant pas la finalité du vol (passagers d’un avion, photos de points tournants lors de compétitions aériennes, etc…). Pour le reste, il fallait systématiquement obtenir une autorisation.

  6. C’est interdit de regarder avec quoi ils dépensent nos sous et la bonne blague c’est qu’effectivement on va utiliser des vues satellite pour nous montrer les endroits ou il ne faut pas regarder… c’est plutôt comique et en même temps on s’en tape un peu de leurs lieux sensibles.

  7. C’est interdit de regarder avec quoi ils dépensent nos sous et la bonne blague c’est qu’effectivement on va utiliser des vues satellite pour nous montrer les endroits ou il ne faut pas regarder… c’est plutôt comique et en même temps on s’en tape un peu de leurs lieux sensibles.

  8. Les satellites sont prédictifs. Si quelque chose ne doit pas être vu, ce sera réalisé en fonction de leur position.
    Et toi tu t’en tape un peu, mais ce n’est pas le cas d’autres personnes/organisations 😉

  9. Avant 2017, il fallait déposer une déclaration de vol 15 jours avant le vol ( demande d’autorisation pour l’infra rouge). A déposer à la DGAC. c’est comme ça qu’on pouvait nous dire si les zones survolées sont interdites de prise de vue.

    Comme plus personne ne déposait cette demande 15 jours avant (mais on faisait des déclarations annuelles) , totalement obsolète, il faillait bien déclassifier cette liste…

  10. Article au top, complet.
    Parce qu’il n’est pas toujours évident de suivre les évolutions de la loi, les décrets d’application votés… pas encore votés, à venir…. les idées des députés etc…

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