Réglementation européenne : l’EASA publie un rappel au sujet des classes (oui mais…)

rappel classes 2024 02Dans une note du 3 décembre 2024, la European Union Aviation Safety Agency (EASA) a publié un rappel sur le bon usage des classes C européennes. Excellente idée. L’EASA a nommé les étiquettes de classe « CIL », qui signifie « C-class Identification Label ». 

Peut-être est-ce dû à une volonté de simplification extrême (de règles européennes particulièrement complexes) : ce rappel contient des mentions inexactes. 

Des exemples ?

La première phrase est la suivante : « Après une période de transition de trois ans, les étiquettes d’identification de classe C (CIL) des drones sont devenues applicables le 1er janvier 2024 ».

rappel classes 2024 03Pour être exact, la classe et l’indication de classe étaient déjà applicables avant le 1er janvier 2024 et d’ailleurs appliquées pour certains drones. C’était par exemple le cas du Mavic 3 Classic, en novembre 2022, de classe C1 (voir ici). La classe et son indication n’étaient simplement pas obligatoires pour les drones mis sur le marché avant le 1er janvier 2024… et d’ailleurs, elles ne le sont toujours pas !

Ce qui mène à la seconde phrase, qui est la suivante : « Depuis lors, seuls les drones étiquetés CIL sont autorisés à être exploités dans le cadre des scénarios standards de la catégorie ouverte dans et entre les États membres de l’AESA, conformément au règlement d’exécution (UE) 2019/947 de la Commission ».

Ce n’est pas exact. Les drones « mis sur le marché avant le 1er janvier 2024 » sont autorisés à être exploités en catégorie Ouverte sans indication de classe, tout comme les drones « construits à titre privé ». Ce qui fait une énorme différence, puisque cela permet aux « vieux » drones de continuer à être utilisés légalement !

Joli score pour un rappel réglementaire…

cascade point le plus proche surface
Le drone est à 120 m du point le plus proche de la surface de la Terre, il est à 300 m de hauteur verticale, et à 340 m au-dessus de sa position de décollage. La hauteur de vol est réglementaire ! (s’il est de classe C0, le constructeur doit s’assurer qu’il ne peut pas monter à plus de 120 mètres au-dessus du point de décollage).

Et ce n’est pas tout. Pour chaque classe, l’EASA fournit une notice obligatoire qu’il est possible de télécharger. Pour les classes C0 à C4, cette notice indique : « Ne faites pas voler votre drone à plus de 120 m au-dessus du sol ». Ce n’est pas toujours exact : c’est vrai lorsque le sol est plat ! car la règle décrite dans le règlement 2019/947 est la suivante : « L’aéronef sans équipage à bord est maintenu à une distance maximale de 120 mètres du point le plus proche de la surface de la Terre ».

C’est très différent d’une hauteur verticale par rapport au sol, surtout pour ceux qui volent en présence de reliefs, en montagne. Ce que confirme le règlement 2019/947 : « La mesure des distances est adaptée en fonction des caractéristiques géographiques du terrain, telles que la présence de plaines, de collines, de montagnes ». A noter qu’en classe C0, le constructeur est tenu de brider son drone pour « pouvoir atteindre au maximum 120 m de hauteur à partir du point d’envol ». Là encore, il ne s’agit pas d’une hauteur par rapport au sol.

Les classes, un indicateur sûr ?

Les mentions de classes (CIL) doivent être apposées par les constructeurs, ce qui suppose qu’ils ont mis en oeuvre les procédures destinées à assurer la conformité aux requis de chaque classe. Les utilisateurs ne sont pas autorisés à ajouter eux-mêmes une mention de classe, sauf lorsque c’est une procédure prévue par le constructeur.

rappel classes 2024 04L’EASA rappelle que « Le CIL du drone doit être apposé de manière visible, lisible et indélébile sur le drone ou, le cas échéant, sur chaque accessoire, emballage, manuel, document d’immatriculation, etc. Toute autre étiquette alternative ou tout écart dans l’apparence, la police de caractères ou toute autre modification du design de l’étiquette ne sont pas autorisés. L’apposition sur un produit de tout marquage, signe ou inscription susceptible d’induire en erreur des tiers quant à la signification ou à la forme du CIL est également interdite ».

Voilà qui, en théorie, permet aux consommateurs d’être certains que leur drone mis sur le marché après le 1er janvier 2024 est conforme à la réglementation.

Et pourtant…

class1 00Il existe un nombre impressionnant de drones de constructeur chinois qui arborent une mention de classe, le CIL. La plupart en C0, mais d’autres en C1. Ces CIL sont correctement indiqués… et pourtant les drones ne sont pas conformes aux requis de leur classes respectives.

On trouve des drones C0 qui peuvent aller au-dessus de 120 mètres de hauteur, à plus de 68,4 km/h (19 m/s), qui pèsent plus de 250 grammes, qui ne sont pas fournis avec un manuel indiquant la masse maximale au décollage (MTOM). Ou des drones de classe C1 sans géovigilance, ou capables de voler à plus de 68,4 km/h (19 m/s), ou dépourvu d’outil logiciel pour limiter la hauteur de vol…. La liste est bien plus longue que ces quelques exemples.

Pourquoi cette foire au n’importe quoi ?

rappel classes 2024 05Pour les drones de classe C0, le constructeur peut s’appuyer sur une procédure d’évaluation de la conformité basée sur un contrôle interne de la fabrication. En d’autres mots, il s’agit d’une procédure déclarative qu’il doit mettre à disposition de l’autorité de surveillance. Le constructeur gère lui-même la conformité et endosse la responsabilité d’une éventuelle non-conformité. 

Pour les classes C1 à C3, le constructeur doit passer par un « organisme notifié » pour gérer la conformité aux requis de la classe. Il s’agit d’une société qui est reconnue par l’état pour sa capacité à évaluer la conformité. Elle endosse la responsabilité de cette conformité. A noter qu’un constructeur peut faire appel à un organisme notifié pour s’assurer de la conformité de la classe C0 de son drone. La méthode a un coût assez élevé, mais elle permet de déléguer la procédure de conformité et surtout la responsabilité de cette conformité. 

En pratique ? 

yuneec typhoon c2 01Les constructeurs européens et ceux de marques reconnues veillent, pour la plupart, à assurer la conformité aux requis réglementaires. Mais certains constructeurs ne s’embarrassent pas de la mise en oeuvre de cette procédure  : ils collent l’étiquette de classe (CIL) sur le drone, et le reste des requis passe à la trappe.

Un exemple ? En janvier 2021, le constructeur Yuneec avait communiqué sur la classe C2 de ses drones Typhoon. C’était prématuré, ces drones ne comportaient pas de mention de classe, et le constructeur avait rapidement retiré la mention sur son site (voir ici). Il y en a eu bien d’autres, comme Snapchat avec son Pixy de (fausse) classe C0.

La liste des drones avec indication de classe ?

hoverair x1 pro test 19aIl existe une liste proposée par l’EASA sur son site (ici). Elle est très incomplète : il manque de nombreux drones, comme par exemple les HoverAir X1 Pro de Zero Zero Robotics. A vrai dire, cette liste est très difficile à mettre à jour. Pour ma part, j’avais publié une page dédiée aux drones avec mention de classe, que j’ai fini par abandonner (voir ici).

Les raisons ? Principalement l’absence de certitude concernant la conformité réelle de drones avec leur mention de classe. Et même de sérieux doutes avec certains qui ne satisfont manifestement pas tous les requis de leur classe.

rappel classes 2024 06Pour mémoire (voir ici), la vérification d’une indication de classe consiste à s’assurer…

  • de la présence d’une étiquette d’identification de classe valide selon le règlement 2019/945 : le logo doit avoir la forme exacte définie par l’EASA.
  • de la présence de la déclaration UE de conformité dans l’emballage, laquelle doit fait référence au règlement 2019/945 et comporter le numéro de série du drone.
  • de la présence d’un manuel (dans l’emballage ou à télécharger), avec indication de la mention de la MTOM.

Or de trop nombreux drones avec indication de classe font l’impasse sur la déclaration de conformité UE, parfois même sur un manuel, souvent sur la mention à la MTOM…

Surveillance

Y a-t-il un « gendarme » en charge de surveiller et punir les constructeurs qui ne sont pas en règle par rapport à la réglementation ? Oui, il s’agit des « autorités de surveillance du marché ».

Placées sous le contrôle de chaque état, elles ont pour tâche la vérification de conformité des produits et de leur éventuelle dangerosité (même s’ils sont conformes). Elles imposent au constructeur la mise en conformité de leur produits et si nécessaire leur retrait du marché. 

Qui sont les autorités de surveillance du marché ?

Il faut chercher du côté de l’« Ordonnance n° 2022-455 du 30 mars 2022 relative à la surveillance du marché et au contrôle des produits mentionnés au premier paragraphe de l’article 2 du règlement délégué (UE) 2019/945 de la Commission relatif aux systèmes d’aéronefs sans équipage à bord et aux exploitants, issus de pays tiers, de systèmes d’aéronefs sans équipage à bord » puis des textes complémentaires.

rappel classes 2024 07Voici ce que m’a indiqué le Pole Communication de la DGAC sur le sujet… « Le décret n°2023-120 du 20 février 2023 pris en application de l’article L.6143-4 du code des transports sur la surveillance en amont du marché, précise en son article 1 que « l’autorité notifiante mentionnée au premier alinéa de l’article L. 6143-4 du code des transports est le ministre chargé de l’aviation civile ».

L’Arrêté du 22 février 2023 relatif à la notification des organismes d’évaluation de la conformité des produits mentionnés au premier paragraphe de l’article 2 du règlement délégué (UE) 2019/945 de la Commission du 12 mars 2019 relatif aux systèmes d’aéronefs sans équipage à bord et aux exploitants, issus de pays tiers, de systèmes d’aéronefs sans équipage à bord : la direction de la Sécurité de l’aviation civile (DSAC) y est désignée comme étant l’autorité notifiante ».

Et pour la surveillance en aval ?

drones classes« Le décret à venir qui sera pris en application de l’article L. 6143-47 du code des transports sur la surveillance en aval du marché (dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2022-455 du 30 mars 2022) désignera quant à lui le ministre chargé de l’aviation civile comme l’autorité en charge de la surveillance du marché des drones ».

Qui contacter en cas de doute avec les classes ?

« Toutes les questions relatives à la surveillance du marché doivent être adressées à cette adresse : [email protected] ».

 

2 commentaires sur “Réglementation européenne : l’EASA publie un rappel au sujet des classes (oui mais…)

  1. Très bon article. Merci.
    Encore un technocrate qui a lu en diagonale la réglementation et qui a fait ce qu’on lui a appris à faire : rédiger un mémoire… avec cependant une interprétation toute personnelle.

    Malheureusement, on commence à en prendre l’habitude. Et dire que ce sont ces mêmes personnes qui exigent qu’on soit conforme à la dite règlementation…

  2. @fred il en ira des drones comme de tout autre type de matériel.
    On ne compte plus les matériels, objets et jouets souvent chinois qui portent l’étiquette CE sans satisfaire pour autant aux normes européennes

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