L’avenir incertain des drones dans un contexte international tendu (et le « Countering CCP Drones Act »)
Les drones sont au coeur des principaux conflits, en Ukraine, au Moyen-orient, et pour faire simple sur toutes les zones chaudes de la planète. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les usagers de drones civils : leurs appareils sont utilisés à des fins militaires.
Cela ne date pas d’aujourd’hui, les drones civils sont utilisés par les forces de l’ordre et l’armée depuis une décennie. Ce qui a changé, c’est qu’ils sont désormais utilisés à grande échelle, constituant des armes létales à très faible coût qui ne proviennent pas des fournisseurs d’armement conventionnels.
Puisque la plupart des drones et de leurs composants sont d’origine chinoise, la Chine est en ligne de mire de nombreux pays. Les Etats-Unis ont profité de la situation pour engager une guerre avec la Chine il y a déjà plusieurs années. Une guerre commerciale, s’entend, qui a débuté en 2020.
Cible : les drones pour usage par l’Etat
Le constructeur DJI avait été inscrit à la « Entity List » des constructeurs, qui lui a interdit certaines liaisons commerciales avec des sociétés américaines (voir ici). Les sanctions sont montées crescendo aux Etats-Unis jusqu’à la signature de « L’American Security Drone Act 2023 » par Joe Biden (voir ici).
Il interdit dans certaines conditions l’acquisition de drones d’origine étrangère dans les administrations américaines, leur usage, et le déblocage de fonds fédéraux (y compris pour des sociétés privées) pour cet usage.
Cible : tous les drones, y compris grand public
Au printemps 2024, un groupe d’élus américain mené par la Républicaine Elise Stefanik, a publié une proposition de loi pour durcir encore les conditions d’importation des drones aux Etats-Unis (voir ici). Cette-fois ci, tous les drones sont concernés, avec des mesures protectionnistes visant à imposer des taxes particulièrement élevées à l’import de drones et de composants en provenance de Chine.
Une seconde salve, sous la forme d’une nouvelle proposition de loi, entend donner un coup de massue final au constructeur DJI. Ce projet est une fois encore porté par Elise Stefanik : le « Countering CCP Drones Act » est un texte très court mais à l’impact majeur. Il demande à ce que DJI soit placé sur la liste des équipements et services qui « présentent un risque inacceptable pour la sécurité nationale des États-Unis ou pour la sécurité et la sûreté des citoyens américains ». En d’autres mots, ce serait la fin des autorisations d’émettre pour les produits de DJI, prononcée par la Federal Communications Commission (FCC).
Le résultat ?
Ce serait une interdiction de vente aux Etats-Unis pour DJI… et une interdiction d’utiliser les produits de DJI aux Etats-Unis ! Elle concernerait tous les drones : militaires, opérés pour le compte de l’Etat (police, secours, pompiers, administrations), et le grand public ! Cette proposition de loi peut-elle être adoptée par le Congrès américain ? Le contexte international penche en sa faveur, nourri par les tensions entre les Etats-Unis, la Chine, et les conflits entre des pays alliés des deux grandes puissances.
Ce futur un peu sombre pour les drones de DJI – mais à terme aussi tous ceux basés sur des composants chinois – semble improbable et dystopique, et pourtant le texte est susceptible d’être adopté.
La menace est prise très au sérieux par DJI. Via un groupement appelé Drone Advocacy Alliance, le constructeur tente de faire connaitre la situation, et les conséquences pour les clients nord-américains de DJI qui pourraient devoir remiser leurs drones dans un placard.
Le site de Drone Advocacy Alliance propose aux citoyens américains d’envoyer un message de protestation, par email ou au téléphone, pour tenter de convaincre les sénateurs et la Chambre des représentants. Elle est accessible en ligne en flashant un QRcode. Est-ce que cela suffira ?
Et les drones FPV ?
Ceux de DJI, le DJI FPV, l’Avata et l’Avata 2, seraient concernés par une interdiction aux Etats-Unis. Les drones FPV équipés avec du matériel radio et vidéo DJI le seraient aussi. Les constructeurs chinois concurrents de DJI ne sont pas (encore) concernés par le « Countering CCP Drones Act »… mais ce n’est qu’une question de temps. D’ailleurs le spécialiste chinois des moteurs, T-Motor, également fabricant d’autres composants, figure depuis mai 2024 sur la « Entity List » (voir ici).
En Europe aussi…
Un courrier a été envoyé à plusieurs constructeurs et intégrateurs par les avocats de la société norvégienne BLHeli AS, créatrice du firmware BLHeli_32 que l’on trouve dans un grand nombre d’ESC des drones FPV. Dévoilé par la société Skystars, il indique que BLHeli a choisi d’arrêter son activité en raison du risque d’usage de son firmware pour des opérations militaires. Son « utilisation possible par la Russie » ne serait pas conforme avec les règles de contrôles des importations pratiquées en Norvège et basées sur celles de l’Union Européenne.
Cette cessation d’activité n’a pas d’impact sur les drones déjà commercialisés, mais leurs ESC ne seront plus mis à jour et, surtout, les prochains ESC mis sur le marché devront se passer de BLHeli_32. Ce n’est pas catastrophique : il sera possible d’utiliser BLHeli_S et AM32.
Mais cette décision est une première. Difficile de d’entrevoir si d’autres développeurs pourraient choisir de jeter l’éponge, jusqu’à déstabiliser le marché des composants de drones.
Et demain ?
Une interdiction de DJI aux Etats-Unis aurait un impact important sur l’usage des drones dans le reste du monde, parce que c’est un gros marché pour le constructeur, parce que les USA pourrait cibler d’autres fabricants chinois, parce que ce serait un message fort qui pourrait séduire d’autres états, et qui pourrait encourager l’Europe à adopter des mesures plus dures. A suivre…
Il est fou l’oncle Sam, sachant qu’à coté de ça ils encouragent les gens à posséder des arme mdr, au final c’est plus une question de stratégie et de lubie commerciale (voir aussi de paranoïa), un pays ou tu as le droit d’avoir une arme avant 21 ans mais pas de boire une bière et peut-être bientôt même plus de t’amuser avec un drone, c’est tellement risible.