Survols de prisons en drone : le point de vue d’un surveillant pénitentiaire

Il arrive fréquemment que les médias rapportent des survols de prisons. Mais rares sont les témoignages directs. Suite à l’actualité au sujet du gang écossais (voir ici), j’ai été contacté par un radiomodéliste surveillant pénitentiaire. C’est la première fois qu’un gardien de prison me parle ouvertement de son expérience. Il a accepté que je publie notre conversation sous réserve que je ne dévoile pas son identité. Ce sera donc Mr XXX. Est-ce que cela amoindrit la valeur de son témoignage ? Evidemment. Mais ses réponses m’ont semblé intéressantes…

Helicomicro: Vous avez vu des drones au-dessus de votre prison ?
Mr XXX : Oui, avant, et beaucoup moins maintenant. Je m’explique, il y a toujours régulièrement des survols de drones, mais désormais ils sont opérés le plus souvent de nuit. Moi par exemple je n’ai eu ces expériences que de nuit. Les premiers que j’ai vus, quand j’ai été affecté à la surveillance extérieure, étaient pratiqués de manière très artisanale, mais maintenant, les pilotes sont beaucoup plus organisés, je les entends mais je ne les vois plus !

HM: C’est-à-dire ?
Mr XXX : Avant c’étaient des Phantom de DJI, je les reconnaissais facilement à leurs lumières et au son, puisque j’en ai possédé un moi-même. Les pilotes ne masquaient pas les diodes, ou les masquaient mal.  Sur les cinq vols de drones auxquels j’ai été confronté depuis le début de l’année, je n’ai pas reconnu les appareils.

HM : Vous êtes certain qu’il s’agissait de drones ?
Mr XXX : Je sais bien qu’il y a toujours doute. Il est évident que les descriptions de certains de mes collègues m’ont semblé bizarres, plus proches de leur perception d’un drone que de la réalité d’un drone. Je ne remets certainement pas en question la sincérité de leurs témoignages, mais certains ont pu se tromper. Mais oui, pour ma part, je suis certain d’avoir été confronté à des survols de drones. Je ne suis évidemment pas un expert dans le domaine, mais je suis pilote de loisir, en DJI pour les photos et en racers pour le plaisir de piloter, je pense que ça me permet d’éviter la confusion avec d’autres appareils volants.

HM: Vous ne parvenez pas à les distinguer ?
Mr XXX : On entend juste le son et parfois on les voit furtivement. Il est très difficile, de nuit, de localiser une machine à l’oreille. Je pense que l’un d’entre eux était un appareil plus gros, peut-être un hexa, c’était un son très étouffé, mais je n’en suis pas certain. Il faudrait que j’écoute un Typhoon de Yuneec pour savoir. Je me dis que les NFZ de DJI ont peut-être conduit les malfrats à choisir d’autres marques. J’ai l’impression que les survols se sont professionnalisés, entre guillemets.

HM: Pourtant une femme a récemment tenté de livrer sans succès des colis à son ex-petit ami derrière les barreaux, ce vol était très amateur !
Mr XXX : Oui, à la prison de Saint Etienne [voir ici]. Je suppose qu’il y a toujours des tentatives de ce type. Je n’ai pas les détails de cet incident là, mais il me semble que la personne avait suivi une formation pour piloter, rien que ça, ce n’est finalement pas si amateur.

HM: Pourquoi n’y a-t-il aucune photo ou de vidéo de ces survols ?
Mr XXX : Il y a deux raisons, je parle des survols auxquels j’ai été confrontés. La première, c’est qu’à ce moment j’ai autre chose à faire que réaliser des clichés ou une vidéo. La deuxième, comme je vous l’ai dit, ça se passe de nuit, il n’y a pas de diode, on ne verrait rien à l’image, peut-être qu’on entendrait vaguement le bruit.

HM: Cette pratique vous inquiète ?
Mr XXX : Je vais dire oui. L’introduction de stupéfiants, de mobiles, d’armes dans la prison, c’est un réel souci pour notre sécurité et pour la sécurité en général. Mais je tempère, il faut être réaliste, il existe déjà de nombreuses techniques pour introduire des objets illicites dans une prison, les drones ne sont qu’un moyen supplémentaire, et puis il est très loin d’être le plus répandu. 

HM : Y a-t-il eu des repérages avec des drones, comme la ministre Nicole Belloubet l’avait laissé entendre ? [voir ici]
Mr XXX : C’est ce qu’elle a dit, oui. Moi j’en doute beaucoup. Il y a des moyens bien plus efficaces et plus discrets pour le repérage, il ne faut pas oublier que les prisons ne sont toujours pas floutées sur les photos satellite ! D’ailleurs les prisons font partie des zones interdites de photos aériennes, ça nous est imposé par la réglementation [voir ici], et pourtant on laisse les Google publier les clichés sans floutage. J’avoue ne pas comprendre.

HM : Vous ne disposez pas d’outils de détection et de neutralisation ?
Mr XXX : Pas à ma connaissance ! Je sais que notre hiérarchie a assisté à des démonstrations de matériels, mais nous ne sommes pas équipés, en tous cas pas que je sache. J’espère que nous le serons, évidemment. Les vols sont trop rapides pour que nous puissions faire guider une équipe motorisée à l’extérieur, et elle n’entendrait pas l’appareil de toutes manières. Un outil comme Aeroscope [de DJI, voir ici] dont j’ai appris l’existence sur Helicomicro serait bien pratique, mais il faudrait qu’il détecte aussi les autres marques, c’est impératif sinon c’est une passoire  En revanche quand il y a suspicion de survol, nous suivons des procédures pour isoler les parties de la prison où des paquets peuvent avoir été largués.

6 commentaires sur “Survols de prisons en drone : le point de vue d’un surveillant pénitentiaire

  1. On peut juste se demander à quoi servent ces vols de nuit ? Les retours vidéo ne sont pas fameux non plus dans le noir et piloter une machine invisible est tout aussi aléatoire. De là à larguer des colis, c’est un peu comme jeter une bouteille à la mer. Ce témoignage n’apporte rien de plus, sauf à préciser qu’il y a des moyens bien plus adaptés que des drones pour arriver au même résultat…

  2. Une autre façon plus contemporaine comme le rappel ce gardien, de « livrer » des objets et autres… dans un espace pénitentiaire.
    Limité souhaitons le encore longtemps, car couteux et pas le plus discret !
    A quand l’autorisation pour ces gardiens de pouvoir disposer de moyens sous forme de fusils canon lisse avec des bonnes cartouches de plombs de 4 ! Radical sur ces distances et peu onéreux et sans danger car tir en l’air !
    Merci Fred pour cette article qui a le mérite d’aborder une autre facette hélas, d’un objet que nous, nous qualifions LOISIR. Et mon plus grand respect au personnel pénitencier, une VRAIE vocation !!

  3. Je retiens:
    « On entend juste le son et parfois on les voit furtivement. »
    Lorsque l’on pense drone… on « voit » un drone (furtivement) !
    Il y a bien des centaines, que dit-je, des milliers de personnes qui ont vu des OVNI et y croient très sincèrement…
    Le stress de ce type de métier doit y être pour quelque chose.
    Et les vols de nuit, hormis les waypoint, ne sont possibles qu’en vue directe…

  4. Un OVNI est forcément quelque-chose d’aperçu, car non identifié. Ca peut être un avion, un oiseau, un drone, une montgolfière, une météorite, une soucoupe volante pourquoi pas…
    Donc on peut en effet y croire sincèrement quand on ne sait pas quel est cet objet…

  5. @ Dbdrone : Houla, les vols de nuit au-dessus d’une zone éclairée passent très (trop) bien en FPV avec un retour vidéo de type OcuSync ou similaire…

  6. Pour rejoindre Fred1, je sors un poil du sujet …… j’ai eu l’occasion de faire voler mon H520 (oui celui qui m’a fait tant râler de par ses bugs :)) ) à la tombée de la nuit et avec ses feux allumés ….. j’ai été fortement surpris par l’aspect que cela lui donne vu su sol ….. un véritable OVNI semblable à ces nombreuses descriptions que l’on peut entendre ou lire dans les médias …..
    A côté de cela mes Phantom font vraiment « pale figure » en vol crépusculaire …. :)) :))

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