Prises de vues et l’article D133-10

Les obligations de déclaration de prises de vues aériennes dans le spectre visible et d’autorisation de prises de vues aériennes dans le spectre de l’invisible ont été abandonnées depuis le 1er janvier 2023. (voir ici). Ce post est donc désormais caduque.

Vous avez été nombreux à me soumettre un article rédigé sur le site Experts de l’Entreprise, intitulé « Que peut-on filmer à partir d’un drone ? », en me demandant de réagir et, parfois, d’expliquer pourquoi les conclusions de l’article étaient erronées. L’auteure de l’article, Maitre Véronique Rondeau-Abouly, y indique que « un vol destiné à une prise de vue doit faire l’objet d’une déclaration même pour les drones à usage de loisirs », et « Nous confirmons et soulignons qu’un drone de loisir, c’est-à-dire hors activité particulière, s’il fait un vol destiné à faire des photographies, de toute façon doit faire l’objet de cette déclaration préalable afin d’autorisation ».

Vrai ? Pas vrai ?

Vrai ! Les affirmations de l’avocate sont parfaitement exactes. Cela mérite quelques explications. Les deux arrêtés publiés fin 2015 ne sont pas les seuls textes qui encadrent la pratique de l’aéromodélisme de loisir. L’article D133-10 du Code de l’aviation civile indique ceci : « Toute personne qui souhaite réaliser des enregistrements d’images ou de données dans le champ du spectre visible au-dessus du territoire national est tenue de souscrire une déclaration au plus tard quinze jours avant la date ou le début de période prévue pour l’opération envisagée auprès du chef du service territorial de l’aviation civile dont relève son domicile ». En d’autres mots, pour enregistrer des photos ou des vidéos, il faut avoir rempli une déclaration remise 15 jours au moins avant le vol. L’article ajoute que « Lorsque l’autorité administrative constate que la déclaration souscrite est incomplète, elle en informe l’auteur de la demande ». Cela signifie que, bien que la procédure soit simplement déclarative, la prise de vue peut vous être refusée.

Nous voilà bien…

Publicité pour Cessna, 1973

Mais alors, cela signifie que tous les vols avec shooting photo et stockage de vidéos sont dans l’illégalité ? La réponse n’est pas si simple. L’article D133-10 mentionne aussi ceci : « Est dispensée de la déclaration mentionnée au septième alinéa la prise de vues photographiques ou cinématographiques effectuée à titre occasionnel et à finalité de loisirs par un passager, au cours d’un vol dont l’objet n’est pas la prise de vues ». Un passager ? Pour mieux comprendre cet article, il faut le remplacer dans son contexte. Il a été publié le 27 mars 1973. A cette époque, pas de drones et pas de caméras à bord des aéromodèles, mais l’aviation légère civile se développait. Le texte entendait réglementer les prises de vues aériennes professionnelles, tout en laissant la possibilité de prendre des photos à titre privé, en tant que passager occasionnel, sans devenir hors la loi. L’article D133-10 a été amendé à plusieurs reprises, mais les modalités de prises de vues n’ont pas changé.

Triturer le texte…

Certains professionnels du drone civil remplissent la déclaration avant une séance de prises de vues, mais le plus souvent, la formalité est « oubliée ». Ce n’est pas légal, mais il semble que l’administration ne soit pas très regardante à ce sujet. Pour les pilotes de loisir, les choses sont plus compliquées. On peut arguer que les vols en immersion ne réalisent pas de prises de vues et sont dispensés de cette déclaration. A moins bien sûr d’enregistrer les vols sur un DVR ou une caméra à bord. Dans ce cas, les vols s’apparent à ceux des pilotes de caméras volantes. La loi est claire. Il faut que la prise de vue soit pratiquée à titre occasionnel – ce n’est pas vraiment le cas avec un engin dédié à cet usage. Il faut aussi que la prise de vues soit opérée par un passager. Dans le cas d’un drone, cela ne peut être le cas puisqu’il n’y a personne à bord. Il faut aussi que la finalité du vol ne soit pas la prise de vues – là encore, ces appareils sont justement prévus pour cela.

Alors ?

Puisque les conditions de la dispense ne satisfont pas à l’usage de loisir, il faut remplir la « déclaration d’activité de photographie et de cinématographie aérienne ». C’est le document Cerfa n°12546*01, à remplir et envoyer 15 jours avant le vol. Problème pour un particulier : il faut indiquer un numéro de SIRET, la licence de pilote, l’immatriculation de l’appareil, les dates exactes et les endroits de prises de vues. Et y joindre la photocopie d’une pièce d’identité et celle de la licence de pilote accompagnées des deux dernières pages du carnet de vol. Vous n’avez pas tout cela ? Aie. Souvenez-vous : « Lorsque l’autorité administrative constate que la déclaration souscrite est incomplète, elle en informe l’auteur de la demande ». En d’autres mots, cette déclaration est obligatoire pour les loisirs, mais elle ne peut être remplie que par un professionnel de l’aéronautique…

Soyez aware!

Puisqu’il est impossible aux pilotes de loisir de se conformer à l’’article D133-10… personne ne le respecte ! Comme pour les professionnels, l’administration ne s’embarrasse pas de cet article. Pourquoi n’a-t-il jamais été amendé pour être compatible avec l’apparition des drones ? Parce qu’il y a sans doute des sujets plus importants. Problème : un avocat spécialisé dans les questions aéronautiques m’avait soufflé que s’il devait monter un dossier contre un pilote de drone parfaitement respectueux des différents points de la règlementation, il se réservait la possibilité de dégainer l’article D133-10 pour prouver que le vol est illégal. En effet, tout vol de loisir non déclaré comportant un stockage des images est considéré comme contrevenant !

Beaucoup de mots pour ne rien dire ?

Ben oui, c’est souvent comme ça avec les textes de loi. Mais mieux vaut savoir ce que nous réserve la règlementation. Le propos de ce post est de répondre aux questions qu’a soulevé l’article de Maitre Véronique Rondeau-Abouly. Ses affirmations sont donc exactes au regard des textes. En revanche, en pratique pour le loisir, rien n’oblige à remplir une déclaration préalable aux prises de vues, vous pouvez continuer à shooter pour le plaisir sans remplir de paperasse. Mais attention, tant que le texte est en vigueur, il peut être dégainé. C’est d’ailleurs une jolie arme, puisqu’elle peut théoriquement contraindre à l’arrêt des prises de vues en drone pour le loisir… Il est grand temps que cet article D133-10 soit amendé !

Sources :

25 commentaires sur “Prises de vues et l’article D133-10

  1. Je pense que l’on peut toujours rêver… On aura toujours cette épée de Damoclès au dessus de la tête.

    Comme ca les autorité auront beau jeu de venir faire la morale au premier pilote pris dans ses nasses.

  2. @vladfr : tout à fait d’accord et épée de Damoclès est le bon terme! 😉
    C’est ce genre de loi inapplicable au quotidien (car elle concerne un trop grand nombre de personnes et de situations), mais que les autorités peuvent dégainer à tout moment…

  3. Mais il y a beaucoup de pilotes amateurs qui font de la prise de vue? (pas avec du multirotors jouet j’entends)
    Dans mon coin j’ai croisé que des mecs avec des racers, et je ne connais pas grand monde avec des appareils type DJI etc…

    Parce que si c’est pour faire une législation pour 10 gus par département… c’est un peu ridicule, et puis si on explique aux gens ce qu’on fait et qu’on est pas trop idiot en général personne va appeler les flics dès qu’on décolle 🙂

    (quoi qu’une fois c’était un de mes premiers vol avec un racer, j’étais sur une « plaine des sports » avec un racer (je débute) et un père et ses gosses sont venus jouer au foot à 3 mètres de moi alors que j’avais sorti le pad de décollage, le pied pour filmer et tout. Il y avait 4 terrains de foot libre autour, mais il avait décidé qu’il devait me déranger, et j’ai du partir… en voyant le mec me faire un grand sourire narquois… mais c’est la première fois que j’ai ce genre de comportement hostile à notre loisir)

  4. Ca fait des mois que certains forums remontent cette info, et personne ne veut y croire. Enfin Helicomicro en parle, ça va peut-être faire prendre conscience aux détracteurs de ce texte, qu’il est réellement en vigueur et applicable

  5. @Fred, quand tu dis, que chez les pros, le plus souvent la formalité est oubliée par rapport à la déclaration. À mon avis, c’est pas tout à fait vrai, on envoi le CERFA mais avec comme durée « toute l’année » et comme lieu « France entière ». Ça simplifie les choses. Si on devait l’envoyer à chaque vol, c’est sur que ça serait une vraie plaie.

  6. C’est donc comme en Suède. Il est légalement interdit de filmer ou de photographier du ciel sans autorisation. Sauf que pour la Suede c’est pour la (soi-disante) protection de la vie privée. Dans la pratique tout le monde s’en fiche et film allègrement.
    Et le régulateur essai de suivre tant bien que mal l’évolution des technologies. On espère que la loi va changer en aout en Suede…

  7. Ok, l’avocat peut, si il le souhaite se garder cette cartouche en dernier recours…

    Mais c’est bien vite oublier que ce document est tout simplement inapplicable au particulier, car comme Fred le stipule très clairement tous les champs ne peuvent pas être rempli et par conséquent il sera incomplet donc non accepté ( le serpent qui se bouffe la queue).
    Inapplicable au particulier !!! Donc non concerné. Documents pas adapté, vis de procédure = non lieu.

    Pour conclure, sa cartouche se transforme plus en suppositoire…

  8. D’accord avec Yannick ont faits une déclaration pour l’année et pour la France entières de toutes façon depuis les arrêtés de 2012 ça toujours été le cas de ne pouvoir filmer en loisir et depuis 2015 ils ont juste ajouter « à titre occasionnel  » pour en avoir discuté avec la DGAC de nombreuse fois il y a une tolérance mais en cas de diffusion et de plainte le télé pilote de loisir aura toujours tord au vu des textes.
    Le problème c’est que personne ne veut l’admettre vu que c’est aussi une passion .
    Perso se que je conseil pour le loisir dans mon secteur c’est les bases :pas d’agglo,pas de pub pour quelqu’un ou quelque chose pour que ça reste du loisir et surtout faire gaf au zone R et autres.

  9. Ne serais-ce pas une Mi Drone 4K en photo d’illustration de votre article ? Simple photo prise sur internet ou futur test en vue ?

  10. @ JBTNIKO : Je préviens tout simplement qu’il y a toujours un outil règlementaire qui permet d’ennuyer tout le monde…

  11. Ce texte comme beaucoup d’autres est inapplicable et comme le dit jbtniko cet argument ne tiendra pas longtemps … souvenez-vous que les femmes n’ont le droit de porter des pantalons que depuis le 31 janvier 2012.

  12. Le fascisme commence la ou les interdits dépassent les libertés. Etrangement c’est pas les extrêmes qui l’imposent depuis des années des partis courant, qui votent des lois dans la nuit (Hadopi, des lois sur le travail en 49.3 … etc … )

    Restons vigilants

  13. Pour info on fait une déclaration pour l’ensemble du Territoire français, un déclaration tous les deux ans avec ce même cerfa donc un pro sera couvert et ne risque pas d’avoir ce genre de procès pour faute.

  14. La déclaration pour les professionnels, oui, mais le Cerfa ne colle pas avec une déclaration pour les particuliers… Le sujet du post, c’était justement que cet article D133-10 est applicable à tous, loisirs y compris.

  15. Non justement le cerfa sert aux Pro, pour les particuliers c’est tout bonnement interdit de faire de la captation d’image. En loisir on ne pourra faire de la captation que sur un terrain privée, mais prendre des monuments etc… ce n’est pas possible aussi du fait que les monuments sont en ville et donc c’est aussi une zone interdit en loisir….

  16. @ Jack : Si tu reprends le D133-10, rien dans le texte n’interdit la prise de vues pour les loisirs… C’est simplement le Cerfa qui introduit cette notion. D’ailleurs l’article va jusqu’à mentionner une dispense pour les loisirs, malheureusement liée à la présence d’un passager.

  17. Je comprends bien le dilemme, sauf qu’à la base la captation d’image est dans le périmètre de professionnel. Il y a eu simplement un transfert de l’avion vers le drone, de l’aéronef avec pilote à bord, vers sans pilote à bord. Ce cerfa n’est plus vraiment adapté, mais c’est le seul actuellement. Un pro doit remplir cette déclaration s’il veut faire des images.

  18. @ Jack : On est d’accord 🙂
    Je disais simplement que le propos de ce post (et d’une manière plus générale celui d’Helicomicro sauf incursions ponctuelles) est le loisir. Et que tous les pros ne remplissent pas ce Cerfa (alors que cela devrait effectivement être le cas).

  19. Ben déjà beaucoup se disent pro alors que ce sont des amateurs, ne connaissent pas les zones où ils volent ne font pas de demande cerfa pour du S3 etc…. il ne suffit pas d’avoir son Brevet et de ce déclarer exploitant à la DGAC faut-il encore connaitre tous les tenants et aboutissant. Pas plus tard que ce week end un mec qui fait de la production de film sur marseille avec un pilote chez lui déclaré DGAC reproche aux autres de ne pas être déclaré alors qu’il ne remplit pas ces demandes, vols au dessus des personnes etc… donc déjà chez les Pro faudrait faire du ménage en effet… lol

  20. C’est comme les non lieux ou relax des puissants, le législateur se réserve toujours une porte de sortie ou l’inverse. Normal la loi est faites pour sauvegarder les puissants.

    Bon, il y a la loi et l’usage de la loi. Nombre de lois sont désuètes. C’est une notion de tolérance jusqu’à ce que le privé en mode loisir commence à se manifester en portant plainte. Le nombre de plaintes imposera au législateur une réforme.

    C’est comme les 15 millions de procès/an sur la route et les 500 000 chauffeurs sans permis. Et nous ne parlons que ceux qui se font prendre !

  21. @Jack :
    Rien n’empêche un particulier d’être déclaré télépilote à la DGAC pour réaliser des Activités Particulières, et donc réaliser des prises de vues via le CERFA, en non professionnels, pour leur compte personnel (ça s’appelle des vols « utilitaires », et non « professionnels »).
    La loi le prévoit, et j’en connait personnellement 2 dans ce cas là.

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