Catégorie Ouverte : précisions sur la distance en vue directe et le survol de routes par l’EASA

catégorie ouverte

Parce que les deux textes fondateurs de la réglementation européenne ne fournissent pas assez d’informations, l’EASA propose les Easy Access Rules.

Ce sont des documents qui décrivent des détails de la réglementation, en catégorie Ouverte et catégorie Spécifique, pour mieux l’interpréter. Ils ne simplifient pas leur compréhension, comme leur nom pourrait le laisser entendre. A savoir : ce sont des recommandations, et non pas des textes réglementaires officiels, bien qu’ils soient publiés par l’EASA. Au 28 février 2024, les Easy Access Rules n’ont pas été mises à jour depuis 2022.

En attendant des mises à jour

L’EASA a mis en place un document supplémentaire, les « Guidelines for UAS operations in the open and specific categories », autrement dit des lignes directrices qui aident à l’interprétation des textes. La dernière version date du 31 janvier 2024, comme l’a remarqué Danilo Scarato de Quadricottero News. A vrai dire, et malgré une datation au 1er juin 2023 dans le document, je n’ai jamais eu connaissance de son existence.

Ces lignes directrices, pour la catégorie Ouverte, concernent le calcul de la distance maximale à laquelle on peut prétendre en vue directe, et les conditions de survol de voies routières. Je préfère vous prévenir par avance : il s’agir de points de détails réglementaires, pour ne pas dire des pinailleries administratives, qui ne vont probablement pas changer vos habitudes…  

A savoir : les lignes directrices ne sont pas des textes « juridiquement contraignants » et leur contenu ne doit pas « être utilisé pour contredire ou modifier les exigences des règlements 2019/945 et 2019/947 ».

Au sujet de la « vue directe » en catégorie Ouverte

Vous le savez très probablement : en catégorie Ouverte, la réglementation européenne vous devez veiller à ce que votre drone soit à tout moment en vue directe (VLOS – Visual Line of Sight). La vôtre ou celle d’un observateur si vous pilotez en FPV [2019/947, Article 4, d)].

Mais ça veut dire quoi, « en vue directe » ? Le règlement 2019/947 ne propose rien de plus que « le pilote à distance est capable de maintenir un contact visuel continu sans aide avec l’aéronef sans équipage à bord, ce qui lui permet de contrôler la trajectoire de vol de l’aéronef sans équipage à bord en fonction d’autres aéronefs, de personnes et d’obstacles, afin d’éviter des collisions » [Article 2, 7)]. C’est assez vague, et cela laisse la place à des très nombreuses interprétations. 

Les lignes directrices indiquent une méthode qui repose sur deux valeurs, la ALOS et la DLOS. Le principe est de choisir la valeur la plus faible des deux. Mais nous allons le voir, seule la ALOS est pertinente…

ALOS : Attitude Line Of Sight

Cette valeur signifie « vue directe qui permet au pilote de déterminer la position et l’orientation du drone ». La méthode de calcul est la suivante, avec des valeurs exprimées en mètres :

Pour une voilure tournante (multirotors, hélicos, etc.) : ALOS = (327 x dimension maximale) + 20.

Pour une voilure fixe (aile, planeur, avions, etc.) : ALOS = (490 x dimension maximale) + 30

Des exemples ?

  • pour un Mini 4 Pro de DJI : (327 x 0,298) + 20 = 117,50 mètres
  • pour un Mavic 3 Classic de DJI : (327 x 0,347) + 20 = 133,50 mètres
  • pour un Matrice 350RTK de DJI : (327 x 0,81) + 20 = 290 mètres
  • pour un Pavo 25 v2 de BetaFPV : (327 x 0,16) + 20 = 72,50 mètres
  • pour un AcroBee75 HD 03 de NewBeeDrone : (327 x 0,095) + 20 = 51 mètres
  • pour un Helion 10 de iFlight : (327 x 0,324) + 20 = 126 mètres
  • pour un(e) Disco de Parrot : (490 x 1,15) + 30 = 593,50 mètres
  • pour une Manta de Fimi : (490 x 0,7) + 30 = 373 mètres

DLOS : Detection Line Of Sight

Cette valeur signifie « qui permet la détection visuelle et offre suffisamment de temps pour une manoeuvre d’évitement ».

La méthode de calcul est la suivante, m étant une valeur en mètres : DLOS = 0,3 x visibilité au sol.  Il faut toutefois disposer de cette valeur, à aller chercher dans les METAR. Le grand public se perdra en chemin, même s’il existe des sources qui simplifient la recherche (par proximité d’un aéroport), comme celle-ci.

Des exemples ?

  • pour Annecy le 28/02/2024 à 08h00 : 0,3 x 10000 = 3000 mètres
  • pour Metz le 28/02/2024 à 08h00 : 0,3 x 250 = 75 mètres

A noter une précision ajoutée par les lignes directrices : l’EASA recommande que la visibilité au sol soit de 5000 mètres ou plus pour prétendre à un vol en vue directe. C’est un peu bizarre, puisqu’en pratique, si on se tient à cette visibilité de 5000 mètres, la valeur DLOS est toujours très largement supérieure à l’ALOS, et donc sans intérêt pour calculer la valeur de la VLOS.

C’est pertinent ?

La méthode de calcul de l’ALOS est sans doute efficace pour déterminer la distance jusqu’à laquelle on peut voir un appareil de telle sorte que l’on conserve son contrôle même en cas de manoeuvre complexe. En pratique ? Peu de pilotes se plieront à cette recommandation, notamment à respecter une distance de 150 mètres max avec un drone… 

Au sujet du survol de routes en catégorie Ouverte

En catégorie Ouverte, rien dans les textes européens ne concerne le survol de routes, de voies rapides, d’autoroutes. Ce qui est précisé, tout de même : « Le pilote à distance interrompt le vol si l’exploitation présente un risque pour d’autres aéronefs, des personnes, des animaux, l’environnement ou des biens » [2019/947, UAS.OPEN.060 2)b)]. Une fois de plus, c’est une indication assez vague. 

Les lignes directrices indiquent ceci…

Dans le cas du survol d’autoroutes :

  • Survol possible en sous-catégorie A1 quand des véhicules y circulent.
  • Survol possible en sous-catégorie A2 uniquement en l’absence de véhicules.
  • Pas de survol en sous-catégorie A3.
  • Respect d’une hauteur de 20 mètres par rapport au sol et aux obstacles.
  • Vols en vue directe à tout moment.
  • Eviter le risque de distraction des conducteurs.
  • Dans le cas de vols près de la voie, respecter la règle du 1 pour 1 (la distance à la voie doit être inférieure à la hauteur de vol). 

Dans le cas du survol des autres routes :

  • Pas de survol possible quand des véhicules y circulent avec une forte densité.
  • Survol possible en sous-catégories A1, A2, A3 en l’absence de véhicules ou avec peu de véhicules.
  • Respect d’une hauteur de 20 mètres par rapport au sol et aux obstacles.
  • Vols en vue directe uniquement.
  • Eviter le risque de distraction des conducteurs.
  • Si les conducteurs ne sont pas protégés par un habitacle, comme les cyclistes et les motards, ce sont les conditions de survol de personnes isolées qui s’appliquent : possible avec un drone de classe C0, interdits avec les drones d’autres classes ou dépourvus d’indication de classe.

En résumé ?

Ces recommandations de l’EASA apportent certes des précisions manquantes dans les textes réglementaires. Mais ce ne sont que des recommandations. En cas d’incident ou d’accident, s’y être conformé permet de faire preuve de sa bonne foi dans la réduction des risques pendant le vol. Si les lignes directrices sont jugées efficaces, elles seront intégrées dans une future mise à jour des Easy Access Rules. Et peut-être dans une modification réglementaire, à un horizon plus lointain.

Dans ce document, l’EASA suggère aux Etats membres de l’Union Européenne d’utiliser l’article 5 du règlement 2019/947 qui leur permettrait de limiter le survol de zones géographiques comme les routes et les voies ferrées à certaines classes de drones, éventuellement assujetties à des obligations d’identification à distance et de géovigilance.

Source : le document Guidelines for UAS operations in the open and specific categories, disponible sur la page de téléchargements de documents de l’EASA
Crédits photos : EASA et Adobe Firefly

13 commentaires sur “Catégorie Ouverte : précisions sur la distance en vue directe et le survol de routes par l’EASA

  1. C’est parfait.
    L’intérêt de ces règles c’est que ça occupe. Ça occupe les types à les écrire, ça occupe d’autres à les implémenter, d’autres à les vérifier, etc etc. Sans compter ceux qui sont fiers de montrer sur les rézosocios qu’ils en savent plus que tout le monde.
    Me tarde les prochaines.

  2. @ Fred si ces « règles » (recommandations) sont transformées en AMC de l’EASA, sans pour autant devenir contraignantes elles engageront les autorités compétentes à reconnaître les personnes se conformant aux AMC EASA comme étant conformes à la loi.

  3. Il me semble qu’il s’agit des bases européennes sur lesquelles chaque pays peut y ajouter des spécificités nationales.

  4. @Stéphane : ces administrations sont remplies de personnes très hautement diplômées et expérimentées en C.C.A. (Création de Complexité Administrative) et même depuis quelques années en C.C.A.A.O. (Création de Complexité Administrative Assistée par Ordinateur ) qui permet un taux de déblatairage de conneries bien plus important qu’auparavant …..
    Je crains l’arrivé de l’IA sous peu :)) :))

  5. petite Question : si en Open on peut survoler un autoroute, d’apres cet article, pourquoi en spécifique il est précisé de ne pas s’approcher à moins de 30m d’un autoroute ou d’une voie rapide…?

    et l’autoroute en lui même, du fait de la circulation n’est il pas considéré comme une « espace public », ce qui impliquerait une interdiction de survol en Open…?

  6. @ Wasselin :
    Les 30 mètres en Spécifique, c’est en scénarios français, pas en réglementation européenne.
    L’espace public en catégorie Ouverte n’est interdit qu’en agglomération en France. Donc en agglomération, au-dessus d’une route, d’une autoroute, d’un parc, d’une place, c’est interdit en France. Hors agglomération sur l’espace public, ce n’est pas interdit.

  7. @ blaignan : Oui.
    Je n’ai cela dit aucune information sur une éventuelle intégration dans les AMC – j’imagine que c’est subordonné à suffisamment de RETEX.

  8. Bonjour et un grand bravo pour cette explication pratique et opérationnelle. C’est plutôt clair et permet de savoir où l’on va et comment y allez avec simplicité.
    Je voudrais uniquement revenir sur la DM (Distance Maximale) d’un drone afin de pouvoir appliquer la formule (327xDM)+20.
    Votre exemple sur le M350 montre une DM de 0,43. Or, sur le site de DJI (https://enterprise.dji.com/fr/matrice-350-rtk/specs), c’est la dimension pliée avec hélice. Il est rare qu’un M350 vol en position pliée !!!!!
    Ne faudrait il pas plutôt prendre la plus grande (car « Maximale ») des dimensions dépliées sans hélice (puisque qu’invisible en vol) ?
    Dans ce cas, la DM serait de 0,81 et donc l’ALOS monterait à 327×0,81+20=290 mètres.
    Qu’en pensez vous ?
    Merci pour votre retour et avis

  9. Je viens de parcourir le document, et je lis « When planning a VLOS operation, the VLOS distance should be measured as the air-line distance between the remote pilot and the UA »
    Pour mon Mavic 3M, a une altitude de 120m, je ne pourrais pas l’eloigner de plus de 60m en distance projetée au sol? et a son altitude max de 12m en vol automatique, 134m. cela fait peu, dommage que le document n’explique pas comment le calcul a été construit.

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