DJI : un premier pas vers les cartes de géovigilance officielles avec le Air 3

Pour comprendre ce qui suit, il faut quelques rappels préliminaires. Depuis plusieurs années, DJI interdit physiquement les vols dans certaines zones, c’est une contrainte NFZ (NoFly Zones), reposant sur le service DJI GEO et l’outil DJI FlySafe. Quand le drone se trouve dans l’une de ces zones, il ne décolle pas. Quand il tente d’y pénétrer, il est stoppé. La finalité ? C’est, pour DJI, de faire en sorte que ses drones ne se retrouvent pas au-dessus de prisons, de centrales nucléaires, etc. Ca fait toujours désordre…

Les soucis ?

Cette fonction s’apparente à une géobarrière. Or la réglementation européenne se cantonne à imposer la géovigilance, qui consiste à seulement prévenir le pilote à l’approche d’une zone interdite, sans le contraindre. DJI est donc plus royaliste que le roi. Mais il y a plus gênant : les cartes des NoFly Zones sur lesquelles DJI FlySafe s’appuie sont une interprétation très libre de DJI qui ne correspond pas à la réglementation française (ni européenne). Vous pouvez en savoir plus en lisant ce post. 

Parce qu’à l’évidence aucune autorité nationale ne s’est (suffisamment) plainte de la situation, DJI a utilisé ce système non réglementaire pendant des années. Mais l’entrée en vigueur d’une nouvelle phase de la réglementation européenne devrait faire bouger le constructeur. Car les drones avec une indication de classe C1, C2 et C3, c’est une obligation réglementaire, doivent intégrer la géovigilance !

La géovigilance européenne ?

Le règlement 2019/945 impose à un drone de classe C1, C2 ou C3 d’« être équipé d’une fonction de géovigilance qui fournit […] une interface permettant de charger et de mettre à jour des données contenant des informations sur les limitations de l’espace aérien par rapport à la position et à la hauteur de l’UA imposées en fonction des zones géographiques ». En d’autres mots, les drones doivent pouvoir charger à leur bord les cartes de géovigilance de chaque pays de l’Union Européenne via un outil dédié.

Ce règlement va plus loin encore : il impose aux drones de classes C1, C2 et C3 d’être livré avec « des instructions du fabricant décrivant […] la procédure pour charger les limitations de l’espace aérien dans la fonction de géovigilance ». Le règlement 2019/947 impose de son côté, dans le point UAS.OPEN.050, que l’exploitant UAS mette « à jour les informations dans le système de géovigilance, s’il y a lieu de le faire, en fonction du lieu envisagé de l’exploitation ». 

Jusqu’à présent, les drones de DJI de classe C1, C2 ou C3 étaient dépourvus de cette fonction. Mais une mise à jour du DJI Air 3 en date du 21 décembre 2023 marque un changement majeur ! Ce drone de classe C1 permet désormais d’importer les données de géovigilances nationales ! Ca se passe dans l’onglet « A propos », ligne « Importer depuis des fichiers ». L’interface attend un fichier de données de type JSON au format ED269.

Où trouver ce fichier ?

Souvenez-vous, je vous en avais parlé ici, la France a été l’un des premiers pays, début 2022, à fournir ses données de géovigilance. Elles sont mises à jour tous les mois ! Vous pouvez télécharger gratuitement le fichier JSON des données françaises sur le site du Service de l’Information Aéronautique (SIA). 

Il faut créer un compte sur le site, télécharger la dernière version des données géographiques UAS, placer ce fichier sur une carte mémoire ou dans la mémoire d’un smartphone, et le sélectionner depuis DJI Fly. L’intégration est assez longue, comptez presque 7 minutes.

Et ensuite ?

En haut : données de Géovigilance et FlySafe (DJI Air 3 allumé)
En bas : données FlySafe uniquement (DJI Air 3 éteint)

Disons que c’est encore un peu le désordre sur la carte de DJI Fly. Les données FlySafe de DJI sont toujours présentes, et s’y ajoutent celles de la géovigilance nationale.

La gestion de la carte en prend un coup : elle devient lente, très lente, et l’écran devient illisible par excès d’affichage de zones. Une fois le Air 3 éteint, les données de géovigilance disparaissent de l’image sur la radiocommande, ne restent que les données FlySafe. Elles réapparaissent à l’allumage du Air 3. 

Notez que les données de géovigilance françaises ne sont pas les mêmes que celles que vous trouvez sur Geoportail. Il y a par exemple une différence majeure : les agglomérations ne sont pas indiquées dans les données de géovigilance ! Ce qui laisse supposer, à tort, que les vols au-dessus de l’espace public en agglomération sont autorisés en catégorie Ouverte. Ce n’est pas le cas en France…

Pourquoi ?

Parce que les données d’agglomération ne sont pas en lien avec les restrictions d’utilisation de l’espace aérien. La documentation des données françaises décrit ce qui se trouve dans le fichier JSON français : 

  1. Les zones interdites (P et ZIT), réglementées (R) et dangereuses (D) (ENR 5.1)
  2. Les zones de contrôle (CTR) et les régions terminales de contrôle (TMA) (ENR 2.1)
  3. Les établissements portant des marques distinctives de survol à basse altitude (ENR 5.7.‐1)
  4. Les restrictions de survol relatives aux parcs nationaux et aux réserves naturelles (ENR 5.7.‐3)
  5. En haut : données de Géovigilance et FlySafe.
    En bas : données Geoportail.
    Les activités d’aéromodélisme et les activités particulières (ENR 5.5)
  6. Les voisinages des infrastructures destinées à l’atterrissage ou au décollage (annexe I de l’arrêté Espace du 3 décembre 2020)
  7. Les secteurs d’entraînement basse altitude des hélicoptères et secteurs VOLTAC (ENR 5.3.1.3)
  8. Les zones de manœuvres et d’entraînement militaires (ENR 5.2.7 du manuel d’information aéronautique militaire)

Parce que rien n’est simple, certaines données (comme les TMA) sont présentes bien qu’elles ne concernent pas les drones…

Des questions en suspens…

Les NFZ de DJI sont-elles toujours opérationnelles ? Vont-elles disparaitre au profit des données de géovigilance européennes et réglementaires ? Les données de géovigilance sont-elles utilisées correctement et sans interférences avec les données FlySafe pour prévenir le pilote d’une zone interdite ? Le Mini 4 Pro qui avec sa classe C0 n’est pas tenu à fournir une géovigilance permettra-t-il d’importer les données nationales pour compléter ou remplacer les NFZ de DJI ? Tout cela sera à vérifier…

Les données des autres pays de l’Union Européenne sont-elles utilisables ? 

Envie d’essayer avec un DJI Air 3 mis à jour ? Voici la liste des pays qui fournissent leurs cartes et les liens vers les données au format ED269. Un format normalisé et commun ? Oui… en théorie. En pratique, ce n’est pas encore ça…

Allemagne, Belgique, Bulgarie, Danemark, France, Irlande, Luxembourg, Portugal, Roumanie, Suisse. (et si vous connaissez les liens vers les JSON d’autres pays, prévenez-moi parce que leur recherche est un petit jeu de piste !)

Merci à Hubert Aile pour nos échanges sur le sujet !

15 commentaires sur “DJI : un premier pas vers les cartes de géovigilance officielles avec le Air 3

  1. bonjour Fred.
    si le règlement européen n’impose qu’une fonction de geovigilance pour les drones de classe C1, C2 et C3, une des exigences pour les drones C6 ressemble beaucoup à une fonction de geobarrière:
    partie 17 de l’annexe du règlement 2019/945:
    « A class C6 UAS … shall comply with the following requirements:

    (4) provide means to prevent the UA from breaching the horizontal and vertical limits of a programmable operational volume; »
    in french : fournir des moyens pour empêcher l’UA de dépasser les limites horizontales et verticales d’un volume opérationnel programmable

  2. @ Blaignan : Oui Georges. Ce que j’en comprends, c’est que la géovigilance n’est pas exigée en C6, mais un empêchement de franchir un volume programmable l’est, en revanche.
    J’en déduis qu’il s’agit d’un simple volume basé sur la distance et la hauteur.
    La géobarrière dans le sens de FlySafe de DJI est plus complexe et non requise en C6. Elle me semble prévue et décrite comme « une fonction qui restreint son accès à certaines zones ou certains volumes de l’espace aérien » par le 2019/945, mais non obligatoire.
    Il y a peut-être un AMC qui apporte des précisions…

  3. Pour information, cela est également possible avec le Mavic 3 suite à la dernière mise à jour de DJI Fly.
    En effet, sur mon Mavic 3 Cine, j’ai la même option permettant d’importer un fichier JSON, comme présenté dans l’article.

  4. @fred, l’empêchement de sortir d’un volume (horizontal et vertical) ou de rentrer dans une zone c’est pour moi la même chose c’est une géobarrière 🙂
    comme en S2 où dans les conditions techniques il est indiqué « possibilité de programmer des limites latérales dont le franchissement est interdit ou déclenche une alarme ».
    définir ces limites ne peut concrètement se faire qu’au travers de coordonnées GNSS.
    Que les « barrières » soient relatives à un point de départ (empêcher de sortir d’un volume) ou absolues par rapport à des coordonnées GNSS (comme système de NFZ dji qui empêche de pénétrer dans une zone donnée) cela désigne le même type de système, l’objet d’un tel système est bien de mettre des barrières géographiques virtuelles.
    Pour moi que bien que le règlement européen n’utilise pas explicitement le terme « géobarrière » et préfère utiliser le vocabulaire « fonction qui restreint son accès à certaines zones » ou « moyens pour empêcher de dépasser les limites horizontales et verticales d’un volume opérationnel programmable » je pense que l’on peut désigner cela comme un système de géobarrière 🙂

  5. @ Blaignan : Oui, c’est juste moi qui fais la différence entre le volume simple et la zone géographique, puisque l’un et l’autre ne requièrent pas les mêmes ressources en occupation mémoire, temps processeur, etc. Et je suis bien d’accord, le principe de base est le même, géobarrière convient pour les deux (mais n’est pas utilisé par les textes).

  6. J’aimerais bien savoir si les processeurs embarqués ont été prévus pour ce surcroit de boulot qui ne doit pas être anodin !
    Pour info, certaines caméras IP de vidéosurveillance étaient théoriquement capable d’embarquer les applis tierces (vidéo dite intelligente) sauf que sur certains modèles, le cumul ou les plus lourdes dézingaient sérieusement les performance vidéo pure de base !
    Outre la dépense énergétique et calorifique, l’électronique informatique n’apprécie pas trop longtemps de tourner à bloc, une caméra, quand ça merde, l’image freeze ou disparait, pour drone ça risque d’être un peu plus sportif !

  7. @ Max Artaud : Si les données FlySafe et celles de géovigilance restent cumulées, oui, ça pourrait charger la mule, un peu trop. Ca dépend de l’avenir des données FlySafe…

  8. L’importation de la carte du SIA me tente bien, mais la charge supplémentaire annoncée est un frein non négligeable.
    Quelqu’un sait-il s’il est possible de revenir en arrière après l’importation ? Suffit-il de supprimer le fichier Json de DJI Fly ?
    Merci d’avance.

  9. @ Bernard_PF : A ma connaissance, non, il n’y a pas moyen de revenir en arrière. Mais l’outil est encore récent, il faudra attendre pour en connaitre les subtilités.

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