Freeway Drone : plans au-dessus du Louvre

Avec sa société Freeway Drone, Michael Gisselere parcourt le monde pour le compte de nombreuses télévisions. Un globe-trotter difficile à suivre, j’ai donc profité du fait qu’il pose ses flight-cases à quelques kilomètres de chez moi, dans les jardins du Louvre, pour assister aux vols de gros porteurs destinés à tourner des images… que je ne verrai sans doute jamais ! Car le client de Freeway Drone, ce jour-là, était la télévision japonaise NHK. L’équipe, venue spécialement du Japon, était particulièrement concentrée. Peu de mots ont été échangés pendant les vols. Ce n’était pas la barrière de la langue, mais tout simplement une préparation minutieuse qui ne laissait pas de place à l’improvisation. J’ai profité de l’occasion pour poser quelques questions à Michael…

Helicomicro : Vous avez filmé le jardin des Tuileries à la demande de la chaine de télévision japonaise NHK pour des documentaires sur le Louvre. Leur requis était de produire des images en 8K ! Est-ce une demande inhabituelle ?
Michael Gisselere : En fait ce n’est pas une demande inhabituelle, car nous avons déjà tourné 6 fois dans les jardins des Tuileries. Mais c’était avec un Inspire 2 de DJI homologué S-3 et un système de secours avec un parachute. Mais là, effectivement la demande était de filmer en 8K et en 60 images par seconde ! Donc nous avons dû faire voler une caméra Red Helium. Pour cela, il nous a fallu utiliser l’un de nos gros porteurs.

HM : Le poids est important ?
MG : Oui, parce que cette configuration allait forcement dépasser les 8 kilos auxquels nous étions autorisés. La particularité de ce tournage est donc de faire voler un drone de 15 kilos au coeur de Paris, un défi plus administratif que technique.

HM : Quel type de multirotor et de caméra avez-vous utilisé ?
MG : Nous avons chez Freeway deux Freefly Alta 8. Nous avons donc choisi de travailler avec cet aéronef car nous avons l’habitude de voler avec nos Alta 8 en S-1. Je trouve que ce sont des machines très fiables, robustes. J’ai une entière confiance en Freefly. Ce qui est vraiment confortable aussi pour nous, c’est qu’ils sont très réactifs lorsque nous avons une interrogation technique.

HM : Les prises de vues dans Paris sont un peu plus compliquées qu’ailleurs. Y avait-il des contraintes spécifiques à l’équipement nécessaire pour le tournage de NHK ?
MG : Les contraintes étaient surtout au niveau administratif ! Il a fallu réunir de nombreuses autorisations, cela a abouti à des horaires stricts à respecter, et aussi des zones de survols précises. Nous avons commencé par les plans vus de haut et longs avant l’ouverture des jardins. Puis au cours de la matinée les plans moins difficiles, moins haut car les joggeurs commençaient à rentrer dans le jardin. Nous avions tout de même les agents de sécurité du parc avec nous pour contrôler les passages et sécuriser nos zones de survols. Cela dit nous avons quand même eu un contrôle de Police alors que le parc était encore fermé.

HM : Le système filaire pour rendre le drone captif était-il obligatoire ?
MG : En fait, nous avions le choix entre le captif ou de faire homologuer notre Freefly Alta 8 en S-3 avec un système de parachute. Mais pour cela il fallait produire une vidéo du système de sécurité parachute en fonctionnement afin que notre drone soit homologué S-3. Un crash test, ni plus ni moins. Faire un crash test avec un drone de 20000 euros ? J’ai préféré prendre l’option du captif ! De plus pour cette production, les mouvements devaient être assez lents car nous étions en 8K. Le câble ne nous a jamais ennuyés ou empêchés de faire nos images. A vrai dire, je trouve cela plus dangereux pour la prestation en elle-même, mais bon, nous devons appliquer les lois et respecter nos autorisations, surtout au coeur de Paris.

HM : Quelle était la solution employée pour le retour vidéo en temps réel ?
MG : Nous avons des systèmes de retransmission Connex d’Amimon qui fonctionnent très bien, avec une portée assez satisfaisante. C’est le même système que j’ai utilisé sur le Dakar pour la retransmission du direct pour France TV Sport.

HM : Combien de personnes sont nécessaires pour opérer le drone et sa caméra ?
MG : Nous avions notre pilote pour le Freefly Alta 8 qui ne s’occupait que de son vol et de la sécurité de son aéronef, un cadreur, un pointeur avec le Follow Focus et le retour du diaph., puis un assistant en charge du filin qui reliait le drone au sol. Une lourde responsabilité !

HM : Les images de NHK sont réalisées en partenariat avec le Louvre. Est-ce que cela facilite les demandes d’autorisation ?
MG : Je ne peux pas dire si cela a aidé ou pas, la Préfecture de Police de Paris traite les dossiers en fonction de la sécurité engagée. En revanche, le fait de profiter des jardins des Tuileries fermés et de pouvoir voler avant l’ouverture du public, oui, cela a permis d’obtenir notre autorisation. Sans oublier le soutien de 10 agents de sécurité du Louvre qui ont surveillé la zone d’exclusion des tiers.

HM : De quelle marge de manœuvre disposiez-vous pour réaliser les plans en hauteur, en distance ?
MG : Nous avions une autorisation de voler à 90 mètres d’altitude sur une distance de 100 mètres sur certains plans. Tout était détaillé et précis, car plus l’horaire avançait, plus le public pouvait pénétrer dans les jardins. C’est pour cette raison que nous avons commencé par les plans les plus hauts et les plus longs. En fin de tournage nous avons procédé à des vols sur 30 mètres de hauteur sur une distance de 50 mètres, puis terminé avec des vols verticaux. Mais étant donné que nous avions écrit le détail des plans à tourner avant la mission, nous savions parfaitement le rendu que nous allions obtenir.

HM : Y a-t-il d’autres tournages 8K prévus avec NHK ? Vous m’avez parlé de vols à Versailles…
MG : Oui, nous avons tourné à Versailles pendant 2 jours avec une lumière incroyable ! Les plans sont magiques et tout le monde est très content. Cela fait au moins 10 fois que nous tournons à Versailles, nous connaissons bien les lieux, je dois d’ailleurs y retourner ce mois-ci pour le Tour de France. Nous allons tourner au Puy du Fou au mois d’août, toujours pour la NHK mais cette fois-ci avec un Inspire 2 et caméra X7.

HM : En dehors de ce tournage avec NHK, quelle est la définition dans laquelle vous sont habituellement demandés vos rushes ? 1080p ? 2,7K, 4K ? Et en nombre d’images par seconde ?
MG : La plupart du temps, nous tournons en 4K à 50 images par seconde pour redescendre en post-production en Full HD. Nous nous sommes aperçus après plusieurs essais que la qualité était bien meilleure. Mais étant donné que nos clients demandent souvent des rushs en entrelacé et que les caméras de DJI tournent uniquement en progressif, nous avons mis en place un protocole avec France TV sur un set-up bien particulier pour Premiere afin de fournir de l’entrelacé. C’est le cas pour le Tour de France et le Dakar. Mais au final, nous avons des réglages spécifiques pour chaque client.

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8 commentaires sur “Freeway Drone : plans au-dessus du Louvre

  1. Excellent article ! c’est bien de comprendre dans le détail à quel point la sécurité est importante. Et qu’on en vole pas à Pais comme ça.

  2. C’est très intéressant, tout ça!
    Tiens, une petite question, que m’inspire (c’est le cas de le dire) cet article : dispose-t-on de statistiques générales sur les incidents survenus durant l’utilisation de drones pro?? Un peu comme dans l’aviation civile…
    Par exemple : le taux d’incidents de vol, taux de crash, le taux de déclenchement de parachutes, etc…
    je préfère parler en taux, plutôt qu’en nombre, car je trouve un taux plus parlant qu’un nombre (qui n’est qu’une donnée brute).
    L’idée ici n’est surtout pas de faire du sensationnalisme, mais d’avoir une idée de la fiabilité des machines professionnelles… même si je me doute un peudu résultat, à savoir que ces machines sont généralement très fiables, et peu accidentogènes (encore faut-il étayer cette hypothèse par des faits issus de l’expérience concrète).

  3. @Guillaume : Il est certain qu’un drone même un gros Atla 8 fera toujours moins de mort qu’un hélico.
    Je serais moi aussi très intéressé par un retour officiel pour mettre un peu à mal toute cette très grosse machine parano autour des multirotors.

  4. Je comprends pas bien la logique de l’administration au sujet de l’homologation S3.
    Soit un parachute, soit un filain ???

    Filain : évite les fly away mais si le multi tombe comme une merde… dommage pour ceux qui sont en dessous.

    Parachute : évite le choc au sol (ou sur un passant) mais le multi peut se barrer ( vu la technologie quasi aucun risque). Au pire quand il va chuter à la fin de la batterie, le parachute se déclenchera lors de la chute.

    Pour moi le filain=placébo administratif non sécuritaire pour autrui !
    Après tant mieux pour les pro, cela évite comme dit dans l’article, de crasher une machine.

  5. @ jbtniko : tu as parfaitement raison ……. c’est une gigantesque couillonade (comme on dit par chez moi :)) )….

  6. @jbtniko: oui, et au delà des mesures prises, et de ce que « ferait » un drone civile de prise de vue en cas de chute, ce qui m’intéresserait c’est de connaître (dans le monde, ou même déjà en France, pour commencer) : le nombre, le pourcentage, et le type d’incidents réels et concrets causés par des drones civils pro, depuis que ceux-ci sont en activité, et voire d’années en années, si ce pourcentage baisse, etc… en gros d’avoir des données sur les dangers réels des drones civils, dans la vie réelle et pas dans les dossiers de l’administration.

  7. Chuuuut Guillaume ………… ça va pas non !!!!
    Tu sais que pour ce que tu viens d’écrire tu pourrais être condamné au supplice du « certificat » par le grand Gourou de la DGAC …..
    Déf : le supplice du certificat : tu es fouetté avec les feuilles de QCM du nouveau certificat au pied de la tour du plus proche aérodrome !, plus les questions sont c…. et n’ont rien à voir avec une bonne formation théorique de télépilote et plus ce sera douloureux, ceux qui l’ont subi jusqu’à présent n’en sont jamais revenu et ont du endurer des souffrances hors du commun …… :)) :)) :))

  8. L
    ‘administration était encore il y a peu moins chiant avec Benalla pour les autorisations……….!

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