Vaucluse : un drone d’Enedis abattu au fusil de chasse par un riverain
A Robion dans le Vaucluse, la société Enedis opérait un drone pour surveiller l’état de ses lignes à haute tension, « pour détecter un éventuel point de contact avec la végétation ». Le vol n’a pas plu à un riverain qui s’est senti espionné par l’appareil, rapporte France Info.
Depuis sa propriété, il a entrepris de tirer sur le drone avec un fusil de chasse. Il a touché sa cible et abattu le drone d’Enedis.
Est-il autorisé d’abattre un drone ?
La règle du non-recours à la force à l’encontre des aéronefs civils est l’une des bases de la convention de Chicago. Lorsqu’elle a été instaurée en 1944, les appareils civils sans pilote à bord étaient très rares à l’époque. La convention de Chicago mériterait un amendement pour prendre en compte les nouveaux aéronefs sans passagers à bord, dont font partie les drones.
La loi française est plutôt clémente sur le sujet. L’article 322-1 du code pénal indique « la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, sauf s’il n’en est résulté qu’un dommage léger ». Car dans le cas d’un « dommage léger », l’article R635-1 du code pénal prévoit une contravention de 5e classe (1500 €), laquelle entraine la possibilité d’une « interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de trois ans au plus, une arme soumise à autorisation », d’une « confiscation d’une ou de plusieurs armes d&ont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition », d’un « retrait du permis de chasser, avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus », de « la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit », et d’une « peine de travail d’intérêt général pour une durée de vingt à cent vingt heures ».
L’atteinte à un drone en vol est également punie par l’article L53762-4 du code des transports. Il prévoit une peine de 5 ans de prison et 18.000 € d’amende pour « le fait, volontairement de : […] 4° Entraver, de quelque manière que ce soit, la navigation ou la circulation des aéronefs ». Avec une précision importante, la tentative d’atteinte à un drone est punie de la même manière que l’atteinte à un drone : « Pour toutes les infractions prévues par le présent article, la tentative du délit est punie comme le délit lui-même ». (merci à Georges Blaignan pour l’info !)
C’est rare, les tirs sur des drones ?
En France, oui, c’est rare, mais ça arrive. En 2018, un drone sur le tournage d’une série Netflix avait été abattu par un riverain au 22 long rifle.
Plus récemment, un Matrice M30T de DJI de Pierre-Nicolas Mazenot (Jurisdrone) a été shooté près d’Annecy (voir la photo).
Il y a sans doute beaucoup de tentatives infructueuses. Pour ma part, j’ai déjà essuyé des tirs de chasseurs mécontents, suffisamment adroits pour endommager des hélices d’un drone FPV de 6 pouces, mais pas assez pour l’abattre.
C’est inquiétant ?
Non, pas pour le moment, cela reste une pratique très marginale de cow-boys excités de la gâchette. Mais s’il n’y a pas de réponse pénale dissuasive pour les premiers cas passant devant la justice, cela pourrait devenir une nouvelle discipline…
Surtout que de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux invitent à abattre systématiquement tous les drones, par tous les moyens à portée de main, parce qu’il sont considérés comme des vecteurs de nuisances, des outils de surveillance de l’espace privé, des armes destinées à la privation des libertés, etc.
A savoir quand on voit un drone suspect :
- Ne pas tenter de l’abattre, pour les raisons réglementaires évoquées plus haut et parce que le risque de dommages collatéraux est élevé.
- Ne pas oublier que le survol d’une propriété privée n’est pas interdit, à moins de provoquer une gêne manifeste : l’article L. 6211-3 du code des transports indique que « le droit pour un aéronef de survoler les propriétés privées ne peut s’exercer dans des conditions telles qu’il entraverait l’exercice du droit du propriétaire ».
- Ne pas oublier que des vols qui semblent illégaux peuvent être pratiqués avec les déclarations et autorisations nécessaires.
A faire quand on voit un drone suspect :
- Si vous savez où se trouve le pilote, vous pouvez aller engager la discussion, de manière courtoise, et en le laissant poser son appareil au besoin.
- Si vous ne savez pas où il se trouve, tentez de réunir des preuves visuelles de la gêne occasionnée en filmant ou en photographiant l’appareil. Prévenez la gendarmerie ou la police si vous suspectez un usage manifestement illégal. Si une infraction est confirmée, déposez plainte.
@Fred il y a un autre article beaucoup plus sévère pour ce genre de choses :
Article L6372-4 du code des transports
Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 18 000 € d’amende sans préjudice, le cas échéant, de l’application des articles 322-1 à 322-11 et 322-15 du code pénal réprimant les destructions, dégradations et détériorations, le fait, volontairement de :
…
4° Entraver, de quelque manière que ce soit, la navigation ou la circulation des aéronefs, hors les cas prévus aux articles 224-6 et 224-7 du code pénal ;
@ Georges Blaignan : Ah mais oui, cela m’avait échappé ! Merci Georges, je rajoute !!