SDIS 11 et ERT11 : des drones dans le gouffre géant de Cabrespine !
Situé dans l’Aude à une vingtaine de kilomètre de Carcassonne, le gouffre géant de Cabrespine a été exploré pour la première fois en 1934, cartographié dans les années 1970, puis aménagé pour le public en 1988. Il s’agit d’une cavité souterraine affichant taille très impressionnante ! En cas d’accident au fond du gouffre, l’environnement rend la progression des secours assez difficile.
Epauler les interventions dans le gouffre de Cabrespine
Les drones ont été mis à contribution pour épauler les équipes de secours. Un challenge relevé par la section Engins Robotisés Télépilotés des pompiers de l’Aude (SDIS 11). L’Adjudant-Chef Stéphane Bousquet, Référent Technique Départemental Drone, équipe ERT11 au SDIS 11, a accepté de me parler de son expérience…
Helicomicro : Quand l’équipe drones du SDIS 11 a-t-elle été mise en place ?
Adjudant-Chef Stéphane Bousquet : L’équipe drone du SDIS de l’Aude existe depuis 2015 au travers de l’équipe spécialisée secours nautique. Elle a été officiellement créée par le Colonel Jean-Luc Beccari, alors Directeur Départemental du SDIS de l’Aude. Elle a pris à ce moment l’appellation ERT11 (Engins Robotisés Télépilotés)
HM : Combien de personnes y a-t-il dans l’équipe drone ?
SB : Avant la création officielle l’équipe ERT11, il y avait 5 télépilotes. Lors de la création, un point de situation avec le Colonel Beccari et le Colonel Jean (Directeur Adjoint) a défini un objectif de 20 télépilotes minimum, formés pour une couverture opérationnelle adaptée au département de l’Aude. Nous sommes actuellement à 18 pilotes opérationnels avec un pic de formation de 12 télépilotes sur une année.
HM : Combien de drones et de quels types ?
SB : Avant la création de l’équipe ERT, le SDIS disposait de 2 drones avec caméra thermique. Actuellement un plan d’équipement est en cours avec le renouvellement des drones et un complément pour un maillage territorial adapté. Actuellement, nous disposons de 2 drones avec caméra thermique, 3 drones de reconnaissance rapide et 1 drone de vol en intérieur en cours d’expérimentation, mais déjà opérationnel. Le nombre de drones thermiques passera à 6 au cours de l’année 2024 pour répondre à la sollicitation des opérations sur les feux de forêt.
HM : Le SDIS 11 utilise les drones dans plusieurs domaines. J’ai cru comprendre que des outils d’intelligence artificielle étaient utilisés !
SB : Oui, nous avons signé une convention avec la start-up Menaps située à Toulouse. L’objectif est de développer la détection de feu le plus précoce possible avec l’aide de l’Intelligence Artificielle.
HM : Et ça fonctionne, cette IA ?
SB : Cette rencontre à permis de faire rencontrer des chercheurs et doctorants travaillant sur l’IA et le monde professionnel des sapeurs-pompiers. Les échanges ont été très riches et ont permis de développer un outil qui correspond parfaitement aux besoins de notre corporation. Le travail en commun a permis de dépasser les attentes, parce que l’équipe à su faire preuve d’une grande souplesse et d’une adaptation face au défi que nous lui avions lancé.
HM : Pourquoi voler en drone dans le gouffre de Cabrespine ?
SB : Le gouffre est un site très particulier où nous avons eu un secours à réaliser l’année passée. La personne à secourir se trouvait au fond du gouffre. La victime a été conditionnée par l’équipe médicale, puis remontée sur cordes par l’équipe spécialisée en secours milieux périlleux et montagne (SMPM). Lors de cette ascension, il était difficile d’avoir un visuel sur la victime. Le drone nous a donné un avantage certain pendant cette opération en nous permettant de surveiller la personne. Le but était de contrôler une éventuelle dégradation de son état.
HM : Quelle était la procédure ?
SB : Elle reposait sur la mise en place d’un retour vidéo, possible avec notre équipement mobile EvolutionB. Il s’agit d’une valise de vidéo retransmission qui donne les images en temps réel du vol. L’équipe médicale peut voir le patient en temps réel et donner des consignes à l’équipe de remontée si elle constate que l’état se dégrade.
HM: Avec quels drones et accessoires ont été réalisés les vols ?
SB : A ce moment, nous n’avions pas de drone spécifique pour effectuer des vols en intérieur. Nous étions en phase de test sur des accessoires complémentaires pour protéger les hélices. Nous avions déjà réalisé des vol dans des bâtiments mais jamais en site souterrain. Le pilote qui a effectué cette mission a fait preuve d’une très bonne analyse des contraintes, d’une grande technicité mais également de sang froid. Nous avons compris que ces vols demandaient une montée en compétences pour garantir l’intégrité du drone et la réussite de la mission.
HM : Quels sont les difficultés qui ont été relevées ?
SB : La principale contrainte est l’absence de satellites GPS pour stabiliser le drone. Cela induit un effet de glissement horizontal. La hauteur de vol ne varie en revanche que très peu. Il y a également le risque de collision avec les parois et le relief. Dans ce cas précis, les dimensions assez grandes de la cavité nous ont permis une grande liberté. Ce qui n’est pas habituellement le cas.
HM : Et la liaison radio ?
SB : La transmission du signal entre le drone et la radiocommande est également à prendre en compte. Ici le pilote était en vue directe du drone. Cette mission a aussi mis en évidence la présence de poussières sur le retour vidéo. A tel point qu’elle rendait difficile l’utilisation du projecteur car avec des points très lumineux à l’écran, le drone compensait et l’image devenait sombre.
HM : Est-il envisagé de voler dans les parties non aménagées du gouffre ?
SB : Cette partie est accessible avec un guide, il y a donc un risque d’accident. Nous analysons cette possibilité pour adapter notre équipement. Nous réfléchissons aux possibilités techniques et aux coûts que cela représente pour rationaliser nos équipements.
HM : Il y a des formations de cristaux exceptionnelles dans le gouffre. Y voler avec un drone ne présente pas de risque pour le site ?
SB : Ce risque est pris en compte lors du vol par la mise en place d’un opérateur sécurité. Nos équipes sont engagés par binômes, a minima. Le dispositif est adapté systématiquement en fonction du site et de ses contraintes. Le pilote vole avec des marges de sécurité qui sont identifiées, et les points présentant un risque sont évalués avec l’aide de l’exploitant. Nous convenons ainsi d’un volume de vol exclusif sans possibilité d’en sortir. Nous identifions aussi les zones interdites dans lesquelles nous volons exclusivement à basse vitesse.
HM : Faut-il des connaissances spécifiques pour évoluer dans un environnement comme le gouffre de Cabrespine ?
SB : Il n’y a pas actuellement de connaissance spécifique à détenir. Toutefois nous avons mis en place un entraînement dans ce lieu pour familiariser les pilotes à ses contraintes et ses difficultés. L’exploitant nous partage ses connaissances, que nous mettons à profit lors des vols. Nous prévoyons tous les ans ce type de vol pour améliorer notre technicité, notre dextérité, de telle sorte que nous puissions piloter avec sérénité dans cet environnement si particulier.
HM : Vous travaillez en partenariat avec le Spéléo Secours Français (SSF). De quoi s’agit-il ?
SB : Le secours en milieu souterrain est une particularité. Les sapeurs-pompiers, même si ils possèdent des spécialistes, ont règlementairement une fonction d’appui des secouristes du Spéléo Secours Français qui a la responsabilité de l’intervention en milieu souterrain. Toutefois le maillage des secours sapeurs-pompiers permet une mise en place plus rapide et un soutien logistique important dans ce type d’intervention, qui sont la plupart du temps de longue durée. Comme souvent dans les développements, c’est une rencontre et un échange entre personnes. On se parle, on écoute, on échange et on initie un travail avec un but commun. C’est une belle collaboration en perspective. L’équipe ERT met en place une collaboration avec le SSF local afin de développer de nouvelles compétences dans le but de réaliser une documentation opérationnelle en 3D grâce aux nouvelles technologies. L’idée est de réaliser la modélisation de cavité afin de faciliter la mise en place des secours par la visite virtuelle des lieux pour les primo-intervenants. Nous débutons ce travail en collaboration avec Christian Amiel président adjoint du Comité de Spéléologie Régional Occitanie.