Les drones et le Forum Innovation Défense (FID) 2023
Le ministère des Armées a organisé la 4e édition du Forum innovation défense (FID) du 23 au 25 novembre à Paris, Porte de Versailles. L’événement a « rassemblé les professionnels et le grand public autour de projets d’innovation et d’expériences phares ».
Parmi les projets présentés au FID 2023 ?
Il y avait Libellule, « une solution de livraison de bouées de sauvetage et de défibrillateurs par drone automatique, sans pilote, hors de portée de vue et en milieu urbain. Intégrant une technologie d’intelligence artificielle permettant la détection et le suivi de la victime, le drone crée son plan de vol avant de se rendre automatiquement sur la zone d’intervention. À terme, le projet devrait aboutir à la livraison de défibrillateurs semi-automatiques. Le projet est porté par la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris et la société Azur Drones ».
Il y avait aussi Assydus, « un leurrage passif par l’utilisation d’un essaim de drones par les opérationnels permet[tant] de mettre en œuvre des systèmes adaptés à l’obtention de renseignements dans des zones difficilement accessibles. Le cas d’usage considéré dans le projet ASSYDUS est le leurrage passif d’un radar adverse en faisant passer un essaim de drones autonome pour un seul aéronef de plus grande envergure et substantiellement plus menaçant. Le projet est développé par Thales group et le laboratoire universitaire de Bordeaux : Laboratoire de recherche en informatique (LaBRI) ».
Enfin, il y avait le projet SéSé porté par le centre d’expertise et d’essais DGA Essais en vol, « un dispositif d’écoute de ce signalement électronique, bas coût, embarqué sur des hélicoptères pour la prévention des risques d’abordage. Le projet consiste en un assemblage de briques technologiques et algorithmiques existantes afin de créer une nouvelle solution pour améliorer la prévention d’abordage, le travail aérien collaboratif hélicoptère/drone et la lutte anti-drone ».
Le projet SéSé a remporté le trophée des innovateurs de la défense 2023 sur la thématique Opérations Air & Espace. J’ai interrogé à ce sujet Thibaut, en charge du projet à la DGA, qui a pris le temps de répondre à mes questions.
Helicomicro : Ma question est simple ! Qu’est-ce que le projet SéSé ?
Thibaut : Ce projet a débuté en 2019, parce qu’on constaté une multiplication du risque d’abordage vraiment marquée entre les drones civils et les hélicoptères des autorités d’emploi. Nous voulions trouver un système simple, facilement intégrable sur un hélicoptère, adapté à l’environnement de travail des pilotes, qui puisse leur permettre d’avoir une bonne conscience de la position des drones aux alentours. Le but n’était pas de simplement fournir une carte, mais de donner suffisamment de temps aux pilotes pour bien comprendre la situation et éventuellement d’effectuer une manœuvre d’évitement.
HM : Quelle est la solution retenue ?
T : On a évalué toutes les technologies qui pouvaient répondre à ce besoin. On a choisi le signalement électronique français, parce qu’il était surtout porté par des raisons de sûreté au profit des forces de la sécurité intérieure. Nous voulions voir si on pouvait utiliser ce signalement électronique pour la prévention d’abordage entre hélicoptères et drones.
HM : C’est pertinent, le signalement électronique ?
T : Ce projet est incrémental. La première étape a consisté à démontrer la possibilité d’afficher la position d’un drone dans l’environnement de travail des pilotes sans avoir à rajouter un écran dans le cockpit, déjà bien encombré. La deuxième étape a été d’effectuer des essais au sol avec des drones équipés du signalement électronique français pour évaluer la performance du système.
HM : Quelle a été la principale difficulté ?
T : Nous avons travaillé avec toutes nos équipes de concepteurs, d’intégrateurs, d’experts navigabilité, nos pilotes d’essai et nos contrôleurs aériens pour développer un système qui soit miniature, durci, sécurisé, pour pouvoir l’intégrer dans notre hélicoptère, un Fennec.
HM : C’est donc une sorte de preuve de concept…
T : Il s’agit d’un travail de fond qui a été réalisé en 2022 pour aboutir à un essai en vol. Il a permis de démontrer que le signalement électronique, avec des antennes optimisées et placées dans des endroits spécifiques de l’aéronef, pouvait permettre aux pilotes d’avoir suffisamment de temps pour prendre des décisions.
HM : Le signalement électronique est tout de même limité aux drones de plus de 800 grammes et aux pilotes coopératifs…
T : Oui, mais comme la détection visuelle des drones est très compliquée à bord d’un hélicoptère, le système SéSé est à considérer comme une aide, un bonus pour le pilote.
HM : Le dispositif va-t-il être étendu à l’identification directe à distance européenne ?
T : Naturellement, oui, c’est une évolution qui est envisagée.
HM : Et à des outils de détection qui ne reposent pas sur la coopération des pilotes de drones ?
T : Oui, on développe des systèmes qui permettent de faire de l’écoute des drones non coopératifs, au sens qu’ils ne sont pas équipés du signalement électronique. Mais c’est un autre sujet, notre but est d’optimiser le rapport entre le bénéfice et le coût. Et j’insiste bien, c’est de la sécurité dont il est question, ce n’est pas la sûreté. Je ne cherche pas à retrouver le pilote du drone, je veux simplement savoir où se trouve le drone à l’instant T pour l’éviter.
HM : Le déploiement sur d’autres types d’hélicoptères est complexe ?
T : Oui, nous refaisons des analyses de risque, de sécurité, de navigabilité pour intégrer un nouveau système sur un porteur donné. Il faut réoptimiser l’emplacement des antennes, réoptimiser l’emplacement du module, il y a vraiment toute une procédure qui est à mettre en place pour garantir la sécurité de nos équipages quand on intègre un système externe dans l’aéronef.
HM : En conclusion, que signifie SéSé ?
T : C’est Système d’écoute du Signalement électronique !
Sources : plaquette FID2023 du Ministère des armées et actualités du ministère des armées
