Freeway Drone : un racer sur le Tour de France !

Cette année, l’agenda du Tour de France a été bousculé par la crise sanitaire de la Covid-19. Le départ sera donné le 29 août, décalé de deux mois par rapport au calendrier initial. Ce ne sera pas la seule nouveauté de ce Tour 2020 : on y verra des images tournées en drone racer ! Freeway Drone, qui réalise les images drones pour le Tour de France, s’est lancé une plongée en immersion dans les gorges de la Langouette. Pour suivre la Saine (oui, avec un a), dans le Jura, il fallait un appareil capable de se glisser dans un défilé étroit et profond, caché dans la forêt. C’était le cadre rêvé pour faire intervenir un racer. J’ai interrogé le cofondateur de Freeway Drone, Michael Gisselere, que vous connaissez bien désormais !

Helicomicro : Tu m’avais parlé de FPV racer il y a plusieurs années déjà, lorsque tu étais sur le Dakar en Amérique du Sud. L’outil n’était pas encore prêt à l’époque. C’est le cas maintenant ?
Michael Gisselere : Lors du Dakar, il est vrai que j’avais pensé à utiliser des drones racers afin de faire du suivi de voitures à des vitesses que les Inspire 2 de DJI ne sont pas capables d’atteindre. Mais il y a 3 ans, ce n’était pas trop la demande d’Amaury Sport Organisation (ASO) pour notre première collaboration avec eux. En revanche, je pense que les drones racers à l’époque étaient déjà assez performants pour pouvoir répondre à la demande. Aujourd’hui, la question ne se pose plus une seule seconde avec la camera GoPro Hero 8, les systèmes de stabilisation et l’amélioration des temps de vol.

HM : On verra peut-être des drones sur le prochain Dakar ?
MG : Maintenant que ASO me connait mieux, je vais proposer à la fois de l’Inspire 2 et du racer sur le prochain Dakar. Car ce qui est intéressant, c’est de pouvoir fournir un signal broadcast avec un drone racer !

HM : Pourquoi as-tu fait appel à un racer sur les tournages du Tour de France ?
MG : Pour cette édition du Tour de France, je voulais vraiment tourner une étape avec un drone racer. Mais pour cela il fallait une étape adaptée à cet outil de prise de vues, et surtout apporter quelque chose de plus. J’ai proposé au nouveau réalisateur du Tour de France, Anthony Forestier, de tourner une étape différemment des autres, comme un subjectif d’oiseau. Anthony a tout de suite donné son feu vert pour tourner cette étape avec un drone racer.

HM : Ce type d’images a-t-il été accepté facilement par l’organisation ?
MG : Oui, sans aucune difficulté. J’ai obtenu un feu vert de France TV de suite, il faut dire que c’est mon 8ème Tour de France et qu’ils ont entièrement confiance en moi. Je n’ai pas eu besoin de montrer un rush, je leur ai juste dit que c’était la meilleure et l’unique façon de filmer cette étape. Mais il est vrai que je prenais un risque et le pilote aussi, car l’endroit est tellement difficile d’accès pour un drone, il faut vraiment être très bon pilote pour envoyer un drone là-dedans ! Mais je suis très content du résultat final, j’ai vraiment obtenu ce que j’imaginais et je ne regrette pas mon choix. J’espère qu’on aura encore plus d’étapes l’année prochaine avec ce même type de configuration et que le racer prendra encore plus de place sur nos tournages.

HM : C’est un autre type de pilotage que celui auquel tu étais habitué ?
MG : J’ai fait appel à un pilote très expérimenté pour venir filmer dans les gorges. L’idée est faire de l’image pour le Tour de France, donc mon cahier des charges étaient de ne pas faire des loopings, il fallait emmener les gens sur le dos d’un oiseau pour leur montrer des choses inaccessibles. Les gorges de la Langouette sont profondes de 47 mètres, très encaissées et impossible à filmer avec un autre drone tellement c’est étroit. En plus il y a des ninjas partout là-dedans !

HM : Tu as fait appel à d’autres pilotes que ceux avec lesquels tu travaillent habituellement ?
MG : J’ai fait appel à Arthur Maneint, référencé par Benoit Finck. Nos pilotes chez Freeway ont chacun leur spécialité. Il y a les gros porteurs, les Inspire 2, etc. J’avais fait un repérage technique dans les gorges et j’ai tout de suite vu le potentiel du drone racer sur cette étape. Arthur a été parfait et à la hauteur. Il fallait de l’expérience pour envoyer un racer dans ces gorges encaissées et très étroites avec une rivière en-dessous. Il y avait un risque de faire tomber le drone, de taper un rocher ou d’accrocher une branche.

HM : Ce sont des nouvelles compétences ?
MG : Oui, je suis convaincu que ce sont des nouvelles compétences, une nouvelle technique de prise de vues qui a évolué et qui est aujourd’hui considérée à part entière. Il est possible aujourd’hui de faire du direct avec un retour 1080i, donc je réfléchis à proposer du drone racer non seulement sur le Dakar mais pourquoi pas sur Ironman à Hawaï. Chez Freeway, c’est un outil que l’on propose depuis 2 ans. Je le considère comme un outil de prise de vues et ce que je vois dans mon cadre me donne le frisson, ce sont des images uniques que seul ce type de drone peut nous donner. Maintenant il faut avoir un très bon pilote au bout des sticks, et utiliser le racer de manière modérée en fonction de la demande.

HM : Quel type de caméra utilises-tu avec les racers ? GoPro ? Insta360 ?
MG : Je laisse le pilote choisir la caméra qu’il veut mettre en fonction de ce que je veux obtenir. Moi ce qui importe, c’est le résultat. Pour ce tournage, nous avons utilisé une GoPro Hero 8 sur le racer. Les images ont été stabilisées en post-production, Arthur s’est occupé de cela avec Reelsteady GO. Je m’occupe d’étalonner les images pour le Tour de France et de réaliser la sélection des plans à livrer à France TV. Je ne voulais surtout pas avoir des plans « vomito » et ça, le pilote l’a bien compris ! Comme c’est la première fois qu’on utilise des racers sur le Tour de France, il fallait y aller progressivement et faire aimer ce type de prises de vues. Je suis très content du résultat visuel et du rendu des images.

HM : Y a-t-il des difficultés techniques ?
MG : La vraie difficulté rencontrée, ce sont les contrastes très prononcés dans les gorges. Mais c’est assez facilement rattrapable en post-production. Une autre difficulté de ce type d’images est le montage. Il est complexe de trouver des cuts dans des plans séquences filmés en grand angle. Mais France TV est au courant, donc je suis sûr qu’ils trouveront la bonne astuce, qui consiste à laisser les plans sans les couper ! Avec un bon étalonnage et des LUTs bien choisis, ce n’est pas trop difficile de mixer des images de racers avec d’autres en provenance de plus gros porteurs. Ce qui est moins évident, c’est de couper les plans racer avec des plans sol ou des plans plus traditionnels. Mais encore une fois, avec des effets de transition, ça passe tout seul.

HM : Le Tour de France est-il très exigeant ?
MG : Oui, la difficulté supplémentaire pour le Tour de France, c’est qu’il faut raccorder les images de racer avec celle des hélicoptères en direct qui filmeront les gorges d’assez haut. Comme les hélicos ne verront rien à part des arbres tellement le site est encaissé, j’ai demandé à mon pilote un plan bien spécifique. Il fallait démarrer de haut, voir les montagnes du Jura et ensuite plonger dans les gorges en passant au milieu des arbres pour nous faire voir ce que les hélicos ne peuvent pas montrer. Le plan est super et j’espère qu’il sera monté comme ça !

HM : La réglementation et les racers, c’est un challenge de plus pour les demandes d’autorisations ?
MG : Pas vraiment, les démarches sont les mêmes que pour les autres drones, seule la machine change. Le racer utilisé pour la prestation doit être déclaré. C’est au moment d’effectuer la prestation que le procédé est différent, car pour pouvoir piloter en FPV légalement, il faut être accompagné d’un deuxième télépilote professionnel, qui surveille le drone à vue. La présence d’un deuxième pilote FPV qui sait parfaitement contrôler un racer et qui connait bien ces machines est un vrai plus pour les tournages complexes avec de nombreux acteurs, des sportifs, ou des environnements complexes, il permet de guider le pilote et contrôler la zone de sécurité en permanence pour éviter tout accident. Il faut toujours garder a l’esprit que ce sont des engins bien plus dangereux qu’un Mavic et qu’il convient de prendre toutes les précautions nécessaires au bon déroulement des tournages !

HM : La conformité avec la réglementation nécessite un peu de travail sur l’électronique de bord… Quel type d’appareil utilises-tu pour les tournages en racer ?
MG : Arthur a utilisé le Corsair de chez Studiosport pour quelques prestations, mais toutes ses machines sont désormais déclarées et équipées d’un GPS et d’un baromètre, ce qui lui permet de voler légalement en racer dans un cadre professionnel. Pour résumer, pour les pros concernant les drones de moins de 2 kg, les conditions techniques applicables principales en S1 et S3 sont une information d’altitude avec un baromètre, une altitude maximum programmable, une extinction des moteurs avec la télécommande, et un mode failsafe au GPS. Arthur utilise différents drones selon les tournages, il y en a de type Cinewhoop pour les shooting en intérieur et à proximité de personnes, et différentes typologies en 5 et 6 pouces qui permettent de porter différentes caméras en fonction des besoins et budgets des tournages.

HM : Quelles évolutions attends-tu des racers de prises de vues ? Des caméras plus haut de gamme ?
MG : Comme pour la plupart des drones, j’aimerais plus de temps de vol sur les machines, de pouvoir emmener de gros capteurs. Ca, c’est la limite du drone racer. Oui, j’aimerais des caméras plus haut de gamme mais sans réduire le temps de vol, la vitesse ni augmenter la prise au vent. Emmener des caméras haut de gamme, c’est bien, mais les risques pris avec les racers sont plus importants qu’avec un drone classique. Ce n’est donc pas forcement le bon choix, d’autant que la GoPro Hero 8 fait bien le job pour l’instant ! Je préfère conserver le principal atout de ces drones, qui consiste à se faufiler partout et voler très vite. Techniquement, nous pouvons proposer du live avec certaines machines et j’ai déjà des petites idées pour ASO et France TV.

HM : Peut-on rêver de prises de vues avec un racer sur des épreuves rapides du Tour de France, comme une immersion derrière les compétiteurs dans les descentes de cols à tombeau ouvert ?
MG : Moi, j’en rêve et je sais que techniquement parlant cela est possible, mais il faut convaincre ASO car sur un événement sportif comme le Tour de France diffusé dans 190 pays devant 3,5 milliards de téléspectateurs (source ASO), il n’est pas question que le racer aille taper dans le pédalier de Froome et l’entraine dans une chute ! L’intérêt du racer sur une étape sportive est d’être au contact, mais c’est contraire aux règles de sécurité. C’est la toute la difficulté ! Sur un Dakar, en revanche, pas de problème et je pense que le drone racer est vraiment un outil formidable pour les suivis de voitures et autres sports mécaniques.

HM : Et tout ça en live, bientôt ?
MG : Oui ! Tout ça en live !

Quelques cuts de Freeway Drone

 

3 commentaires sur “Freeway Drone : un racer sur le Tour de France !

  1. Très intéressant, merci, mais on les verra quand ces images ? A priori ce sera diffusé en direct pendant une étape du Tour 2020, dans le Jura ? La video à la fin c’est une démo ?

  2. @ DronePro : On parle de l’acceptation des racers par la production de gros événements, et c’est nouveau…

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