Drones et lutte contre les fraudes à l’urbanisme, la suite

Jean-Louis Masson, sénateur de Moselle
Crédit photo Jean-Louis Masson

Nous vous avions parlé, en décembre 2016, d’une question adressée au gouvernement par le sénateur de la Moselle, Jean-Louis Masson. Pour faire simple, il demandait s’il était possible pour une commune de faire appel à des drones pour procéder à des contrôles d’infractions à l’urbanisme. En l’absence de réponse, il a posé à nouveau sa question le 5 octobre 2017. Il a donc fallu plus d’un an pour obtenir une réaction ministérielle !

Un rappel des textes

La réponse, publiée au Journal Officiel du Sénat du 11 janvier 2018, figure page 95. Elle reprend les règles appliquées à l’usage d’un drone pour une Activité Particulière, c’est-à-dire à titre professionnel, en principalement en scénario S-3 (en zone peuplée). Elle insiste sur le principe de « licéité de la preuve » : il faut que les conditions d’obtention des preuves d’infractions aient été obtenues de manière légale pour être utilisables. La réponse indique que la captation d’images par des policiers dans un lieu inaccessible depuis la voie publique est réglementée par l’article 706-96 du code de procédure pénale (voir ici). Lequel ne propose pas, dans ses dispositions (voir ici), la prise en charge d’infractions au code de l’urbanisme. La réponse conclut logiquement que le constat d’une infraction depuis les airs peut être considéré comme illicite si la zone contrôlé (sic) est inaccessible aux regards.

C’est vrai ?

Ce n’est donc pas avec un drone qu’un propriétaire pourra être poursuivi pour une véranda montée sans autorisation et une piscine creusée à l’abri des regards ? Pas si sûr. La longue réponse publiée au JO du Sénat repose sur les deux arrêtés de 2015. Pourtant, dans le cas de l’usage d’un drone par les forces de l’ordre – rappelons par ailleurs que le maire et ses adjoints sont officiers de police judiciaire -, l’article qui peut s’appliquer est « l’arrêté du 24 décembre 2013 fixant les règles relatives à la conception et aux conditions d’utilisation des aéronefs militaires et des aéronefs appartenant à l’Etat et utilisés par les services de douanes, de sécurité publique et de sécurité civile qui circulent sans aucune personne à bord », à consulter ici. Les conditions d’usage selon cet arrêté sont contraignantes, mais très différentes de celles rappelées dans la réponse à Jean-Louis Masson.

Ce n’est pas tout

Le constat de l’infraction avec un drone n’est pas recevable si la zone contrôlée est inaccessible aux regards. Mais il ne faut pas oublier qu’un maire a obligation de faire dresser un procès verbal s’il a connaissance d’une infraction, selon l’article L.480-1 du code de l’urbanisme (voir ici). Par conséquent, si un vol pratiqué par les forces de l’ordre mettant en évidence une infraction ne peut pas être retenu contre le propriétaire indélicat, le maire en ayant connaissance est tout de même tenu d’en faire dresser procès verbal. Mais sans l’aide de drones, cette fois-ci, et probablement en s’appuyant sur le droit de visite, tel que décrit par l’article L.480-1, jusqu’à 2 ans après les travaux… Vous avez dit « compliqué », la réglementation française ?

17 commentaires sur “Drones et lutte contre les fraudes à l’urbanisme, la suite

  1. Pour les piscines et Véranda « gogole terre » en dit plus que les survols en drone.
    Un signe évident et là encore sans drone est la présence de palissades de plusieurs mètre de haut qui bien souvent cachent l’infraction…
    Si certains disent <> cet article montre bien que «  »construisons caché pour construire tranquille » » est favorisé par la législation !

  2. Si certains disent  » volons cachés, pour voler tranquilles  » cet article montre bien que ”construisons caché pour construire tranquille” est favorisé par la législation !

  3. Si le survol en drone n’est pas une preuve, l’image que celui-ci donne au maire n’en ai pas une non plus !
    Donc par conséquent elle n’est pas recevable et donc inexploitable par le maire.
    Mr le Maire en aura bien eu connaissance mais de manière illégale donc non lieu devant un tribunal, et avec un bon avocat, il peut même il y avoir des dommages et intérêts pour survol de propriété privée sans autorisation et exploitation des images à des fins lucratives.
    Oui oui c’est cela La France aussi.

  4. @ jbtniko : Le Maire n’a pas besoin de « preuve », mais à juste besoin « d’avoir connaissance que… ».
    Sinon…… Il ne faut pas croire qu’il faut une autorisation pour survoler une propriété privée !! Le code de l’aviation civile (art L-6211-1) l’autorise depuis toujours pour TOUS les aéronefs (les avions, les hélicos, les ULM, les drones, etc…). La seule différence, c’est que les aéronefs habités doivent respecter une hauteur mini de survol par rapport aux zones habitées (cf arrêté du 10/10/57), mais ceci ne s’applique pas aux drones (cf arrêté espace de 2015).
    Donc, si un hélico survole ta propriété privée à 50m hors agglo, ou un avion à 300m en agglo, tu ne peux pas les mettre au tribunal, tout comme le drone qui va survoler ta propriété privée en ou hors agglo.
    => Tu n’as pas de droits sur l’espace aérien utilisé par les aéronefs au-dessus de chez toi. La seule chose à prendre en compte est que ce drone ne doit réaliser des prises de vues sans autorisation de ta propriété (cf CNIL), et ne doit pas perturber tu usage paisible de ta propriété (en gros, ne pas faire du stationnaire à 10m au-dessus de chez toi).
    Halte aux légendes urbaines !!

  5. autant dire que ça ne pourra être mis en oeuvre qu’à l’extrême marge!

    Peut être que M Masson – qui doit avoir une idée derrière la tête (ou l’un de ses administré!) – mettra tout en oeuvre légalement une fois pour faire preuve d’efficacité… et peut être inciter à réviser les textes…
    bonne ou mauvaise chose? Big brother ou respect de la loi?

  6. @Fred1: merci pour ce rappel qui informera sûrement plusieurs lecteurs.
    Pour ma part ? cela fait 17 ans que je pilote de l’hélico RC et du multirotors, je suis au fait de tout ce qui est en rapport avec l’espace aérien.

  7. Tu sais, je crois qu’on est jamais au fait de tout ce qui est en rapport avec l’espace aérien. Pour ma part, ça fait plus de 30 ans que je vole (aéronefs habités et non habités, pro et loisirs), et j’en découvre encore 🙂
    De plus, j’ai déjà eu affaire à des personnes avec beaucoup d’ancienneté dans le monde RC, et qui soutiennent encore qu’on a pas le droit de voler jusqu’à 30 min après le coucher du soleil en drone, qu’on a pas le droit de voler dans son jardin en agglo, qu’on a pas le droit de voler en CTR civile sans autorisation, qu’on a pas le droit de voler au-dessus des propriété privées, etc…

  8. ils n’ont pas besoin de servir des photos aériennes comme pièce, il suffit que les impôts envoient une demande de régularisation au propriétaire en lui demandant s’il possède une piscine ou une extension, et si la réponse est négative, ils font un contrôle, sans préciser qu’ils ont vu une photo aérienne. Je ne pense pas qu’une personne en infraction refusera la régularisation pour risquer une amende.

  9. Si non y’a geoportail et les cadastres. Pourquoi un Drone quand on est photographié de l’espace ou des avions du territoire en permanence.
    Encore une fois, il est difficile d’echapper a l’œil d’un satellite ou d’un télé objectif.

  10. Le problème d’un satellite, c’est que les prises de vues ne sont pas forcément super à jour (parfois 1 an ou 2 de décalage). Avec un drone, tu as l’info en temps réel.

  11. @ Fred1 : Avec le service SpotMaps d’Airbus, tu peux avoir des clichés datant de 1 à 3 jours, avec des prix à partir de 500 €. Il ne faut pas se louper avec la couverture nuageuse, évidemment.

  12. bonjour ,
    @Fred1 navré de te contre dire mais le survol d un lieu d habitation par un drone de type civile est strictement interdit !
    L usage d un drone par les force de l ordre doit être fait dans un cadre précis avec des autorisations et non à leurs bon vouloir, de plus toute les infos qui peuvent être recueillis lors de c es interventions ne peuvent t être transmise à des personnes tiers (comme un maire ou un journaliste par exemple) se qui se qui rentrerais dans le cadre de la violation de la vie privée.
    Pour se qui est de la prise de vue aérienne (depuis un avion ou un hélico), elle est très réglementée également ! ne peut être fait que des clichés en plan large (genre un quartier complet) pour les clichés spécifique de type privé (photo d une propriété) il faut que la demande soit faite par le propriétaire et il faut une autorisation écrite de se dernier ! pour le reste il faut un mandat délivré par un juge et avoir un gros dossier pour qu il soit délivré. sinon il reste la solution de la « balade » en hélico par Mr le maire qui constate une possibilité d infraction et fait faire un contrôle par la suite .
    ou alors plus simple si Mr le maire le souhaite, il peut faire une enquête de voisinage ^^ il auras toujours un « gentil voisin » pour dire qu il a vus passé des palette de parpaing ou un camion avec une piscine ^^

    Bien amicalement.

  13. @ Axel :
    Relis bien la loi… Arrêté espace 2015, article 5.1. Cet article indique que le survol de zones « publiques » est interdit. Mais le survol de zones « privées » est bien sûr autorisé. Cela est bien sur confirmé par le guide DGAC concernant les drones de loisir dans son article 5.1, ainsi que dans la lettre qui a été faite aux maires de France.
    Je rappelle que c’est suite aux demandes des dronistes (suite à l’arrêté de 2012) que la loi a changé avec l’arrêté de 2015, permettant le vol au-dessus de sa propriété, et cela même en agglomération !
    Pour tout le reste de ton message (prises de vues et usage des drones d’Etat), je suis complètement d’accord avec toi 😉

  14. Je précise que le survol par un drone civil d’une propriété privé qui n’est pas celle du télépilote est aussi autorisé (cf mon premier message plus haut). La loi est claire là-dessus (code de l’aviation civile qui autorise le survol du territoire Fr (zone publique et privée) pour TOUS les aéronefs, et arrêté drone qui précise bien que les restrictions de survol au-dessus des agglomérations ne s’appliquent pas aux drones civils). La problématique repose par contre sur la captation d’images qui elle peut empêcher le survol d’une propriété privée si le propriétaire n’a pas donné son accord pour cette captation d’images.

  15. @ axel : Le process de découverte et de preuve de constructions illégales n’est pas possible avec un seul drone, c’était la teneur de la réponse du ministère au Sénat. Mais il faut simplement comprendre que le drone n’est pas une fin en soi, simplement un outil. Le survol d’une habitation n’est pas nécessaire pour découvrir l’existence de bâtis illégaux, il suffit d’être à distance et en hauteur. Filmer des propriétés privées n’est pas interdit dans la mesure où il s’agit de vues globales – je renvoie à l’excellent ouvrage de Joëlle Verbrugge sur le droit à l’image, qui donne de nombreux exemples de jurisprudences dans le domaine. Les prises de vues aériennes globales permettent de voir, pas d’obtenir des preuves. Il n’y a dans ce cas pas de notion de licéité autre que celle du vol. Lorsqu’un maire est averti d’une possible infraction, il est tenu procéder à des vérifications. Il n’y a pas besoin de licéité de cet avertissement. La partie vérification fait appel aux outils habituels, dont le droit de visite, et les drones ne sont pas dans la boucle.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

×