Dans le Queyras : est-il possible de piloter un drone en catégorie Ouverte ?
Les vacances approchent, vous allez peut-être visiter le Queyras et prendre votre drone pour réaliser de belles images aériennes. Dans ce cas, prenez le temps de lire ce qui suit pour éviter les ennuis… Le Queyras s’étend de Guillestre à l’ouest vers la frontière italienne à l’est, du col de l’Izoard au nord aux Alpes de Haute Provence au sud.
Les parcs naturels nationaux sont interdits de vol en drone, mais le Queyras est un parc naturel régional : cette caractérisation n’entraine pas d’interdiction de vol en drone. Alors, est-ce un énorme et magnifique terrain de jeu en drone avec plusieurs sommets de plus de 3000 mètres ?
Le premier réflexe avant de voler…

C’est bien sûr de consulter la carte Geoportail restrictions UAS Catégorie Ouverte et aéromodélisme. Bonne nouvelle, le Queyras est globalement indiqué comme praticable jusqu’à 50 ou 120 mètres de hauteur selon les endroits, sauf dans la Réserve naturelle de Ristolas – Mont Viso, interdite de survol et quelques agglomérations. Encourageant !
Surprise en arrivant sur place…
Sur les principaux sites touristiques a été ajoutée une signalisation sous la forme d’un panneau jaune indiquant clairement une interdiction d’utilisation de drones. Whaaat ? La plupart des panneaux suivent le même modèle : ils indiquent que « Au-dessus des lacs, troupeaux, faune sauvage et chalets d’alpage », les vols sont interdits. Et ajoutent la mention à l’existence d’un arrêté municipal.
De quoi s’agit-il ?
Les réponses se trouvent sur le site du Parc naturel régional du Queyras, dans la section « Visiter le parc », puis « Le survol en drone ». Là sont rappelées certaines des règles de base de l’usage d’un drone. Elles ont été reprises de la notice livrée avec les drones et du guide de la catégorie Ouverte.
Mais elles ajoutent des mentions surprenantes comme « La formation pour les pilotes de loisir est également étendue et renforcée pour les drones de plus de 900 g »… qui n’a pas de base réglementaire !
La partie la plus importante ?
Ce sont les liens vers 7 arrêtés municipaux, ceux d’Abriès-Ristolas, d’Aiguilles, d’Arvieux, de Ceillac, de Château-Ville-Vieille, de Molines-en-Queyras et de Saint-Véran, qui se trouvent en bas de la page. Voici ce qu’indiquent ces arrêtés :
Ceux d’Abriès-Ristolas, d’Aiguilles et d’Arvieux reprennent les grandes lignes indiquées par le site du parc naturel du Queyras :
« Sauf autorisation municipal express et dûment motivée, l’utilisation à des fins de loisirs du domaine public pour le décollage, le pilotage et l’atterrissage d’engin volant téléguidé y compris lorsque le pilote a accompli la formalité de déclaration préalable vis-à-vis des services de l’Etat compétent, est rigoureusement interdite à moins de 200 m de la faune sauvage – notamment ongulés, oiseaux rupestres, tétraonidés – des refuges, des lacs, des cabanes et chalets d’alpage, du bétail ainsi que des animaux de protection et de conduite des troupeaux… ». L’orthographe varie sensiblement selon les arrêtés.
Celui de Ceillac reprend aussi les grandes lignes indiquées par le site du parc naturel du Queyras, mais y ajoute un rappel concernant la réserve naturelle de Ristolas Mont Viso :
Les vols sont interdits « – Dans le périmètre de la réserve naturelle de Ristolas Mont Viso – A moins de 200 m de la faune sauvage – notamment ongulé, oiseau rupestre, tétraonidé -, des refuges, des lacs, des cabanes et chalets d’alpages, du bétail ainsi que des animaux de protection et de conduite des troupeaux ». Ils sont donc autorisés, pour le loisir, sur le reste de la commune de Ceillac
Celui de Saint-Véran reprend ceux d’Abriès-Ristolas, d’Aiguilles, d’Arvieux pour la plus grande partie de l’année, mais ajoute une interdiction globale pendant l’été :
« Sauf autorisation municipale express et dument motivée, l’utilisation du domaine public pour le décollage le pilotage et l’atterrissage d’engin volant téléguidé y compris lorsque le pilote a accompli la formalité de déclaration préalable vis-à-vis des services de l’État compétent, est rigoureusement interdite entre le 1er juin et le 30 septembre ».
Ceux de Château-Ville-Vieille et de Molines en Queyras sont les plus durs, l’interdiction est totale et tout le temps :
« Sauf autorisation municipale express et dument motivée, l’utilisation du domaine public pour le décollage, le pilotage et l’atterrissage d’engin volant téléguidé y compris lorsque le pilote a accompli la formalité de déclaration préalable vis-à-vis des services de l’Etat compétent, est rigoureusement interdite ».
Les raisons indiquées par les mairies ?
Il y a, entre autres raisons :
« l’affluence touristique particulièrement sur les berges des lacs et les sites les plus fréquentés, et les nuisances, tant visuelles que sonores générées par la présences d’engins volants de nature à troubler la tranquillité publique »
- « la nécessité de prévenir par des précautions convenables la chute accidentelle de drones sur les usagers du domaine public (touristes, randonneurs, skieurs et randonneurs à raquette en période hivernale) »
- « la situation de stress que peut engendrer le survol sur la faune sauvage et la perturbation que cela peut causer notamment en période de reproduction, d’élevage des jeunes et d’hivernage, considérant la vocation pastorale du Queyras, l’attrait de cette image, le dérangement induit par le survol sur le troupeau et le métier de berger ainsi que les risques encourus en cas de chute de drones »
Pourquoi ces arrêtés municipaux ?
Dans la mesure où il n’y a pas de disposition propre aux parcs naturels régionaux ni d’arrêté préfectoral qui limiterait ou interdirait les vols en drone, les mairies se sont adaptées. Les maires n’ayant pas de prérogatives sur l’espace aérien, ils ne peuvent pas interdire le survol en drone (articles R6211-7 et R6211-8 du code des transports). Cela dit, ça n’a pas empêché pas la mairie de Ceillac de publier tout de même un arrêté interdisant les survols en-dessous de 300 mètres !
Ce que peuvent faire les mairies, en revanche, c’est interdire l’usage de l’espace public de la commune, au sol, pour opérer le drone. En clair, pas de décollage ni d’atterrissage, ni d’activité de pilotage. Et c’est précisément cette méthode qui est utilisée dans les arrêtés municipaux.
Pour alléger la mesure, certaines mairies associent cette interdiction à une période de l’année et/ou une distance de sécurité de 200 mètres. C’est pertinent ? Veiller à respecter une distance de 200 mètres par rapport à un chalet ou un lac, c’est possible même si ce n’est pas facile à mesurer en pratique. S’assurer d’être à plus de 200 mètres d’animaux sauvages, en revanche, c’est tout simplement impossible pour des raisons assez évidentes.
Notez que ces arrêtés s’appuient sur la notion de drones pour le loisir, alors que la réglementation européenne ne fait pas de différence entre les usages, préférant se baser sur la dangerosité des appareils et le classement en catégories Ouverte, Spécifique et Certifiée.
Les arrêtés s’accordent à indiquer que les vols sont possibles sachant que « dans un cadre professionnel, de manifestation ou ou avec un objectif promotionnel (couverture de manifestations, promotion touristique, suivi scientifique, travail artistique, etc.) l’avis de la commune doit être recueilli ».
Quelles sont les peines encourues ?
Le décret n°2022-185 du 15 février 2022 indique qu’une infraction à un arrêté municipal est punie d’une amende de 2e classe, soit 35 € (et jusqu’à 150 €). La confiscation de l’appareil peut être décidée. Les arrêtés municipaux se réfèrent aux articles L6232-12 et 13 du code des transports, pourtant ils ne concernent pas les zones interdites par les municipalités.
Le survol illégal d’un coeur de parc national est puni d’une contravention de 5e classe, soit jusqu’à 1500 € ou 3000 € en cas de récidive, selon l’article R331-68 du code de l’environnement. Même peine pour le survol illégal d’un réserve naturelle, selon l’article R332-74 du code de l’environnement. C’est une contravention de 4e classe, soit 135 € (et jusqu’à 750 €) pour le survol d’une zone biotope, selon l’article R415-1 du code de l’environnement. Lequel punit de la même manière le fait de « perturber de manière intentionnelle des espèces animales non domestiques protégées ».
Le trou dans la raquette ?
Les arrêtés municipaux ne concernent que l’usage de l’espace public. Si vous vous trouvez sur un espace privé avec l’autorisation de l’occupant, rien ne vous empêche de décoller… et d’aller voler au-dessus de l’espace public, y compris sans respecter la distance de sécurité de 200 mètres. La proximité dépend de la classe du drone, et dans le cas de la classe C2 également de la formation effectuée ! Cela étant dit, en pratique, c’est mission impossible que d’aller consulter le cadastre pour caractériser une parcelle, puis trouver l’occupant et enfin lui demander l’autorisation de décoller et atterrir.
Les trous dans Geoportail ?

La carte Geoportail restrictions UAS Catégorie Ouverte et aéromodélisme est une fois de plus en défaut. Elle indique une hauteur de vol limitée à 50 mètres sur une bonne partie du Queyras (explications un peu plus bas), une interdiction au-dessus de la Réserve naturelle de Ristolas – Mont Viso, des interdictions au-dessus de certaines agglomérations… mais aucune interdiction correspondant aux 7 arrêtés municipaux ! Dommage.
Et pour enfoncer le clou (des trous de Geoportail)…

La zone indiquée à 50 mètres de hauteur max sur Geoportail, en orange, correspond au SEBAH Briançon (Secteur d’Entrainement Basse Altitude Hélicoptère). On le visualise mieux avec le service FlyBy d’ASD. Or depuis le 1er janvier 2022, les SEBAH ne sont plus soumis à une restriction de hauteur, les drones peuvent y évoluer jusqu’à 120 mètres (voir ici).
Une particularité tout de même : dans un SEBAH, il faut notifier le vol sur AlphaTango mais uniquement lorsque le drone pèse plus de 900 grammes. A savoir : des hélicoptères militaires sont susceptibles d’évoluer à très basse altitude, il est donc important d’écouter et de regarder avant et pendant un vol en drone.
Au final et pour résumer simplement : sur la plus grande partie du Queyras, les infos de Geoportail sont erronées. D’une part parce que la zone indiquée en orange (50 mètres max) n’a pas lieu d’être, d’autre part parce que les zones concernées par les arrêtés municipaux en sont absentes…
Ce qu’il faut en retenir ?
Sur 7 communes du Queyras, les mairies ont décrété des interdictions de décollage de drones, totales ou partielles. Malgré le fait que Geoportail restrictions UAS Catégorie Ouverte et aéromodélisme ne les indique pas, il peut vous être reproché d’y voler. Des panneaux matérialisent ces interdictions sur le terrain. Ce sont des indices qui doivent vous inviter à vérifier les arrêtés municipaux en vigueur à cet endroit.
Attention aussi au ressenti des vols en drones par la population. Car même si vous volez en conformité avec la loi, par exemple depuis un espace privé ou avec une distance de sécurité suffisante, sachez que tout le monde voit ces panneaux et que vous risquez d’être pris à parti par des citoyens mécontents.
Ces interdictions seront-elles matérialisées sur des cartes ? Il est peu probable que Geoportail les affiche, la représentation du Queyras restera fausse pour quelques temps encore, et c’est regrettable. Les services privés spécialisés dans les cartes destinées aux usages drones auront toutes les peines à les indiquer avec précision, la tâche est particulièrement complexe. Bref, à vous d’être prudent…
Merci à François Herry – je vous recommande son tour d’horizon particulièrement complet et précis des conditions de vol en drone dans les espaces naturels, à lire ici !
Ça y est les interdictions commencent en montagne 😱😡 ,je sens que d’autres communes vont faire pareil dans peu de temps . La mort du drone de loisir d’ici quelques années malheureusement.
Je suis proche de la réserve du Mont Viso par l’Italie et volé a proximité, sans problèmes même avec les gens du coin, par contre Châteaux Queyras et Arvieux sont de beaux villages et n’importe quel droniste serais tenté de voler et entendre ou voir des drones évoluer toute la journée ça dois être chiant, dans mon bled c’est pareil, tu vois des mavic évoluer au dessus du village assez souvent, ça deviens une sorte de mode.