La psychose des drones aux Etats-Unis, le syndrome Gatwick et Trump

psychose des dronesUne nouvelle psychose des drones se développe aux Etats-Unis. En effet, des drones malveillants squattent les actualités nord-américaines depuis quelques semaines. Elles se basent sur de nombreux témoins qui assurent avoir vu des drones, parfois de grande taille, dans le New Jersey, sans pouvoir les identifier ni retrouver leur pilote.

Il n’en fallait pas moins pour que les réseaux sociaux s’emparent des témoignages et que la presse s’en fasse l’écho, en distillant des explications très anxiogènes.

Le syndrome Gatwick ?

psychose drones usa 2024 01Pour mémoire, des témoins avaient vu des drones voler sur l’aéroport de Gatwick en au Royaume-Uni fin 2018. Bien qu’aucun appareil n’ait été détecté malgré de gros moyens technologiques et humains mis en oeuvre pour les trouver, de nombreux vols ont été annulés ou déroutés, avec à la clé une facture salée pour les acteurs de l’aéronautique. A ce jour, il n’y a toujours aucun élément qui prouve la présence de drones à Gatwick. 

psychose drones usa 2024 02Ce n’est pas une première, il y avait eu la psychose des drones au-dessus des centrales nucléaires et des bases militaires en 2016. La plupart des témoignages, y compris ceux considérés comme solides, n’ont pas tenu après enquêtes (voir ici et ). Mais le mal médiatique était fait : l’emballement a mené à un durcissement réglementaire, notamment la loi dite drone de 2016, à laquelle on doit la ridicule obligation d’emporter deux outils électroniques simultanément à bord d’un drone de plus de 800 grammes.

Une psychose des drones aux Etats-Unis ?

psychose drones usa 2024 03Plusieurs vidéos ont été postées sur les réseaux sociaux, supposées apporter la preuve que des drones malveillants rôdent le ciel de la cote Est des Etats-Unis. Mais la plupart ont été « débunkées » : les témoins ont filmé des appareils habités, le prenant par erreur pour des drones. 

Comme par exemple celle-ci qui montre un Boeing 737 Max 9, ou celle-là avec un Pilatus PC-12. Il faut ajouter qu’il y a fort peu de chances que des drones malveillants et secrets volent toutes lumières allumées… 

Les politiques dans la danse

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John Kirby.

La Maison Blanche a tardé à commenté ces actualités. L’un de ses porte-parole spécialisé dans la sécurité intérieure, John Kirby, s’est cantonné à indiquer qu’il n’avait aucun élément permettant de confirmer la présence de drones illégaux, et qu’un « grand nombre des observations signalées sont en fait des aéronefs pilotés qui opèrent en toute légalité ».

psychose drones usa 2024 04Cette communication inadaptée à la vitesse de propagation des messages sur les réseaux sociaux a ravi les opposants de l’administration Biden !

Chris Smith, un membre du Congrès, a donné une conférence de presse pour demander aux autorités de faire la lumière sur les survols, et suggéré que des puissances étrangères pourraient être aux commandes des drones. Sans oublier de promettre une nouvelle loi pour faciliter la neutralisation d’un drone malveillant. 

psychose drones usa 2024 05Mais le plus virulent est le président élu Donald Trump, qui a publié un message sur son propre réseau social, Truth : « De mystérieuses observations de drones dans tout le pays. Cela peut-il vraiment se produire à l’insu de notre gouvernement ? Je ne le pense pas ! Il faut que le public le sache, et tout de suite. Sinon, abattez-les !!! ». Un flirt avec le conspirationnisme, fréquent chez Trump, pour gagner en audience. 

psychose drones usa 2024 06Il n’en est pas resté là, les (supposés) drones lui ont donné l’opportunité de publier une image produite par une I.A., montrant son opposant (chez les Républicains) Chris Christie. Ou comment les drones lui servent à se moquer de l’obésité de son opposant…

C’est un souci ?

Trump peut être considéré comme un modèle par ses sympathisants, et ses préconisations mises en oeuvre par le tout venant. L’antenne du FBI de Newark dans le New Jersey a publié un message expliquant que les supposés drones étaient le plus souvent d’autres appareils, habités. Et tenté d’expliquer que les abattre pouvait aboutir à une catastrophe.

La voix de Brendan Schulman

Cet ancien de DJI, désormais chez Boston Dynamics, a posté un long tweet pour décrire la situation, en tirant parti de son expérience dans les drones.

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Brendan Schulman.

« 1. Certaines personnes voient effectivement des drones. Il y a beaucoup de drones qui font des choses utiles, y compris la nuit. Les premiers rapports faisaient probablement état de drones. Dans certains cas, des drones sont lancés pour rechercher des drones, ce qui provoque une augmentation des opérations. Rien d’inquiétant.

2. Beaucoup de gens lèvent les yeux la nuit et observent de près le trafic aérien commercial pour la première fois de leur vie. Ils ne connaissent pas les feux de navigation (rouge/vert), les stroboscopes, les feux d’atterrissage ou l’aspect du trafic aérien à l’approche d’un aéroport à des kilomètres à la ronde.

3. psychose drones usa 2024 07Certaines personnes profitent manifestement de la situation pour créer des vidéos bidons, pour le plaisir ou pour le profit. Avec l’édition vidéo par IA et d’autres outils, certaines d’entre elles semblent très convaincantes. Rien d’inquiétant, mais c’est regrettable.

4. Dans l’ensemble, cela semble très similaire aux autres vagues d’observations de drones, que ce soit à Gatwick en 2018 ou au Colorado en 2020. L’ampleur est cette fois bien plus grande, peut-être parce que la région de New York est le plus grand environnement médiatique du monde. Le New Jersey possède l’espace aérien le plus fréquenté du pays. De très nombreuses photos et vidéos partagées, y compris par des « responsables », montrent clairement un trafic aérien commercial. Rien d’inquiétant ».

Et sa conclusion :

psychose drones usa 2024 08« Comme je l’ai dit à plusieurs reprises lorsque je travaillais sur la politique relative aux drones, toute observation présumée d’un drone nécessite une analyse des données avant que quiconque puisse tirer une conclusion, en raison de la fréquence à laquelle ils sont mal identifiés ». 

Parce qu’il y a, bien évidemment, des cas de drones opérés de manière illégale, dans un but malveillant ou par méconnaissance de la réglementation, les outils de détection (et de neutralisation) sont appelés à se développer pour opérer des levées de doute convaincantes. Un business qui compte déjà de nombreux acteurs et qui va manifestement encore se développer.

Le communiqué commun : DHS, FBI, FAA et DoD

psychose drones usa 2024 12Le 17 décembre 2024, le Departement of Homeland Security (DHS), le Federal Bureau of Investigation (FBI), la Federal Aviation Administration (FAA) et le Departement of Defense (DoD) ont publié un communiqué commun.

Ce qu’il faut en retenir ? « Après avoir examiné de près les données techniques et les informations fournies par les [témoins], nous estimons que les observations à ce jour comprennent une combinaison de drones commerciaux légaux, de drones amateurs et de drones des forces de l’ordre, ainsi que d’avions à voilure fixe habités, d’hélicoptères et d’étoiles signalées par erreur comme des drones. Nous n’avons rien identifié d’anormal et n’estimons pas que l’activité à ce jour présente un risque pour la sécurité nationale ou la sécurité publique au-dessus de l’espace aérien civil du New Jersey ou d’autres États du nord-est ». Ce communiqué ne réussira sans doute pas à convaincre ceux qui sont persuadés qu’ils sont sous la menace de drones malveillants.

Interdictions de vol par la FAA

psychose drones usa 2024 13La FAA a décidé d’interdire plusieurs zones de l’espace aérien aux drones au-dessus du New Jersey et New York, dans le but de répondre aux craintes et montrer qu’elle s’occupe de la situation. Peut-être aussi pour éviter les inévitables vols de pilotes qui auront trouvé un drone au pied du sapin, et qui seront mal renseignés au sujet de la réglementation.

Ces interdictions « temporaires pour des raisons spéciales de sécurité » (elles sont ainsi décrites dans les NOTAM) débutent le 20 décembre et vous perdurer jusqu’au 19 janvier 2025, soit un mois d’interdictions pendant les fêtes de fin d’année ! Les usages professionnels et militaires restent autorisés.

Le mot de la fin ?

psychose drones usa 2024 09C’est celui de Philip J. Klass (1919 – 2005), journaliste et chercheur spécialisé dans l’aviation, dans son livre UFOs: The Public Deceived : « Lorsque la couverture médiatique conduit le public à croire qu’il y a des ovnis dans les environs, il y a de nombreux objets naturels ou artificiels qui, particulièrement lorsqu’ils sont vus la nuit, peuvent prendre des caractéristiques inhabituelles dans l’esprit d’un observateur plein d’espoir. Leurs observations d’ovnis s’ajoutent en retour à l’excitation de masse, ce qui encourage encore plus de témoins à chercher à voir des ovnis. Cette situation se nourrit d’elle-même jusqu’à ce que les médias perdent leur intérêt pour le sujet, et alors le phénomène retombe ».

Remplacez simplement « ovni » par « drones » pour l’emballement au sujet des drones aux Etats-Unis fin 2024. Cela fonctionne aussi pour la psychose des drones français en 2016 ou celle de Gatwick en 2018. Mais cette explication est beaucoup moins mystérieuse et sexy que celles développées sur les réseaux sociaux et dans les titres d’articles de presse… 

2 commentaires sur “La psychose des drones aux Etats-Unis, le syndrome Gatwick et Trump

  1. ce qui m’interpelle dans cette histoire c’est que la population semble de plus en plus stupide, bête et
    ignorante alors qu’il y a de multiples sources de connaissances et qu’elle est facilement accessible.
    C’est désolant de voir a quel point on régresse alors que tout est a portée de mains pour s’instruire…

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