La guerre des fusils anti-drones ukrainiens et russes (part 2)

Une séquence vidéo postée sur Twitter montre un drone qui semble avoir été brouillé par une arme antidrone. Elle est accompagnée par la légende suivante : « Les forces ukrainiennes utilisent une arme anti-drone EDM4S pour abattre un DJI Mavicpro exploité par la Russie ».

Vrai ou fake ?

L’arme antidrone est bien un fusil EDM4S, conçu et fabriqué par la société lithuanienne RTP NTservice sous le nom de SkyWiper (voir une vidéo promotionnelle ici). En revanche, le drone n’est pas un Mavic Pro, mais un Mavic 3 de DJI. 

Que se passe-t-il en cas de brouillage ? 

L’EDM4S est capable de brouiller les ordres radio 2,4 et 5,8 GHz, ce qui signifie qu’il est en mesure de couper la liaison radio et vidéo d’un Mavic 3. Il est aussi en mesure de brouiller le système GNSS (GPS). Que se passe-t-il si le brouillage radio (2,4 et 5,8 GHz) réussit à perturber le drone ? De son côté, le pilote perd le retour vidéo et perd le contrôle de l’appareil.

Et du côté du drone ?

Il ya déclenchement de la procédure de « failsafe », c’est-à-dire le comportement à adopter lorsque le drone est livré à lui-même.

  • Si le GPS du drone est opérationnel, un drone de DJI adopte l’un de ces 3 comportements selon les réglages : il revient à son point de départ, ou il reste en vol stationnaire jusqu’à la fin de sa batterie, ou il se pose là où il se trouve.
  • Si le GPS est aussi brouillé (et le fusil EDM4S est prévu pour cela), le drone enclenche un atterrissage là où il se trouve (avec une possibilité de dérive s’il est éloigné du sol parce que ses caméras verticales ne parviennent pas à gérer le positionnement). Mais il interrompt son atterrissage à environ 1m50 du sol et reste en vol stationnaire en attendant l’un de ces 3 scénarios : que le positionnement GPS soit retrouvé (parce que le brouillage a cessé), que la liaison radio soit rétablie (idem) et que le pilote décide d’intervenir, ou que la batterie soit vide. Dans ce dernier cas, il finit par se poser tout seul.

Y a-t-il eu prise de contrôle du drone ?

C’est fort peu probable, la séquence ne montre pas plus que le déclenchement d’un « failsafe ». Contrairement à ce qui est souvent affirmé sur les réseaux sociaux, la liaison OcuSync des appareils de DJI n’est pas librement accessible, elle est chiffrée en AES et conçue pour être raisonnablement immune au hacking (voir un white paper publié par le constructeur à ce sujet). Il y a souvent confusion avec la diffusion des données de type AeroScope (position, cap, hauteur du drone, position de la radiocommande, etc.) qui, elles, sont consultables sans nécessité de déchiffrage.

Alors, vrai ou fake ?

La vidéo n’est pas de qualité suffisante et manque d’informations contextuelles pour statuer sur l’authenticité de la séquence. La méfiance est de rigueur puisque les images sont utilisées à des fins de communication (du point de vue ukrainien) et de propagande (du point de vue russe). Le déroulement de la séquence est conforme à un scénario de brouillage par un fusil antidrone comme le EDM4S. Mais cette vidéo peut aussi être une simple mise en scène. Allez savoir. Je vous avais déjà parlé des fusils antidrones version russe, des fusils antidrones tout court et de la réglementation française sur le sujet, c’était ici avec La guerre des fusils anti-drones ukrainiens et russes (part 1) 

6 commentaires sur “La guerre des fusils anti-drones ukrainiens et russes (part 2)

  1. Bon cadragre et étant donné que les Russes frappent a l’artillerie dans les 5 mins sur des detections, il est for probable que ce soit une mise en scène. Ceci dit, j’ai pas trop de doute que le matériel est été testé en vrai conditions

  2. Alors y a un autre trucs qui existe ,contre du drone commercial ,c’est assez complexe ,c’est pas simple a mettre en œuvre ,y a des sécurité au niveaux des GPS ect… ,c’est le spoofing GPS ,c’est pas du brouillage ,mais de l’envoie de fausse information au GPS .A l’inverse,dans un cadre plus civil ,tu peux aussi spoofer le GPS du téléphone ,pour faire décoller ou atterrir un drone sur des zone en no-fly zone .

  3. @ Bud UAV : Chez DJI, il y a des protections contre le spoofing GPS quand il intervient pendant le vol. Plutôt que de prendre en compte des coordonnées GPS qui ne sont pas cohérentes par rapport à celles du décollage, que ce soit sur le drone ou le mobile ou la radiocommande, le GPS indique une erreur et ne fournit plus ses données.

  4. J’aurais écrit:  » La méfiance est de rigueur puisque les images sont utilisées à des fins de communication (du point de vue russe) et de propagande (du point de vue ukrainien)  » … ça marche aussi 😉

  5. @ dom : Dans la mesure où ce sont des images diffusées par les ukrainiens, je doute que les russes m’utilisent pour la communication 😉

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