Axon : des drones avec Taser intégré, bonne ou mauvaise idée ?

Crédit photo : Axon.

L’idée d’un drone-Taser semble provocante, parfaitement intégrée dans les argumentaires des lobbies pro-armes des Etats-Unis. Pourtant les arguments avancés par la société à l’origine du Taser sont plus nuancés qu’il n’y parait au premier abord.

Le contexte ?

Les fusillades mortelles dans des écoles aux Etats-Unis renforcent la volonté de régularisation de l’usage des armes par les uns, donnent des arguments à ceux qui préfèrent la surenchère en équipant le personnel pour riposter. Le débat dépasse le clivage habituel des démocrates et républicains. La société Axon semble avoir trouvé une communication qui puise ses idées dans les deux camps !

Axon ?

Rick Smith, CEO et fondateur d’Axon.

Vous ne connaissez peut-être pas son nom, pourtant la société américaine Axon a développé la marque Taser, ces armes non létales basées sur des décharges électriques – elle s’appelait Taser International jusqu’en 2017. Le Taser est un pistolet à impulsion électrique de plusieurs milliers de volts basé sur deux crochets lancés sur la cible, et reliés par des fils. Non létales ? C’est la promesse d’Axon. Mais la technologie est remise en cause, notamment par Amnesty International qui estimait en 2012 que le Taser avait entraîné la mort de 500 personnes aux Etats-Unis (voir ici).

Le drone armé mais pas trop

Le CEO et fondateur d’Axon, Rick Smith, a présenté un projet de drone petit format, équipé de protections d’hélices pour résister des touchettes sur des obstacles, d’une caméra pour des vols en immersion, qu’il destine aux opérations d’urgence. Dans le cas d’un tireur opérant dans un établissement, le principe consiste à s’approcher de la cible et de tirer une décharge incapacitante pour le neutraliser sans le tuer. Il faut le rappeler, ce n’est pour le moment qu’un projet appuyé par des visuels 3D libellés par Axon comme « modélisation conceptuelle » : ce drone-Taser n’existe pas. 

Les principes de Rick Smith ?

Il emprunte aux pro-armes le fait de disposer d’un drone armé capable d’aller au contact, et il entend séduire les anti-armes avec un appareil qui est prévu pour incapaciter sans tuer. Il espère aussi rassurer ceux qui militent pour ne jamais voir de drones à la fois armés et capables d’une prise de décisions autonome (voir ici). Il avait publié en 2019 une BD intitulée « la fin des tueries », qui décrivait plusieurs scénarios mettant en scène des drones (à voir ici), dont un dans une école. Il avait aussi publié un livre avec le même titre, disponible en ligne (chez Amazon par exemple), qui indiquait « La technologie fera en sorte que tuer sera une chose du passé ».

Ses trois grands principes

Il les a énoncés dans une vidéo de 2021, republiée récemment (à voir en fin de ce post).

  • Toute décision ayant un impact sur un être humain via un robot doit être prise par un opérateur humain authentifié et en mesure d’en prendre la responsabilité légale et morale. 
  • Pas d’arme létale (mortelle). La désescalade est l’objectif premier et il doit être fait usage de la force minimale [mais suffisante] pour stopper une menace. 
  • Tout incident mettant en cause une force déployée par un système robotisé doit être enregistré avec de l’audio et de la vidéo, ainsi que des mesures de données, pour pouvoir examiné par la suite par un organisme indépendant.

Réticences…

Crédit photo : Axon.

La Electronic Frontier Foundation (EFF) a indiqué son désaccord avec l’idée d’équiper des drones avec des Tasers. Parmi leurs arguments ? « […] si la police met la main sur des drones Taser, elle ne restera pas à attendre jusqu’à la prochaine situation d’urgence suite à une fusillade. L’histoire l’a prouvé. Nous les verrons survoler les manifestations et les quartiers commerçants. Nous entendrons des reportages relatant que la police utilise un drone pour taser quelqu’uns pour vandalisme, vol mineur ou fuite. Ce ne sera pas une question de si, mais de quand ».

Y compris chez Axon !

Crédit photo : Axon.

Le communiqué de presse d’Axon fait état d’un avis négatif en interne ! « Le comité d’éthique d’Axon AI a examiné l’utilisation par la police de drones non létaux radiocommandés avant les fusillades à Buffalo et à Uvalde. La majorité du conseil a voté pour conseiller à Axon de ne pas continuer et prévoit de publier un rapport à l’automne 2022 ». Pourtant le CEO d’Axon a décidé de ne pas lâcher prise : « Cependant, compte tenu de ces tragiques fusillades de masse, Axon a demandé au conseil de se réengager et d’envisager de publier des conseils et des commentaires supplémentaires à ce sujet ».

Lecture (in english)…

Si vous désirez en savoir plus, vous pouvez lire les réponses de Rick Smith apportées à des questions posées par des internautes sur Reddit. Il n’est pas certain qu’elles rassurent ceux qui s’inquiètent de la technologie, mais les discussions montrent que le responsable d’Axon a mûrement pensé aux situations complexes, à la nécessité de cadrage des actes et leur autorisation, aux vérifications effectuées après une mission, aux outils logistiques pour stocker et opérer ces drones, aux objections des pro et anti-armes. C’est en anglais, mais très intéressant ! et le débat est désormais engagé… A noter que Axon avait proposé dès 2018 Axon Air, un produit de surveillance par les airs en partenariat avec DJI (voir la fiche technique, et une vidéo de présentation), et désormais avec DroneSense.

Source : Axon

Une vidéo de Rick Smith

3 commentaires sur “Axon : des drones avec Taser intégré, bonne ou mauvaise idée ?

  1. Considerant l’impact de la guerre en Ukraine, on est déjà sur une remise en œuvre des programmes d’armement incluant un maximum d’unité robotisé. Ce n’est qu’un question de temps avant que ça debarque pour les forces de l’ordre de façon letal ou non…. Ou même des services de sécurité….
    Rien de bien nouveau malheureusement

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