Notre-Dame brûle : les drones de Skydrone Film sur le tournage de Jean-Jacques Annaud

Affiche du film par Plantu, crédit image Pathé.

L’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris en 2019 est une catastrophe que raconte le réalisateur Jean-Jacques Annaud dans son long-métrage Notre-Dame brûle. Des drones ont été utilisés pendant l’incendie pour aider les pompiers, et après l’incendie pour coordonner les travaux de reconstruction. Ils ont aussi contribué aux images du film : banques d’images, archives de la Préfecture, des pompiers… et c’est la société française Skydrone Film qui a tourné les images aériennes pour les besoins du long-métrage. Son CEO, Marc Didier, m’a parlé de ce tournage pas comme les autres…

Helicomicro : C’est difficile de travailler avec Jean-Jacques Annaud, un géant du cinéma français ?
Marc Didier : Travailler avec Jean-Jacques Annaud est une chance ! Il est exigeant, il connait exactement ses plans, ses axes caméra. Mais dans la mesure où il a peu travaillé avec notre outil, le drone, il était ouvert à nos propositions et ça a été une vraie collaboration.

Crédit photo : Skydrone Film.

HM : Combien de temps a duré le tournage de Notre-Dame brûle ?
MD : C’était un tournage long, environ 12 jours en termes de participation drone, ce qui reste rare dans le cinéma aujourd’hui.

HM : Quels types de drones ont été utilisés ?
MD : Le choix du matériel s’est imposé très rapidement lors de la préparation du film. Nous étions en ville, il fallait être mobile et réactif. On a du laisser toute notre flotte de gros porteurs sur les étagères au profit de nos Inspire 2 de DJI avec caméra X7, des valeurs sûres…

Crédit photo : Skydrone Film.

HM : Ca devait être un peu sport, parfois !
MD : Le travelling arrière dans la charpente de Notre-Dame a en fait été tourné dans la cathédrale de Sens. Il a fallu faire passer l’Inspire 2 avec ses protections d’hélices dans un endroit très exigu. À l’époque nous n’avions pas encore de Drone FPV avec une caméra cinéma digne de ce nom ! Mais aujourd’hui, en raison de l’exiguïté du décor et du peu de lumière, on utiliserait une FX6 de Sony sur l’un de nos racers heavy lifter…

HM : C’était un tournage compliqué ?
MD : Il y avait régulièrement plus de 100 personnes sur le plateau, surtout les jours avec de la figuration. Donc beaucoup de monde dans les équipes à la technique, avec les machinistes et parfois deux à trois grues simultanément, l’équipe caméra qui gérait jusqu’à huit caméras lors des scènes d’action. Et évidemment l’équipe des effets spéciaux qui jetait du charbon avec des souffleurs sur le plateau, en permanence ! Il fallait donc savoir se placer au milieu de tout ça, ne pas gêner les manœuvres avec tout notre matériel, et être prêt à voler à tout moment.

Crédit photo : Skydrone Film.

HM : C’est un environnement qui n’est pas très drone-friendly !
MD : Non, et il y a eu plus compliqué encore avec l’entrée des pompiers dans la cathédrale après l’effondrement de la flèche. C’est une scène que nous avons filmé aux studios de la Cité du Cinéma près de Paris. Cette scène était vraiment impressionnante, nous devions filmer au contact, en portant des vestes ignifugées, derrière des écrans de protection. Il y avait beaucoup de feu alimenté par des rampes à gaz. Toute l’équipe avait peur pour les drones car la température en haut du brasier pouvait monter à plus 200°… 

Crédit photo : Skydrone Robotics.

MD : Pour la scène du brasier à l’intérieur de la cathédrale, nous avons filmé le robot des pompiers qui est intervenu le soir de l’incendie… Son interface de contrôle été réalisée par Skydrone Robotics, dont le CEO est Antoine Vidaling, mon associé !

Antoine Vidaling : C’est amusant de savoir qu’à l’image dans le film, on voit le robot créé par la société française Shark Robotics avec sa radiocommande Handover de Skydrone Robotics dans les mains d’un pompier, le tout filmé par un drone de Skydrone Film… La Handover est une radiocommande durcie, c’est-à-dire capable de résister à un usage dans des environnements difficiles, et destinée à gérer de multiples caméras avec de très nombreux boutons. 

HM : La cathédrale est partiellement détruite. Comment peut-on la voir à l’image ?
MD : Etant donné que la cathédrale était déjà en restauration en moment du tournage, il y a eu un énorme de travail d’effets spéciaux, principalement par une société qui monte dans le monde des VFX, The Yard VFX. Par conséquent, une partie de nos plans était truquée ! 

Crédit photo : Skydrone Film.

HM : Ca se passe comment ?
MD : On a dû tourner dans le vide, le long de décors qui représentaient seulement une partie de l’existant, le reste étant rajouté en post-prod. En particulier, un même plan était prévu d’être filmé à trois endroits différents. Il s’agit d’une montée le long de la cathédrale dont le départ a été tourné à la Basilique Sainte Clotilde, à Paris dans le 7ème arrondissement, le milieu dans des studios de Bry sur Marne sur un décor reconstitué, et la fin le long de la cathédrale elle-même. Le tout était étalé sur trois journées ! Il fallait être précis sur le début et la fin de chaque prise pour que ce soit raccord. Au final, c’est le tronçon du milieu qui a été utilisé. Comme souvent !

Crédit photo : Skydrone Film.

HM : Ca arrive souvent, de devoir tourner en imaginant le décor ?
MD : Oui, de la même manière que les acteurs tournent de plus en plus sur fond vert. Avec les drones, nous filmerons de plus en plus des décors partiels, voire inexistants, ou encore des pelures, c’est-à-dire des plans tournés spécifiquement pour y incruster une scène ou un objet en premier plan. Il est à noter que l’on tourne de plus en plus souvent des plans pour les VFX.

HM : Vraiment ?
MD : C’est la réalité du cinéma aujourd’hui. Nous sommes en France et c’est beaucoup moins présent qu’aux États-Unis mais c’est bien là aussi. Cela a un énorme impact sur notre façon de travailler, parce ce n’est pas évident de tourner des scènes quand on n’appréhende pas directement le décor. Il faut pouvoir s’adapter et être très précis. Parfois, on nous demande de faire simplement de la photogramétrie en drone de telle sorte que les graphistes récupèrent de la matière pour texturer les décors.

Crédit photo : Skydrone Film.

HM : Vous avez tout de même tourné en drone à Paris. Dans le vrai Paris réel s’entend…
MD : Oui. Sur les 12 jours de tournage, plus de la moitié ont eu lieu dans Paris, alors que le préfet n’autorisait déjà plus les tournages intra-muros, depuis le mois de janvier 2021. Nous ne savons pas exactement comment cela s’est fait, mais une intervention en plus haut lieu a permis de débloquer la situation et le tournage de ce film a été l’un des six projets qui ont été autorisés exceptionnellement lors de l’année 2021.

HM : Le tournage en drone dans Paris est donc toujours aussi verrouillé par la préfecture…
MD : Oui, et j’en profite pour rappeler que la situation à Paris n’est pas normale. Nous sommes l’une des rares villes dans le monde où les tournages drones sont de fait interdits. Le préfet refuse systématiquement les demandes dès lors qu’il s’agit d’un tournage. Dans le même temps les opérations d’inspection pour le bâtiment sont autorisées. Cette situation ne concerne que Paris, on peut encore tourner dans les autres villes, fort heureusement.

Crédit photo : Skydrone Film.

HM : On pouvait espérer que la promulgation de la loi encadrant l’usage des drones par les forces de l’ordre et de secours (voir ici) fasse avancer les choses. Mais ça ne semble pas être le cas.
MD : On se demande comment filmer Paris désormais alors que le drone est devenu un outil incontournable. Nous faisons en sorte de faire avancer la situation, je suis en contact avec le CNC et la mairie de Paris. Mais le préfet ne semble pas vouloir faire évoluer la situation, et on ne sait pas exactement pourquoi. Il semblerait que la première conséquence de ces refus soit une augmentation du nombre de vols illégaux ! 

HM : La solution ?
MD : Les productions sont obligées de trouver des moyens alternatifs qui mènent à des situations stupides. Par exemple, nous devions tourner une scène de cascade dans les escaliers à Montmartre sur le film John Wick IV. Nous avons demandé une autorisation pour faire voler un racer de moins de 2 kg sous les arbres, et à moins de 3 m du sol… 

HM : Refusé ?
MD : Refusé, évidemment. La production a du faire intervenir des grues de plusieurs tonnes pour servir d’accroche à une Cable Cam… De la gêne supplémentaire pour les riverains, plus de pollution… No comment.

MAKING_OF_NOTRE_DAME_BRULE Skydrone Film from SKYDRONE FILM on Vimeo.

Un commentaire sur “Notre-Dame brûle : les drones de Skydrone Film sur le tournage de Jean-Jacques Annaud

  1. Chouette article. Surtout après avoir vu le gilet qui en effet est remplis de scène filmé par drone

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