Hexadrone propose le Tundra, un drone modulable pour les intégrateurs
Le Tundra est une illustration du savoir-faire français qui sait faire face à la concurrence chinoise. Ce drone destiné à des usages professionnels très variés est né en France. Il a été conçu, développé, assemblé et testé en Haute-Loire ! Alexandre Labesse, fondateur et président de Hexadrone, a accepté de répondre à mes questions sur ce drone Made in France…
Helicomicro : Tundra, malgré le nom, c’est bien un drone de conception française ?
Alexandre Labesse : Oui, oui, bien sûr ! Même si la graphie du nom ne le laisse pas vraiment paraître au premier abord, le Tundra a été entièrement développé par notre équipe, dans nos ateliers basés en Haute-Loire.
HM : Mais alors, pourquoi ce nom ?
AL : Il n’a pas été choisi par hasard, la Toundra c’est un des quatorze biomes terrestres et parmi l’un des plus hostiles avec ses températures extrêmes et ses paysages désolés. Mais c’est aussi synonyme de grands espaces, de liberté ! Ce sont toutes ces idées que nous voulions véhiculer au moment de nommer notre drone : faire ressentir cet aspect durci de la machine, capable de voler dans des environnements inhospitaliers tout en mettant en exergue cette sensation de liberté et d’exaltation que tout pilote de drone a déjà connu en partant à l’assaut du ciel.
Une vidéo du Tundra par Hexadrone
HM : Développé en France, ça veut dire quoi ?
AL : La structure mécanique, corps et bras, est 100% Made In France ! Nous travaillons autant que possible avec des acteurs locaux afin de privilégier un circuit court pour une maîtrise totale des éléments qui composent notre drone. Cette démarche nous a permis d’instaurer une véritable relation de confiance avec ces industriels, aujourd’hui très engagés dans la R&D du projet Tundra. C’est aussi un gage de qualité et l’assurance d’un SAV rapide et simplifié.
HM : Quel est le principe moteur de cet appareil ?
AL : Avant même la création d’Hexadrone, ce que j’aimais par-dessus tout c’était créer, assembler des machines ! Dès 2014, l’année de la création d’Hexadrone, je me suis entouré d’un bureau d’étude et de partenaires industriels pour me lancer dans le montage de solutions ad hoc. Ils étaient montés de façon quasi artisanale dans nos locaux-ateliers. Les drones qui sortaient de la société étaient des pièces uniques créées selon un cahier des charges transmis par des clients aux besoins spécifiques. Au fil de ces projets et de la création de moutons à 5 pattes, nous avons cerné une problématique récurrente. Aujourd’hui, sur le marché du drone, c’est à l’usager de s’adapter à sa machine. C’est pour en finir avec le concept « un drone un usage » que nous avons réfléchi au développement du Tundra.
HM : C’est donc sa modularité ?
AL : Oui, la modularité a vraiment été un leitmotiv. Mais pas uniquement ! Le Tundra se distingue des drones du marché sur de nombreux points, répondant ainsi aux objectifs que nous nous sommes fixés. Sa modularité, bien sûr mais aussi un corps unique, robuste, durci, résistant aux intempéries, un équivalent IP45. Les exigences du marché ont commencé à devenir de plus en plus pointues, nous avons rapidement compris qu’il serait impossible de créer un drone idéal pour chaque application. Nous avons donc réfléchi au développement d’une structure, d’un porteur, d’un hub le plus générique possible pour que nos intégrateurs puissent se l’approprier le plus facilement possible. L’idée est de passer de la version série la plus générique à une version très spécifique avec une grande valeur ajoutée.
HM : Avec quels modules le Tundra est-il compatible ?
AL : Si vous me demandiez de résumer en une phrase la raison de la création du Tundra, je dirai que nous voulions créer un liant, une plateforme de rencontre pour les briques technologiques. Il y a celles déjà existantes comme celles de Merio, d’Elistair, d’Internest, de Shield Robotics, de Yellowscan. Mais il y a aussi celles en devenir ! A terme nous avons la volonté de créer un catalogue regroupant tous les modules, briques, développés autour du Tundra.
HM : Comment sont ajoutés les différents modules ?
AL : En suivant notre logique de modularité, nous avons doté le corps du Tundra de nombreuses interfaces standard. Leurs empreintes 3D sont disponibles sur demande, dans la logique d’open innovation. Elles rendent possible rapidement et facilement l’intégration de capteurs et accessoires du marché ou le développement de ses propres modules. Pour une appropriation complète, nous avons également laissé l’accès total à l’intérieur du corps. Seule une moitié est occupée par notre électronique de vol, l’autre a été laissée complètement libre afin de pouvoir ajouter des dispositifs tiers, comme un Companion Computer.
HM : Il y a d’autres bénéfices à cette modularité ?
AL : L’état de l’art avance à une telle vitesse que les machines actuelles sont rapidement rendues obsolètes par l’évolution des technologies. De plus, la plupart des drones sont des systèmes complètement fermés qui rendent la réparation impossible ou bien trop onéreuse ! Avec le Tundra, nous avons voulu miser sur un produit durable dans le temps, que l’on va continuer à faire vivre. Les clients ont de leur côté la possibilité de garder la structure et de faire varier les composants selon les évolutions du moment. Complètement ouvert, le Tundra est facile à réparer grâce aux pièces détachées que nous sommes en mesure de fournir.
HM : Il y a eu combien d’itérations du Tundra ?
AL : On ne compte plus ! Avec le Tundra, Hexadrone franchit une étape et devient constructeur. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ça ne s’improvise pas. A la différence de l’assemblage et du montage, pour lesquels sont utilisées des pièces déjà existantes sur le marché, être constructeur nécessite de penser, développer et créer un nouveau produit, une nouvelle structure. Nous avons participé à des salons nationaux et internationaux comme Milipol, Eurosatory, SOFINS, Le Bourget, le CES de Las Vegas… L’objectif était de sonder le marché, de recueillir des avis. Une version bêta du Tundra a été dévoilée début 2020, juste avant la pandémie mondiale. D’ailleurs ces multiples itérations nous ont permis d’affiner le design du drone, tant sur l’aspect que sur l’usage. Ce travail nous a valu de remporter le prestigieux Red Dot Design Award en 2018. Un prix international habituellement attribué aux grands industriels.
HM : Quelles sont les différences majeures entre la version bêta de 2020 et la version série 2021 ?
AL : Nous avons profité de la période COVID pour compiler de nombreux retours d’expériences et parvenir à la version industrielle. Une version a finalement été figée, et c’est sur sa base que nous avons travaillé une nouvelle fois. Le but était de se rapprocher d’une logique industrielle. Finalement le Tundra dévoilé le 30 avril est plus léger, plus robuste, plus performant que sa version bêta.
HM : A qui est-il destiné ? Dans quel domaine sont vos principaux clients ?
AL : Le Tundra n’a pas été conçu pour répondre à un domaine d’activité en particulier, mais pour être aussi générique que possible. De cette façon les intégrateurs peuvent se l’approprier complètement et en faire un drone dédié pour une application ou un corps de métier. Les demandes clients sont de plus en plus spécifiques or il est impossible d’avoir une expertise sur tous les corps de métier. Nous avons préféré nous concentrer sur la conception d’un hub aussi générique que possible pour ensuite identifier les intégrateurs avec qui collaborer pour l’intégration de briques ultra-spécifiques au Tundra. Je dirais que le Tundra est dédié à tous les marchés où le drone est présent, même les plus pointus. Pour information nous faisons 50 % de notre chiffre d’affaire avec la défense.
HM : Quelles sont les principales configurations ?
AL : Le Tundra sera vendu sous deux formes ! Il y aura une version RTD, déjà montée et prête à intégrer, et une version ARF en kit à assembler avant de débuter l’intégration. Pour chaque version le client pourra choisir le type de bras en configuration X4 ou X8 qui lui convient.
HM : Différents types de bras moteurs ?
AL : Oui, nous proposons les bras « Urbain » courts, légers, pour de petites hélices. C’est idéal pour le vol en agglomération en scénario S-3 avec une charge utile jusqu’à 2 kilos tout en restant sous la barre réglementaire des 8 kilos. Il y a les bras « Endurance » plus amples et destinés à de grandes hélices. Ils permettent d’embarquer une charge utile pouvant aller jusqu’à 4 kilos. A titre d’exemple, avec les bras « Endurance », le Tundra atteint jusqu’à 60 minutes d’autonomie à vide et 30 minutes avec une charge utile de 4 kilos. Enfin il y a les bras « customs » vendu nus. Ils permettent aux intégrateurs de développer et ajouter l’ensemble de propulsion qu’ils souhaitent. Par ailleurs, une série de bras en configuration coaxiale est à l’étude.
HM : Les ventes se font-elles principalement en ligne ou sur rencontre avec les clients potentiels ?
AL : Nous avons une boutique multimarque en ligne qui compte presque 3500 références de produits OEM. On y trouve les châssis, les moteurs, l’électronique, ainsi que quelques solutions RTF de grandes marques comme DJI, Parrot, Freefly, Gryphon… Toutefois le Tundra n’apparaît pas sur cette boutique en ligne. En effet, nous avons scindé l’entreprise en deux business units bien distinctes que nous ne voulions absolument pas mélanger. L’une est dédiée au fonctionnement du shop et l’autre au Tundra.
HM : Vous organisez des démonstrations physiques ?
AL : La période de lancement a été assez compliquée à cause de la période que nous traversons tous. Toutefois à notre sens il est important que les clients puissent voir et toucher le drone. Si pour le moment la situation sanitaire ne nous le permet pas autant que nous le voudrions, nous sommes évidemment dans une logique de démonstration. Les clients et personnes intéressés sont invités à prendre contact avec nous s’ils désirent une démonstration individuelle.
HM : Le Tundra est-il éligible aux différentes homologations que requiert la législation française ?
AL : Oui, en configuration « Endurance » comme en configuration « Urbain », le Tundra a obtenu l’homologation de la DGAC lui permettant de voler en S-1, S-2 et S-3, sous réserve d’installer les modules nécessaires, coupe circuit, parachute ! Nous disposons d’un numéro d’attestation de conception type. Pour toutes les configurations spécifiques qui seront développées par nos partenaires, un dossier technique type sera remis aux intégrateurs pour faciliter la demande d’homologation auprès de la DGAC.
HM : Comment fonctionne la business unit du Tundra ?
AL : Elle développe un véritable réseau de partenaires intégrateurs, de distributeurs et de revendeurs. Elle centralise les demandes qui lui parviennent puis les répartit auprès des différents partenaires du réseau. Son rôle est d’animer un véritable écosystème, de gérer la production et l’assemblage des vecteurs. Dans le même temps elle propose la mise à disposition de son bureau d’étude avec des compétences en mécatronique. Un projet aboutit à un premier prototypage. S’ensuivent de nombreux essais, tests, qui permettent de nouvelles itérations avant finalement d’arriver à la production ! Nous sommes toujours en recherche active de partenaires qui développeraient des briques technologiques autour du Tundra, comme des pulvérisateurs.
HM : Jusqu’où pouvez-vous accompagner un client et un projet ?
AL : Selon les demandes, notre implication varie de la simple prise de conseil à l’intégration de capteurs, de charges utiles ou à la création de modules pour nos interfaces standards. Nous avons l’habitude de travailler sur des projets complexes privés ou collaboratifs comme H2020 RISE, nous sommes en capacités de proposer une expertise sur de nombreux sujets. L’attribution d’un gestionnaire de projet référent permet au client d’avoir un interlocuteur unique, facilitant la communication. La business unit dispose d’un pôle formation qui propose des stages permettant une meilleure appropriation du Tundra. Il y a la formation à la maintenance, la formation intégrateur, la formation au pilotage…
HM : Une idée du ticket d’entrée pour s’équiper en Tundra ?
AL : Tout dépend de la version choisie ! La version RTD, Ready To Develop, qui intègre notre stack électronique avec un [contrôleur de vol] Cube, les bras Urbains et la valise Pelicase avec mousses aménagées est disponible dès 12900 € hors taxes. Ce montant inclus une groundstation Herelink ainsi qu’un forfait de montage et de mise en service. Nous avons voulu ce tarif aussi accessible que possible ! La version « endurance », elle, est disponible à 13900 € hors taxes. Nous déclinons également le Tundra dans sa version ARF, pré-montée, sans électronique et sans contrôleur de vol. Son tarif de 6900 € hors taxes inclut un corps, un set de bras « Urbain » et un set de pieds.
HM : L’évolution de Hexadrone a-t-elle été modifiée par la crise sanitaire ?
AL : En effet, Hexadrone est en pleine phase de croissance et de mutation. Il y a quelques années encore, la société ne comptait que trois salariés. Demain s’inscrira dans un nouvel espace, des locaux industriels, plus grands, neufs et à la pointe de la modernité. Si Saint Ferreol-d’Auroure ne bénéficie pas de la popularité des grandes villes comme Saint-Etienne où Lyon, c’est une localisation idéale. Sa situation en zone libre de contraintes particulières en termes de survol en fait un emplacement privilégié pour notre activité. Nous souhaitons donner l’opportunité à nos partenaires et clients de découvrir le territoire qui nous à vu naître et grandir. La Haute-Loire ! La crise sanitaire a aussi profondément soudé notre équipe et permis de trouver une nouvelle dynamique, de prendre du recul sur notre produit et de mieux le remettre en question.
HM : De nouveaux locaux sont en construction…
AL : Oui, notre nouveau bâtiment, en partie financé par une subvention versée par la BPI dans le cadre du Plan de Relance économique 2020-2022, va nous permettre de mener progressivement à bien les projets qui nous tiennent à cœur. Les plans et les aménagements ont été spécifiquement élaborés pour concrétiser ces projets que nous mûrissons de longue date et qui valoriseront le potentiel économique de la région. Plus qu’un bâtiment, ces nouveaux locaux ont été pensés comme un véritable lieu d’échange, un lieu de vie autour des métiers du drone où se rassemblent diverses compétences. De fédérer une véritable communauté autour du drone, aussi. Ses espaces accueilleront divers événements, comme des hackatons par exemple !
HM : Comment peut-on découvrir le Tundra dans les prochains mois ?
AL : Le 20 mai nous étions présents avec le Tundra à la journée de démonstration de Yellowscan à Saint Clément de Rivière près de Montpellier. Du 29 juin au 1er Juillet, le Tundra sera présenté sur le salon des Forces Spéciales SOFINS. Vous pouvez consulter toutes les démonstrations à venir sur le site de Tundra dans la catégorie « événements ».
Crédits photos : Hexadrone
Le Tundra chez Live Drone !
La plateforme Tundra est au coeur de dispositifs réalisés par l’opérateur français Live Drone, en collaboration avec Hexadrone. Voici ce que m’en a dit Thomas Jumel, fondateur et CEO de Live Drone…
Helicomicro : J’ai cru comprendre que vous aviez utilisé un Tundra sur un tournage au parc de Princes… Quel était le contexte ?
Thomas Jumel : Entre autres événements sportifs que nous couvrons régulièrement en live pour différents médias et diffuseurs, nous accompagnons RMC Sport depuis 3 ans dans la captation de matchs de football de la Champion’s League. Nous étions au Stade Jean Bouin à l’occasion de la rencontre PSG – Manchester City du 28 avril au Parc des Princes. Nous en avons profité pour éprouver notre Tundra, que nous avons peaufiné depuis quelques mois avec Hexadrone, dans les conditions réelles.
HM : C’était du live ?
TJ : Non, l’idée n’était pas de l’utiliser directement à l’antenne, car pour cela nous tenons à avoir plusieurs heures de vol avant de valider en exploitation un tout nouveau drone. Surtout dans un environnement urbain, et encore plus dans les conditions du direct.
HM : Pourquoi ce choix ? Quelles étaient vos exigences ?
TJ : L’Inspire 2 de DJI s’est imposé depuis plusieurs années en captation vidéo pro avec sa qualité de vol, son ergonomie, sa vélocité, sa caméra X7 et ses optiques rivalisant avec les standards les plus exigeants. Mais son point noir reste la liaison vidéo, qui ne répond pas pleinement aux normes des diffuseurs avec un flux assez compressé et au rendu un peu saccadé, ce qui reste perfectible pour un signal broadcast en 1080i50 qui est la norme en TV. Nous regrettons que DJI n’ai pas su proposer de mises à jour, software ou hardware, depuis toutes ces années, c’est un véritable écueil pour tous les professionnels et surtout en utilisation live.
HM : La solution, c’est le Tundra ?
TJ : Nous planchons donc depuis un moment sur notre propre solution custom qui puisse embarquer une liaison vidéo HF qualitative, Vislink en COFDM, tout en gardant une bonne autonomie de vol et un comportement qui ne s’éloigne pas trop de nos habitudes en Inspire 2. Le Tundra vient répondre à ces attentes. Nous devons encore optimiser contrôleur de vol et nacelle, mais les résultats sont déjà très prometteurs avec des temps de vol entre 15 et 20 minutes, une mise en place rapide et un comportement sain et robuste. Outre nos deux configurations live, une diurne à 20 minutes de vol et une autre nocturne à 15 minutes, nous venons de valider la plateforme en configuration cinéma. Elle repose sur l’emport d’une Red Komodo… c’est une belle plateforme qui promet bien des possibilités !
Crédits photos : Live Drone
Un vidéo du Tundra dans sa configuration de captation en direct par Live Drone
Franchement belle bête , beau vecteur , manque maintenant le software derrière ,je pense qu’ils cela planche dessus ! L’adaptation des moyens sur étagère de transmission doit être bien compliqué !
Gautier Veltri a consacré une vidéo à ce drone et son concepteur: https://www.youtube.com/watch?v=XWhXQByNNxw