Réglementation européenne : les règles « faciles d’accès »

La European union Aviation Safety Agency (EASA) a publié un document intitulé « Easy Access Rules for Unmanned Aircraft Systems (Regulation (EU) 2019/947 and Regulation (EU) 2019/945) ». Son but ? Je cite les explications du site de l’EASA : « Cette publication contient les règles et procédures d’exploitation des aéronefs sans pilote affichées dans un format consolidé et facile à lire avec des fonctionnalités de navigation avancées via des liens et des signets ». Ouf, voilà qui tombe à point nommé, puisque la réglementation européenne entre en vigueur à partir du 1er juillet 2020…

Facile à lire ?

Sit back and relax – le document est en anglais. Vous allez, cela ne fait aucun doute, adorer découvrir les… 265 pages de ce roman fleuve ! Si vous pensiez que les textes étaient compliqués, même en français, vous n’avez encore rien lu. Il présente, entre autres, la méthodologie Specific Operations Risk Assessment (SORA), imaginée par la Joint Authorities for Rulemaking on Unmanned Systems (JARUS). Des acronymes et des sigles, il y en a une page entière… et encore, ils n’y figurent pas tous.

Ca sert à quelque chose ?

Si vous avez déjà lu ce récapitulatif des règles européennes, vous savez déjà presque tout concernant l’usage de loisir. Vous connaissez les catégories dont la « Open » qui concerne le loisir, et les classes C0 à C4, qui seront récapitulées par des marquages CE. Vous avez aussi déjà vu les logos de ces marquages et celui qui décrira le volume sonore des appareils de classes C1 à C3. Vous aurez l’opportunité de vous familiariser avec le Lwa, le « niveau de puissance acoustique selon la pondération A et qui prend en compte la sensibilité de l’oreille humaine ». Le document apporte des précisions sur certains points de la réglementation et… reste flou sur d’autres.

Un exemple de flou artistique ?

« Il est admis que les UAS de classe C0 ou les UAS de construction privée avec des MTOM de moins de 250 g peuvent survoler des personnes non impliquées; cependant, cela doit être évité autant que possible, et lorsque cela est inévitable, une extrême prudence doit être utilisée » (AMC1 UAS.OPEN.020(1) and (2) b). On peut survoler des personnes avec un appareil de classe C0… mais pas trop quand même.

Un autre ?

Il concerne le FPV : « Étant donné que l’observateur à vue doit se trouver à côté du pilote et qu’il ne doit pas utiliser de vision assistée (par exemple des jumelles), son objectif n’est pas d’étendre le vol au-delà de la distance en vue directe du pilote distant. Les exceptions sont les situations d’urgence, par exemple, si le pilote doit effectuer un atterrissage d’urgence loin de la position du pilote, et les jumelles peuvent aider le pilote à effectuer un tel atterrissage en toute sécurité » (GM1 UAS.OPEN.060(4)). On ne peut pas utiliser des jumelles en tant qu’observateur… mais on peut quand même.

La preuve de la formation en ligne

En France, pour piloter un appareil de plus de 800 grammes, il faut prendre avec soi l’extrait du registre de formation. L’Europe vous permettra de disposer d’un bien plus sexy « Proof of completion of the online training » sous la forme d’une carte, physique ou dématérialisée, avec mention des classes autorisées, du nom, de l’identifiant pilote, d’un QR Code pour que les autorités puissent consulter la base de données en cas de contrôle. Chic, non ?

En parlant de contrôle…

Qui sera en charge de faire respecter la réglementation ? Voici ce qui est écrit : « Les États membres sont responsables de l’application du règlement UAS et il leur appartient de désigner l’autorité compétente. Pour prendre cette décision, les États membres devraient considérer que la plupart des opérations UAS se dérouleront dans des zones éloignées des aérodromes et, par conséquent, l’autorité compétente sélectionnée devrait employer du personnel capable de vérifier que les opérations UAS menées dans ces zones sont sûres. De plus, les problèmes susceptibles de se produire plus souvent seront liés au bruit, à la confidentialité et à la sécurité. Compte tenu de tout cela, les autorités chargées de l’application des lois peuvent être bien placées pour remplir ce rôle. Les autorités répressives peuvent prendre différentes formes, selon le cadre juridique national de l’État membre » (GM1 Article 18(a)). Autrement dit, la mission incombera à la Gendarmerie et à la Police, sans besoin de spécialisation. On leur souhaite bon courage pour compulser ce document « Easy Access Rules »…

Ce qui semble évident…

… mais n’est étonnamment pas exprimé clairement dans les textes français ? Il est interdit de piloter « sous l’influence de substances psychoactives ou d’alcool ou lorsqu’on est inapte à accomplir ses tâches en raison de blessures, de fatigue, de médicaments, de maladie ou d’autres causes » (UAS.OPEN.060 1 2 a). Il est interdit de « voler à proximité ou à l’intérieur de zones où une intervention d’urgence est en cours, à moins d’être autorisé à le faire par les services d’intervention d’urgence en charge » (UAS.OPEN.060 1 3).

La France et l’Europe ?

Comment les règles européennes vont-elles s’accommoder des particularités françaises ? Cela reste à déterminer, l’administration travaille sur le sujet. Difficile de savoir s’il sera, en respectant les règles européennes, possible de voler en agglomération en France. C’est très peu probable, ce requis va probablement rester en vigueur. Il sera intéressant de suivre les points de détail. En France, par exemple, il est interdit de piloter depuis un véhicule en mouvement. L’Europe interdit de piloter « en conduisant un véhicule » (AMC1 UAS.OPEN.060(2)(d) a2), mais permet de le faire si on est passager ! « Si le pilote à distance utilise un UAV à partir d’un véhicule terrestre ou d’un bateau en mouvement, la vitesse du véhicule doit être suffisamment lente pour que le pilote à distance ait une vue directe sur l’UAV, conserve son contrôle à tout moment, et gère le positionnement dans l’espace et l’orientation » (AMC1 UAS.OPEN.060(2)(d)b). L’Europe permet l’usage d’un drone en immersion (FPV) à la simple condition qu’un observateur soit présent (GM1 UAS.OPEN.060(4)), alors que la France ajoute à cela une limitation des vols à 50 mètres de hauteur, 200 mètres de distance, avec un appareil d’un poids de moins de 2 kilos.

A suivre ?

Oui. Les épisodes de la série « réglementation » se suivent, se ressemblent beaucoup, posent plus de questions qu’ils n’en résolvent, n’en finissent pas de complexifier une discipline qui n’avait pourtant rien demandé et qui peut se targuer d’un nombre d’accidents particulièrement faible. Ils finissent par lasser, surtout quand la promesse d’explications simplifiées… est à l’évidence non tenue ! Le texte est disponible en téléchargement en anglais sur le site de l’EASA. Notez qu’une adresse mail est mentionnée sur la page de téléchargement pour envoyer vos commentaires…

7 commentaires sur “Réglementation européenne : les règles « faciles d’accès »

  1. merci Fred….d’avoir supporté cette lecture apparemment indigeste pour nous en faire un résumé!
    Le constat est évident, trop de grattes papiers qui sortes des textes pour justifier leurs salaires!!

  2. La guignolade ridicule se poursuit ……. à ce point ils feraient mieux d’arrêter, de simplifier et d’éclaircir car là, ils s’enfoncent tous les jours un peu plus et se couvrent de ridicule !!!
    AAhhh si seulement au lieu de rien foutre en classe, de roupiller au fond et de ne rien piper aux maths et à la physique ces braves fonctionnaires Européen (dont pas mal doivent être sortis de notre fabuleuse ENA ou encore de Science Po et …… j’en passe) avaient un peu plus bosser en cours …. ils seraient de bons pilotes, de bons techniciens, de bons ingé, etc …… et il leur serait impossible d’accepter d’écrire de telles conneries inapplicables !!
    Un ami étranger (loin très loin de la France) dans un pays en grande difficulté économique m’expliquait à quel point l’instruction, l’enseignement pouvait être un ascenseur social, un gage de paix (le seul d’ailleurs je pense) et surtout …… la garantie que nous ne subirons pas ce genre de mesures débiles …….. j’en déduit que nos braves fonctionnaires doivent connaître un grave déficit d’instruction !!! les pauvres !!! sincèrement je les plaint plus que je ne les blâme ….. mais sur un poulet t’auras beau lui coller des plumes de rapace, t’en feras pas un aigle ……

  3. les limites de la spécialisation, à force de renforcer leur expertise des textes et de l’Europe la déconnection d’avec le terrain est malheureusement totale et malheureusement ils ne sont pas les seuls…
    Merci en tout cas pour tout ce boulot de défrichage !
    Quand je pense que j’ai fait, plein de bonne volonté, les démarches pour passer la petite attestation de pilote loisir et que j’ai pris le temps d’enregistrer mon racer de 400g, tout ça n’aura servi à rien si ce n’est à poser l’équation suivante : est-ce que j’arrête le drone ou est-ce que je continue à la sauvage sans plus m’embêter de tout ça?

  4. @roscografik Continue ! A la sauvage mais avec ce qui nous est chère depuis toujours : Sécurité et respect des personnes 😉
    Je ne suis certainement pas un exemple ( suis-je le seul? Hi, hi…), mais pour du LOISIR au milieu de la nature afin d’oublier ce monde et ces lois de plus en plus liberticide, pas d’enregistrements de mes racers (environ 450gr) pas de passage d’attestation. La seule en ma possession, c’est celle de ma responsabilité civile et des 10 recommandations de la DGAC. Je suis heureux !
    Un grand merci Fred pour avoir supporté ces textes afin de nous sortir ce tres bon article, comme à ton habitude.
    Volons cachés, volons heureux !

  5. Voici les 2 liens sur les textes en français, pour ceux qui voudraient éviter les 265 pages en anglais !
    ———————————————
    UE 2019/947
    https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?from=EN&uri=CELEX:32019R0947&fbclid=IwAR3z1j8HWwXLSbyhblPrOMa4ZkpikT5Ffi-PPbipMbtA3VjhXBPxl8jnd70
    ———————————————-
    UE 2019/945
    https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019R0945&from=EN&fbclid=IwAR2_Df0oEEtlvjHqtbONQMsA8wtZGVMYz54QE6rtycUC1txYzpeN1B1KI8Y

  6. la doc en anglais !!! sérieux !! Quel peuple européen parle couramment anglais
    la majorité des anglophones ne sont pas concernés. l’Europe songe elle a annexer les US ? ;-D

  7. @ Michel Garcia : Merci. Attention tout de même, il y a dans le document « simple » des choses qui ne figurent pas les textes. En d’autres mots, la lecture des textes ne suffit pas 😎

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