L’A380 et le drone à L.A.

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Airbus A380 Luthansan Crédit photo : Kentaro Iemoto

Les médias adorent les manchettes anxiogènes, pour preuve une dépêche de l’AFP reprise par tous les quotidiens et sites d’informations. Elle relate un nouveau « near-miss » qui a été rapporté par l’équipage d’un Airbus A380 de la Lufthansa en approche de l’aéroport de Los Angeles en Californie. L’appareil se trouvait à 22 km à l’est de l’aéroport, à une altitude de 1500 mètres. Le drone serait passé à 60 mètres au-dessus de l’Airbus, qui n’a pas procédé à une manœuvre d’évitement. Le communiqué de l’AFP rappelle des chiffres qui font état de 650 « near-miss » (quasi-collisions) rapportés entre janvier et août 2015, et bien sûr revient sur l’incident de l’Airbus en approche de Roissy.

C’est si catastrophique que ça ?

1503441_799681140059154_1912158211_nLes nouvelles alarmantes qui nous prédisent des catastrophes aériennes inévitables reposent sur des suppositions. Une étude de l’université George Mason aux Etats-Unis avait conclu, de manière ironique… mais chiffres à l’appui, que « contrairement à ce qu’affirment les titres à sensation des médias, le ciel n’est pas rempli de drones, mais d’oiseaux ». Aux Etats-Unis, les chiffres les plus hauts font état d’un million de drones vendus, pour une population d’au moins 10 milliards d’oiseaux. Quel est l’impact d’un drone sur un avion ? Chaque « spécialiste » y va de sa propre interprétation et de ses suppositions… qui sont souvent présentées comme des vérités. Pourtant il n’y a pour l’instant aucune étude d’impact d’un drone sur les moteurs d’un avion, ni sur sa structure, et notamment les effets éventuels sur l’hydraulique présente dans les ailes. Ce ne sont pas les essais d’ingestion de poulets congelés qui peuvent faire foi, et les oiseaux encastrés dans les radomes n’ont fait que priver les pilotes du radar.

Des études sérieuses ?

L’Airbus A320 US Airways 1549 exposé au Carolinas Aviation Museum Crédit photo Radiofan
L’Airbus A320 US Airways 1549 exposé au Carolinas Aviation Museum Crédit photo Radiofan

Interrogé par le site Mashable, un porte-parole de la FAA (l’équivalent de la DGAC aux Etats-Unis) a indiqué ceci : « il est prématuré de faire le lien entre les risques de collisions avec des oiseaux et celui de collision avec des appareils télépilotés. Les drones ont des caractéristiques physiques très différentes des oiseaux, et nous ne disposons pas de données pour mesurer leur impact sur un avion. Le Centre d’Excellence des UAS de la FAA effectue des recherches sur les dommages causés par des collisions potentielles contre des moteurs et des structures d’avions, avec des résultats livrés en septembre ». Intéressant ! Notons que l’accident de l’Airbus A320 du vol 1549 de US Airways qui avait du se poser en urgence sur l’Hudson en 2009 a été causé par la collision avec un vol d’oies sauvages. Pour être précis, il s’agissait d’au moins 4 bernaches du Canada, des oiseaux de 2,6 à 4,8 kilos. Fort heureusement, rares sont les vols migratoires de drones professionnels…

Anxiogène

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Crédit photo : Airbus Defence and Space

Tous les ingrédients sont réunis pour assurer une dose de stress maximale à la lecture du communiqué de l’AFP au sujet du « near-miss » de Los Angeles, quitte à oublier de préciser que de tels incidents sont très rares en France. Que ces incidents surviennent principalement dans les pays qui autorisent le survol d’agglomérations. A 22 km à l’est de l’aéroport de Los Angeles, par exemple, on se trouve en plein milieu d’une zone urbaine particulièrement dense. L’AFP rapportait il y a quelques jours les propos de Fabrice Brégier, le patron d’Airbus, qui avait déclaré sur France Inter : « Il faut légiférer, c’est indispensable, notamment dans les endroits à basse altitude, c’est-à-dire proche des aéroports ». Mais le communiqué a omis de relever que la réglementation interdit déjà très explicitement les vols à plus de 150 mètres de hauteur, les vols en zone urbaine et ceux à proximité des aéroports. Est-ce un oubli ? Sans doute. Rappelons tout de même qu’Airbus travaille à des outils de détection et de neutralisation de drones, dont la commercialisation profiterait d’une réglementation plus dure.

Réglementer ? Encore ?

Le futur service Geofence de DJI, à Los Angeles Crédit photo : DJI
Le futur service GEO de DJI, sur une carte de Los Angeles Crédit photo : DJI

Pour rappel, les appareils destinés à la compétition et les jouets dépassent rarement les 50 mètres de hauteur, les engins grand public prévus pour les prises de vues sont bloqués à des hauteurs réduites inférieures à 150 mètres. Soit bien loin des 1500 mètres des incidents de Roissy et Los Angeles. Pour atteindre cette altitude, il faut soit un appareil professionnel, soit un engin grand public d’ancienne génération ou volontairement débridé, soit un appareil de construction artisanale. Ou bien sûr un appareil souffrant d’un dysfonctionnement. Réglementer encore ne servirait à rien : cela n’évitera pas les pannes et cela n’empêchera pas des pilotes malveillants de procéder à des vols illégaux. Il est sans doute préférable d’encourager les constructeurs d’appareils à risque, ceux d’une masse suffisamment importante pour causer des dommages à un aéronef (et des biens ou des tiers), dans leurs démarches de restrictions automatiques de hauteur, de distance et de position pour réduire les risques d’incident ou d’accident…

Sinon on attend avec impatience un nouveau communiqué de la Fédération Professionnelle du Drone Civil pour appeler à l’interdiction des drones de loisir…

18 commentaires sur “L’A380 et le drone à L.A.

  1. « Sinon on attend avec impatience un nouveau communiqué de la Fédération Professionnelle du Drone Civil pour appeler à l’interdiction des drones de loisir… »
    Héhéhé…!!!!
    Très belle fin 😉

    Loon.

  2. Moi, ce qui me fait peur, c’est
    si un extra terrestre vient nous rendre visite
    et si il n’est pas au courant de toutes nos lois sur notre espace aérien,
    ça risque de poser un grave problème !

  3. « Pour être précis, il s’agissait d’au moins 4 bernaches du Canada, des oiseaux de 2,6 à 4,8 kilos. Fort heureusement, rares sont les vols migratoires de drones professionnels… »

    N’est-ce pas un peu trop raccourci de sous-entendre qu’un drone >= à 2,6kg est forcément un drone professionnel?

    Sauf erreur de ma part, la loi ne mentionne pas de limite inférieure à 25kg pour un amateur ?

    Merci pour vos réponses.

    koko

  4. Ouais…

    Les relations diplomatiques avec Alpha du Centaure risquent encore de se dégrader…

  5. ce qui m’épate toujours, c’est qu’un gars qui vole dans un avion a plusieurs centaines de km/h puisse voir un drone passer a plusieurs dizaines de mètres de son bouzin.

  6. C’est ça qu’est bien dans la vie : on peut toujours être épaté par quelque-chose de nouveau 🙂

    Concernant la réglementation, rien n’est plus à faire, celle qui est en place est déjà très bien faite.

  7. Bonjour. Contrairement à ce que tu as ecrit, il existe ue premiere etude sur les dommages potentiels suite a une ingestion de drone par un reacteur. Elle date de 2015 et a ete faite par un groupe de travail de Virginia Tech. Le lien :http://www.engineering.com/DesignSoftware/DesignSoftwareArticles/ArticleID/10914/Personal-Drones-Getting-Sucked-into-Jet-Engines-Could-Be-Disastrous.aspx
    Il semblerait que le reacteur n’en sorte pas vraiment indemne…

  8. @ Stephane : Cette étude est une simulation, réalisée sans les cotes des constructeurs de réacteurs… Difficile d’en conclure grand chose à part ce « potentiellement l’ingestion d’un drone est dangereuse »…

  9. Peterson . un bel abruti celui là à 3400m au dessus d une ville et d une route et il se prend pour un héro.

  10. Salut, moi je pense que pour monter à 1700m (vers Roissy) il faut déjà du temps en drone, et pour redescendre encore plus (je vous laisse le soin de calculer le temps de vol qu’il faut). Ma théorie : n’ayant plus de batteries, il a dû forcément se crasher, on pourrait partir à sa recherche (en s’amusant) avec d’autres drones et le retrouver (empreintes, plaque d’identification), puis demander des explications à son propriétaire et ainsi faire avancer les choses intelligemment. Allez c’est parti pour la chasse au drone dans le respect de la législation ! GO GO GO !!!

  11. @peterson: Mis à part l’exploit stupidissime, on peut le remettre en question. La vidéo n’est pas accélérée pendant la montée en se fiant aux voitures et aux nuages. Comme il est dit dans les commentaires, 1000m en 60s, ça fait du 22 m/s, soit 80 km/h. Juste pas possible 🙂 Même si elle est accélérée en 2x (ce qui semble peu probable), ce serait 40 km/h en montée, c’est encore beaucoup trop pour un Phantom (avec nacelle qui plus est).

  12. Le printemps arrive! Ce doit effectivement etre une migration de drones. Pas encore de plainte des cicognes en Alsace, mais d’apres CNN parait que les drones squattent les nids pour se reproduire. Y’a plus de saison mon bon Monsieur

  13. C’est le printemps et tous les petits drones offerts à Noël vont enfin pouvoir sortir leurs petits museaux.
    J’ai hâte d’en trouver perdus dans nos champs et forêts

  14. Deux choses sont infinies :
    – l’univers,
    – la stupidité humaine.
    Mais pour l’univers, je ne suis pas sûr.

    Einstein.

  15. Derniére minute : La fédération parasitaire du drone couillon aurait demandé de lancer des tests du drone congelé !

    Ils ont raison sur un point majeur quand même : Vol en zone aéroportuaire = interdit, enfin là c’est du bon sens dont normalement tout le monde est pourvu, ceux qui dérogent à la régle doivent effectivement finir au gnouf.

    J’espére plus sérieusement que ces incidents ne sont que des fly aways, donc verification des firmwares, mise en place de géofence, splitter les batteries embarquées quand vol en zones à risque pour réduire l’autonomie et rester exclusivement en manuel etc…

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