Rando, boulot, dodo !

benoit-01-600Benoit Pereira da Silva a mené à bien une expérience débutée il y a plusieurs mois : il s’agissait de démontrer qu’il était possible de marcher tout en travaillant. Un projet multitâche qui a demandé beaucoup de préparation, à la fois physique, techniques… et mentale. Nous vous avions présenté la marche-boulot d’une semaine dans les Cévennes et le Gévaudan, qui promettait des vues prises depuis un drone spécialement préparé pour l’occasion. Benoit Pereira sa Silva – et son fils Nino, qui a pris part à l’intégralité de l’aventure – nous racontent cette expérience.

Requête qui s’adresse aux passionnés du montage vidéo : Benoit est à la recherche d’un peu d’aide pour animer les images tournées pendant la semaine de rando…

Helicomicro : Vous êtes allé jusqu’à la concrétisation de projet de marche en travaillant, avec une semaine passée à randonner sur des chemins un peu difficiles. Marcher et travailler en même temps, c’est tout de même une idée saugrenue ? Comment vous est-elle venue ?
Benoit Pereira da Silva : Cela fait plusieurs années que je suis en contact avec des développeurs américains comme Jeff Lamarche (un nom prédestiné) et Simon Allardice, qui travaillent parfois en marchant sur des bureaux-tapis roulant. L’engin a été inventé par le Docteur James Levine en 2000. Il vient d’ailleurs de publier un livre « GET UP ! » dans lequel il raconte l’origine de son invention (disponible sur Amazon). Bref, je travaille en marchant, depuis juillet 2013.

benoit-05-600HM : Mais c’est possible, marcher et travailler ?
BPdS : Contrairement à la majorité des marcheurs-travailleurs, j’ai totalement supprimé la chaise de ma vie, et je travaille en marchant au moins 8 heures par jour à 3 km/h environ… Après 3000 km in-vitro, pour ne pas devenir un hamster, j’ai pensé à sortir un peu. J’avais aussi très envie de monter un projet avec mon fils Nino, un projet original et stimulant.

HM : Vous avez choisi de marcher dans les traces de Robert Louis Stevenson ?
BPdS : Je ne souhaitais pas vraiment travailler sur le chemin de Stevenson, je voulais vérifier ce qu’il était possible de faire et ce qui ne l’était pas. Donc j’ai conçu ce projet un peu extrême. Si vous voulez en savoir plus sur ce sujet, je présenterai mes expérimentations de marcheur-télé-programmeur auto-quantifié les 21 et 22 Octobre à Marseille dans le cadre de la conférence Lift france 2014.

benoit-07-600HM : Vous vous êtes entraîné pendant un an avec un bureau monté au-dessus d’un tapis roulant. C’était indispensable ? Pour avoir la forme suffisante ?
BPdS : Marcher sur des terrains difficiles en portant presque 50 kg de matériel nécessite une préparation sérieuse. J’ai beaucoup marché, et j’ai même couru un peu. Mais je n’ai pas été déçu, c’était encore beaucoup difficile que tout ce que j’avais pu imaginer! Les derniers mois, j’ai travaillé à temps plein pour mettre au point le projet, passer le brevet théorique ULM, obtenir les autorisations administratives, l’accréditation DGAC, et pour m’entrainer physiquement. Ça n’était pas indispensable, mais ça correspond simplement à mon mode de vie actuel, de sédentaire repenti.

benoit-06-600HM : On a un peu de mal à comprendre comment gérer le multitâche qui consiste à marcher et travailler. Pour marcher, surtout dans la nature, il faut être attentif au décor. Comment concilier ça avec l’attention que requiert un travail sur ordinateur ?
BPdS : Franchement, avec un peu d’entraînement, aucun problème pour travailler en marchant en extérieur si l’environnement est simple et pas trop dangereux. Dans contexte complexe du GR70, c’était un peu plus difficile. Nino m’a énormément aidé, il a sécurisé tout le parcours en amont et sans lui, je n’aurai probablement pas pu finir sans casse. La marche est presque un automatisme, avec de la pratique on peut marcher en se concentrant sur la vision centrale en pleine conscience et en laissant traîner une sorte de regard diffus périphérique, un processus de veille liminal, au seuil de la conscience. D’ailleurs, la rétine n’est pas uniformément tapissée de photorécepteurs, au centre il y a plus de cônes et en périphérie une plus grande proportion de bâtonnets sensibles aux mouvements. Il suffit de savoir les réveiller au bon moment…

benoit-09-600HM : Parlons du drone que vous avez emporté avec vous, l’Iris de 3DRobotics. Pourquoi ce choix ?
BPdS : Nous recherchions une machine ouverte et fiable. Escadrone nous a proposé de sponsoriser la marche en nous offrant un Iris RTF, une nacelle, etc., le tout équipé du contrôleur de vol le plus avancé à ce jour : le Pixhawk. Ca semblait être la base idéale C’est d’ailleurs vraiment une excellente machine. Malheureusement elle n’est pas importée à des prix raisonnables en France. L’Iris de première génération comporte des défauts importants. Il manque un peu de puissance et d’autonomie avec une nacelle, une Gopro et quelques capteurs complémentaires. Et surtout il est très instable à l’atterrissage avec les pattes longues sur les terrains inclinés. Heureusement, tous ces vilains défauts ont étés corrigé dans la version Iris+ qui vient de sortir. J’attends avec impatience la mise à jour de mes deux appareils!

HM : Vous avez apporté des modifications à l’Iris ?
BPdS : D’un point de vue matériel, nous avons ajouté un Sonar MaxBotix, et un second GPS, un excellentissime UBLOX NEO-M8N GPS GNSS acheté en Lettonie, chez CSG. Nous avons décidé d’utiliser une télécommande Turnigy 9XR qui fonctionne sur batterie, et qui repose sur des logiciels libres. benoit-11-600Pour pouvoir piloter en marchant, il était par exemple nécessaire que les potentiomètres soient accessibles sur la face avant. D’un point de vue logiciel, Julien Dubois , le brillant co-auteur du mode « Position Hold » (ex : mode hybride) a développé pour Escadrone un mode de vol baptisé mode « Cruise », que nous avons intégré aux différentes version beta 3.2 d’ArduCopter.

HM : Quel est le but de ce mode « Cruise » ?
BPdS : En réalité, le mode « Cruise » utilise un GPS et le mode « Simple » pour permettre de faire tourner la machine sur elle-même tout conservant un cap constant. Le cap et la vitesse d’avancement s’ajustent avec un potentiomètre, et l’on peut retoucher à tout moment la trajectoire manuellement. Nous avons beaucoup travaillé sur les paramètres et le comportement en vol. Fin juin, un moteur de l’Iris que nous utilisions pour la mise au point a rendu l’âme, détruisant l’ESC « all in one » de l’Iris. Ou peut-être est-ce l’inverse, l’ESC a connu une défaillance qui a entraîné la destruction du moteur. J’ai dû dans l’urgence acheter un second drone pour sécuriser la marche. Nous avons finalement réussi à récupérer et remonter le premier Iris début août. La veille du départ, j’ai reçu et monté le second GPS !

benoit-14-600HM : Il a visiblement fait un petit plongeon. Que s’est-il passé ? Comment a-t-il vécu l’expérience ?
BPdS : La version courante 3.2 RC2 du contrôleur de vol comportait des bogues. Et j’ai fait l’expérience d’une inconsistance compas couplée à une mauvaise configuration du GPS. Au décollage, le drone c’est mis à tourner sur lui-même à 70 cm du sol et s’est directement abîmé dans la flotte à grande vitesse. J’ai des vidéos prises par des spectateurs du splash – parce qu’on ne peut pas parler de crash… Le 24 août vers 11h du matin, au lac de L’Auradou près du Cheylard l’évêque, je me suis jeté à l’eau et j’ai sondé plus d’une heure dans la vase pour retrouver l’engin. Et j’ai fini par le trouver. Sur les images, quand je sors le drone de l’eau on voit que la nacelle Tarot 2D fonctionne encore. On a tout de suite débranché toutes les batteries et le soir j’ai démonté l’IRIS. J’ai mis tous les composants électroniques à sécher dans un « Tupperware » avec du riz.

benoit-10-600HM : Avec les panneaux solaires que vous tractiez, vous avez produit de l’électricité. Vous êtes parvenu à être totalement autonome en énergie électrique ?
BPdS : Absolument ! Nous avions une capacité théorique de 200 W et produisions en réalité 40 W à 110 W. C’était suffisant pour maintenir à flot notre batterie tampon de 17 000 Mha et pour charger 6 à 8 batteries de l’Iris. Nous pouvions voler entre 1 h et 1h30 sans difficulté. Le volet énergétique a parfaitement fonctionné.

HM : Le manque de couverture GSM semble avoir été fréquent pendant cette semaine de randonnée. C’était à ce point ?
BPdS : Incroyable. Nous n’avons pas eu un seul instant avec de la connexion 3G ou même edge, rien, niet, nada ! Du coup, je n’ai pas pu transmettre mes données biométriques mesurées par les appareils de Withings, et je n’ai même pas pu envoyer un tweet ou un Vine pendant la marche. Impossible de transmettre les logs ou d’analyser les défaillances, impossible de communiquer, etc. Merci qui ? Merci Free !

benoit-08-600HM : Et Nino ? Quelles ont été tes missions sur cette aventure ?
BPdS : J’assurais la sécurité de la marche. Je contrôlais le drone, les batteries. Je m’occupais du bivouac et de la nourriture. Et je volais avec mes mini drones.

HM : Ca t’a plu ?
BPdS : Ouais, c’était très chouette et peu commun. On a croisé pas mal de monde, tous très sympas, et j’ai fait la promotion de l’Hubsan X4 dans toutes les Cévennes. On peut même considérer que je suis presque devenu leur représentant officiel dans nos montagnes.

HM : Tu le referais ?
BPdS : Oui, sans problème, mais avec un matériel beaucoup plus léger.

benoit-12-600HM : Et le loup, alors ? Vu ? Entendu ?
BPdS : On en a beaucoup entendu parler tout du long du parcours, sur le mont Lozère comme en Gévaudan. Nino a trouvé des traces suspectes au bord du lac de l’Auradou. Et parfois le soir nous tendions l’oreille … en vain !

HM : Un message à faire passer ?
BPdS : Oui ! J’en appelle aux lecteurs de Helicomicro. J’ai des heures et des heures de rushs et des centaines d’images. Si un monteur éclairé pouvait m’aider, j’aimerais bien faire un petit court-métrage qui raconte toute l’aventure ! Vous pouvez me contacter moi via mon formulaire de contact

Le site de Benoit Pereira da silva se trouve ici. Le site dédié à la marche 2014 est là.

D’autres photos

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2 commentaires sur “Rando, boulot, dodo !

  1. Ce qu’il fait, c’est une thérapie en réalité 😉 Des peurs liées à un sentiment d’insécurité matérielle notamment 😉

  2. Nous ne sommes pas destinés à vivre en cage éternellement, c’est une étape obligée pour apprendre à nous apprivoiser mais lorsque c’est acquis, il faut retrouver notre liberté et nos instincts de survie ce qui est loin d’être évident… A mon avis, il va bientôt avoir de nombreux adeptes 😉

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