Drones et respect de la loi (2)

EDIT : ce post est désormais caduque. Il est remplacé par celui-ci (pour les loisirs) et celui-là (pour les professionnels).

Suite de la découverte des arrêtés du 11 avril 2012… La première partie, si vous l’avez loupée, se trouve ici.

Un bon scénario ?

sheepLes « activités particulières » sont classées en 4 scénarios. On s’accroche ? Tout se passe dans l’Annexe II de l’arrêté A, Chapitre 1er. Le « scénario S-1 » concerne les vols « en vue directe, hors zone peuplée, à une distance horizontale de 100 mètres du télépilote ». Pouuuuce ! Définition de « zone peuplée », please ? Elle ne figure nulle part, ce serait trop simple. Il faut l’extrapoler de la partie 1.3 de l’Annexe II de l’arrêté A. Une « zone peuplée », c’est un endroit « hors agglomération », et hors de la « proximité d’un rassemblement de personnes ou d’animaux ». Une « agglomération », c’est quoi ? C’est un « espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés et dont l’entrée et la sortie sont signalées par des panneaux placés à cet effet le long de la route qui le traverse ou qui le borde » (selon la définition communément retenue, celle qui figure dans l’article R110-2 du Code de la Route). Autre définition : celle de l’article 2 de l’arrêté B qui stipule qu’une agglomération figure « sur les cartes aéronautiques en vigueur diffusées par le service d’information aéronautique à l’échelle 1/500 000 ou, à défaut, à l’échelle 1/250 000 ». Donc voler en vue directe, dans un champ au milieu de nulle part, à une cinquantaine de mètres de distance tombe dans le « scénario S-1 ». Mais il suffit qu’un troupeau de moutons vienne voir ce que vous fabriquez, et vous sortez de ce scénario ! Plus sérieusement, le « scénario S-1 » concerne donc le vol à vue, en rase campagne, à distance des habitations. Et si vous voulez voler en ville et à vue ? Dans ce cas, vous êtes dans le « scénario S-3 » (oui, on a sauté le S-2), qui caractérise les vols « en agglomération ou à proximité d’un rassemblement de personnes ou d’animaux », « en vue directe du télépilote », « à une distance horizontale maximale de 100 mètres du télépilote ».

Encore des scénarios…

immersion1Passons à un vol hors vue, c’est-à-dire en immersion, en rase campagne. C’est le « scénario S-2 » (celui qui avait été sauté), qui décrit un vol « hors zone peuplée », « à une distance horizontale maximale de rayon d’un kilomètre du télépilote », « de hauteur inférieure à 50 mètres au-dessus du sol ou des obstacles artificiels », « sans aucune personne au sol dans la zone d’évolution ». Et un petit dernier scénario, le « S-4 » : « traitant d’une activité particulière de relevés, photographies, observations et surveillances aériennes se déroulant hors zone peuplée et ne répondant pas aux critères du scénario S-2 ». Ca va ? Malalatête ? Une remarque importante : l’arrêté A ne prévoit pas de scénario pour les vols en immersion dans les « zones peuplées », c’est-à-dire en milieu urbain. Vous êtes prévenu. C’est Non (à moins d’une dérogation).

Et alors ?

osd1Voilà votre engin volant classé dans une catégorie, et votre vol dans un scénario. Qui a le droit de faire quoi ? Les appareils de « catégorie D » ont droit aux scénarios S-1 à S-4. Ceux de « catégorie E » sont limités aux scénarios S-1 et S-2, et S-3 s’ils pèsent moins de 4 kilogrammes (selon l’Annexe II, 1.4 de l’arrêté A). Les appareils de « catégories D et E » sont dispensés de documents de navigabilité (Annexe II, 2.1.3). Enfin une bonne nouvelle. Attention, ça se complique. Les appareils de catégorie D et E doivent être « équipés d’un capteur barométrique permettant au télépilote de connaître l’altitude à laquelle il l’utilise » (Annexe II, 2.2.1). Cela permet évidemment de respecter l’altitude maximale autorisée qui est de 150 mètres pour les scénarios S-1 et S-3 (vols à vue), 50 mètres pour les scénarios S-2 et S-4 (vols en immersion). Notez que les indications d’altitude fournies par un GPS ne sont pas autorisées, il faut un capteur barométrique. L’arrêté va plus loin encore : « Un dispositif empêche l’aéronef de dépasser la hauteur maximale prévue pour un vol donné. Ce dispositif fonctionne, y compris dans les cas de panne de la liaison de commande et de contrôle » (Annexe II, 2.2.1). Il faut donc que votre appareil soit prévu pour ne pas pouvoir dépasser l’altitude (150 ou 50 mètres selon le cas), et que ce limiteur fonctionne même si vous perdez le contrôle.

Ce n’est pas tout !

parachuteIl faut « un dispositif fail-crash permettant de forcer un atterrissage dès que la mise en œuvre de l’aéronef sort d’un volume d’espace déterminé, y compris dans les cas de panne de la liaison de commande et de contrôle » (Annexe II, 2.2.2). En d’autres mots, votre engin doit être capable d’atterrir tout seul lorsque vous en perdez le contrôle. Dans le cas des vols en immersion, il faut aussi un « système de commande et de contrôle de l’aéronef qui dispose d’un moyen d’information du télépilote sur le positionnement de l’aéronef » (Annexe II, 2.2.3). Votre radiocommande doit indiquer les coordonnées GPS de l’engin volant. Toujours pour les vols en immersion (scénarios S-2 et S-4), il faut que l’appareil soit équipé « d’un dispositif d’enregistrement des paramètres essentiels du vol, notamment la localisation, l’attitude de l’aéronef, et la qualité du signal de commande et de contrôle, permettant une analyse des 20 dernières minutes de vol » (Annexe II, 2.2.5). Une sorte de boîte noire ! Dans le cas du scénario S-3 (vol à vue urbain) et pour les appareils de plus de 2 kilogrammes au décollage, il faut un « dispositif de protection des tiers limitant à 69 joules l’énergie d’impact » (Annexe II, 2.2.6). Si votre engin volant dépasse les 2 kg, il faut l’équiper d’un parachute, déclenché par le dispositif fail-crash évoqué plus tôt, ou à la demande. Alors, heureux d’apprendre tout cela ? Tant mieux, parce que…

…ce n’est pas fini !

dgacLes scénarios S-2 (vol en immersion hors agglomérations), S-3 (vol à vue urbain) et S-4 (vol en immersion hors agglomérations n’étant pas classé S-2) sont soumis à une autorisation particulière, délivrée par le ministre chargé de l’aviation civile (Annexe II, 2.3.1 et 2.3.2). Comment obtenir cette autorisation ? Soyons clairs, les différentes étapes et les requis s’adressent à l’évidence à un usage professionnel. Dans l’ordre, mais sans aller jusque dans les détails, il faut faire viser, soit par démonstration de l’appareil, soit en prouvant la conformité à une conception-type déjà certifiée, que les dispositifs sont conformes aux exigences de l’arrêté A, produire un dossier technique de votre engin volant récapitulant son fonctionnement, ses dispositifs de sécurité, de positionnement, de limitations. Et, parce que cette partie n’était que la théorie, réussir une série d’épreuves en vol. en présence d’examinateurs Vous êtes toujours partant ? Notez que l’Annexe II, 2.4, permet la délivrance automatique dans le cas d’un modèle de série répondant aux requis de l’arrêté A.

La suite se trouve ici

27 commentaires sur “Drones et respect de la loi (2)

  1. Oulà, que c’est plutôt complexe tout çà.
    C’est moins compliqué de faire du tricot, bon c’est sur, moins fun lol

  2. Rien de plus compliqué que la réglementation Française et Européenne, puisque le ciel navigation aérienne est gérée par Bruxelles le JAA et tous les ans ça bouge

  3. Euuuuh….
    Ce ne serait pas plus simple de dire ce qu’on a le droit de faire?
    Parce que la liste est longue dans les interdits…

  4. En gros c’est comme vouloir faire pipi dans une bouteille du haut de la tour eiffel sans mettre une seule goutte sur le parvis…..!

    salutations

  5. Donc, l’AR-drone de Parrot (qui est equipé de deux cameras) est en théorie soumis a ces regles ?
    J’aimerais bien savoir quel pourcentage de proprietaires d’AR drone sont au courant de cela et font effectivement les demarches, vu que c’est en quelque sorte un « jouet » (cher, certes, mais quand meme) qui est destiné au grand public.

  6. comment faire travailler des mecs qui n’ont d’autre occupation de d’écrire des textes qui ne veulent dire que ce qui les arrangent.

    bref..
    j’ai noter que les zones les moins emmerdantes sont lorsque le truc est plus léger que 2kg et dans une zone sans vie.

    un ladybird avec cam qui volent dans le jardin, rentre dans cette catégorie.
    un autre truc, pour les parrots, bien que équipé de caméra, il est « télépiloté » a vue suivant la définition
    « -le vol s’effectue dans le champ visuel du télépilote, sa vision étant éventuellement corrigée par ses lunettes ou lentilles ; et
     »
    la cam ne servant pas pour le pilotage.

    mais bon suivant les €€ que l’on donne a un avocat, il nous dira tout et son contraire.

  7. Bonjour,
    Merci pour ce décryptage. Il y a néanmoins quelquechose que je ne trouve pas encore clair :

    Est-ce les différent scenérios ne s’applique que à partir du moment ou le modèle sort de la catégorie A?

    Ou bien est-ce que un DJIF330 sans caméra, donc catégorie A, peut-etre selon la loin utilisé en vol à vue dans un scénario S-3, c’est à dire par exemple dans un parc à Paris (tout en respectant le bon sens évidement c’est à dire à un moment ou il n’y a personne dans les pelouses) ?

    Merci de votre réponse !

  8. Les scénarios ne s’appliquent effectivement qu’en cas d’activité particulière. Donc sans caméra, les restrictions qui s’appliquent sont celles mentionnées dans la première page, paragraphe « No photo, no video, please »…
    Attention, Paris est un « un espace aérien contrôlé ou une zone réglementée, dangereuse ou interdite ». Pas le droit de décoller à Paris du tout, et il n’y a pas de dérogation sauf en cas d’activité particulière justement 😉
    C’est là où la notion de bon sens prend tout son intérêt, quand on est confronté à des interdictions totales comme celle-ci…

  9. Donc même sans caméra, tu confirmes que c’est interdit à Paris ?

    On est d’accord qu’il faut être responsable, prudent et raisonné : si le moindre danger il y a tant pis on ne vole pas.
    Le problème c’est que dans les parc à Paris même si il n’y a pas de public et que c’est entièrement dégagé, les gardiens veillent et donc la notion de bon sens ne suffit plus puisque on vient vous déloger. Je le dis car je me suis fait jeter de la Vilette après 2 minutes de vol ce WE alors que j’étais _seul_ sur la pelouse détrempée. Je suis dépité car je me suis acheté ce drone, personne ne m’a dit que je n’aurai pas le droit de m’en servir : maintenant je me retrouve avec x euros de matériel inutilisable sur les bras.

    Kevin

  10. Oui, je confirme, les restrictions font qu’aucun appareil civil n’est autorisé à survoler Paris en-dessous de 2000 mètres. L’interdit date de 1948 😉
    Les gardiens ont le droit de déloger. Il ne reste plus qu’à trouver un endroit… sans gardiens 😉

    En plus ce cela, pour aller dans ton sens, l’arrêté du 11 avril 2012 a 4 défauts pour les loisirs :
    1) Il ne fait pas la différence entre un drone de loisirs et un drone civil ou militaire.
    2) La principale différence est la présence ou pas d’un dispositif de prise de vues à bord, ce qui n’a aucune justification de sécurité.
    3) L’arrêté est impossible à comprendre pour un non-initié à l’aéronautique. Or nul n’est censé ignorer la loi, même les non-initiés à l’aéronautique, ce qui n’est par conséquent pas possible.
    4) L’arrêté en question n’est pas connu du grand public, et c’est une insuffisance manifeste des pouvoirs publics.

  11. Bravo et merci pour cette analyse.

    Bienvenue dans le monde merveilleux de l’aéronautique 🙂 Beaucoup, Beaucoup de règlementations diverses et variée.

    On peut très bien acheter une voiture et la conduire sans avoir le permis (certains le font d’ailleurs).
    Et bien c’est pareil pour tout appareil qui circule dans l’espace aérien.

    Et pourquoi 150m ? Et bien c’est simple, car un avion civile n’a pas le droit de voler en dessous de cette altitude (hors manoeuvres décollage/atterrissage, hors vol de pente en planeur, hors exercice de panne, etc, etc la liste est longue).

    Après il pourrait être judicieux de publier un petit ouvrage de « formation » (mis à jour annuellement) un peu comme les guide du code de la route, qui permettrait aux amateurs d’apprendre le strict minimum avant d’investir dans du matériel.

    Reste ensuite à avertir explicitement les acheteurs du besoin de se former lors de l’acquisition d’un tel appareil.

  12. La solution plus rien acheter ,les constructeurs ou vendeurs ferai peut être pression sur les gouvernements ,don la plupart s’octroie des loi quand ils sont au pouvoir histoire de mettre leur nom et se masturber devant leur texte .texte d’ailleurs auquel ils ne connaissent rien eux même lol.

  13. Il est certain que j’ai pu constater que l’interprétation de textes n’était pas un consensus à la DGAC et dans les DSAC régionales…

  14. Et faire du FPV « à vue » dans les champs, c’est à dire en immersion à une distance de moins de 100m (ce qui permet de garder un oeil sur l’appareil et le ramener à vue si besoin), est-ce que ça sort du Sénario 1 ?

  15. Je ne sais pas comment sont considérés les vols en « immersion partielle »… J’imagine qu’il s’agit d’une interprétation, et que ça se défend devant un tribunal avec un avocat persuasif ?

  16. Désolé, je me suis mal exprimé. Je voulais votre avis sur la légalité de ces deux engins.
    Pour moi, leur utilisation est interdite en extérieur en France.

  17. Magnifique logique de l’administration! mais en réalité, le S1 n’est S1 qu’une fois en vol, très compliqué de l’avoir autrement!

  18. Beau boulot face à la connerie administrative qui parait sans limite, mais encore un petit effort en résumant l’essentiel dans un tableau de vérité si c’est possible , merci

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