L’instagrammeuse urbex et drones Lana Sator est en prison

Photos en France et en drone publiées sur le compte Instagram de Lana Sator.

Lana Sator ? Son nom ne vous dit peut-être rien. Souvenez-vous de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris en 2019. Bien que Paris soit interdit de vol en drone, elle avait survolé et photographié la cathédrale en piteux état ainsi que d’autres clichés réalisés dans Paris puis en proche banlieue.

Des images superbes, mais illégales !

Les photos de Notre-Dame ont été prises alors que les pompiers étaient encore en intervention, à deux pas de la préfecture de Police et quasiment à la verticale de la Compagnie Motocyliste de la préfecture de Police. L’une des photos a été publiée en Une du Times. Pas vue pas prise, Lana Sator n’a pas été inquiétée en France. La suite de son histoire n’est pas aussi heureuse…

Qui est Lana Sator ?

Son vrai nom est Svetlana Timofeeva, c’est une photographe russe spécialisée dans les décors urbex qui confesse une « fascination pour l’art monumental soviétique ». Les photos qu’elle a prises à Créteil, Ivry et Noisy-le-Grand mettent d’ailleurs en scène des bâtiments grand format. Son compte Instagram, suivi par 252.000 personnes, propose de magnifiques clichés au sol et aériens shootés en Russie et dans des pays de l’ex-URSS.

Le style de Lana Sator ?

Ce sont des shootings de bâtiments, d’architecture, de lieux abandonnés, rarement avec une présence humaine. Une manière de raconter l’histoire de la grandeur et de la chute du bloc de l’est. On trouve sur son Instagram des images assez étonnantes d’infrastructures civiles et militaires soviétiques, avec de nombreuses photos shootées en drone. Elle est autrice de deux livres urbex, en Suède et au Japon. Elle commercialise aussi des tirages de ses photos.

L’urbex ici et là-bas…

Mosaïques de la ville balnéaire d’Adler, Russie.

Pratiquer l’urbex en France et se faire interpeller, c’est s’exposer à des peines maximales assez lourdes, mais écoper en pratique de peines légères ou de simples rappels à la loi. Utiliser un drone en France de manière illégale et se faire pincer, c’est s’exposer à des peines maximales assez lourdes, mais ne subir en pratique que des peines légères ou de simples rappels à la loi. Dans d’autres pays, en revanche, ce n’est pas du tout la même histoire. Surtout quand la politique s’en mêle…

Son histoire récente ?

Elle nous est racontée par ses amis, qui constituent la seule source d’informations disponible, car Lana Sator a été incarcérée et n’est plus autorisée à communiquer. En août 2022, elle a été interpellée avec deux autres passionnés d’urbex près d’une ancienne fabrique d’armes abandonnée depuis les années 90 à Gramsh, dans le centre de l’Albanie. La suite de l’histoire est racontée par Maria Passer, une amie photographe de Lana Sator, également russe. « Après l’arrestation de Lana en Albanie, la Russie a émis un mandat d’arrêt contre elle, puis a demandé son extradition. Les autorités russes ont accusé Lana d’avoir obtenu illégalement des informations classifiées ».

Politique…

22ème microdistrict de Chertanovo, Russie.

« Cette accusation, ainsi que l’espionnage en Russie, relève de la catégorie des « crimes contre l’État russe », un type d’infraction spécial largement utilisé contre les journalistes, les scientifiques et les russes ordinaires qui ont ouvertement critiqué la politique de Poutine ou condamné l’agression de guerre russe contre l’Ukraine ». En effet, lorsque la Russie a déclenché son offensive en Ukraine en 2022, Lana Sator a clairement affiché son désaccord avec la politique du gouvernement russe sur son compte Instagram (voir ici). « Depuis février, Lana se bat contre son extradition vers la Russie ».

Sur fond de sanctions ouest-est

Les amis de Lana Sator ont lancé une campagne de financement participatif qui a été invalidée par la plateforme GoFundMe. La raison ? « GoFundMe a temporairement désactivé la page de dons à Lana parce que le service soupçonne qu’elle fait l’objet de sanctions imposées par le département américain du trésor ou que l’argent est destiné à être utilisé sur un territoire sous sanctions américaines. Nous avons fourni à Gofundme des documents prouvant que Svetlana ne figure pas sur la liste des sanctions du département du trésor américain (OFAC) ». Mais la plateforme n’a pas rétabli la page…  

Un avocat

Fontaine d’acier à Gyumri, Armenie.

Les amis de Lana Sator ont tout de même réussi à réunir des fonds pour lui offrir un avocat, le cabinet Shehu & Partners en Albanie. « Même si Lana et les deux autres personnes ont déjà passé 4 mois incarcérées, le parquet n’a pas encore porté plainte contre elles. De plus, le procureur refuse de partager les dossiers avec les avocats parce qu’ils sont « classifiés » ». 

Et maintenant ?

Début mars 2023 s’est tenue « l’audience en vue de son extradition, que le procureur a demandé au tribunal de tenir à huis clos […] La prochaine audience du tribunal aura lieu le 17 mars. Nous espérons qu’à ce stade, la Cour sera plus respectueuse de la conception des droits de l’homme, du droit de Lana à un procès équitable et de son droit fondamental en tant qu’être humain de ne pas être livrée au pays qui rejette ouvertement et publiquement la conception des droits de l’homme, et où la torture et les condamnations injustes sont normalisées ». 

Une pétition a été mise en ligne

Maria Passer l’a placée sur la plateforme change.org en y racontant l’histoire de Lana Sator, en demandant de signer pour demander « à la Direction régionale des frontières et de la migration d’Albanie d’accepter la demande de Lana et de lui accorder l’asile afin qu’elle puisse être jugée de manière équitable et politiquement impartiale ». Une cagnotte pour couvrir les frais de justice a aussi été mise en ligne (ici). Nous n’obtiendrons probablement pas la version russe de l’histoire, mais l’Albanie devrait communiquer au sujet de l’extradition de Lana Sator. A suivre…

Crédits photos : Lana Sator
Merci à Xoci pour le lien !

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